11/09/2012
Heureusement il y a toujours d'honnêtes gens parmi les monstres, et des gens de goût parmi les sots
... Et pour vivre bien, agréablement, il est bon que les monstres et les sots restent minoritaires, ce dont on peut douter parfois quand on voit les "une" des journaux .
Les honnêtes gens et gens de goût n'ont pas la vedette , ne sont pas vendeurs .
Il est vrai qu'ils ont peu d'intérêt pour ces lecteurs assidus , quotidiens, qui se jettent d'abord sur la page des annonces nécrologiques , puis sur les faits divers/chiens écrasés de leur canton, l'horoscope, le programme télé, les nouvelles (mauvaises) du monde , et enfin pour les plus érudits les pages du foot.
« A M. THIERIOT.
Le 19 décembre [1756]
On m'a enfin envoyé de Paris une de ces abominables éditions de la Pucelle. Ceux qui m'avaient mandé, mon ancien ami, que La Beaumelle et d'Arnaud avaient fabriqué cette œuvre d'iniquité, se sont trompés, du moins à l'égard de d'Arnaud. Il n'est pas possible qu'un homme qui sait faire des vers ait pu en griffonner de si plats et de si ridicules. Je ne parle point des horreurs dont cette rapsodie est farcie elles font frémir l'honnêteté comme le bon sens, je ne sais rien de si scandaleux ni de si punissable. On dit qu'on a découvert que La Beaumelle en était l'auteur, et qu'on l'a transféré de la Bastille pour le mettre à Vincennes dans un cachot mais c'est un bruit populaire qui me paraît sans fondement. Tout ce que je sais, c'est qu'un tel éditeur mérite mieux. Voilà assurément une manœuvre bien criminelle. Les hommes sont trop méchants. Heureusement il y a toujours d'honnêtes gens parmi les monstres, et des gens de goût parmi les sots. Quiconque aura de l'honneur et de l'esprit me plaindra qu'on se soit servi de mon nom pour débiter ces détestables misères. Si vous savez quelque chose sur ce sujet aussi triste qu'impertinent, faites-moi l'amitié de m'en instruire.
Mandez-moi surtout si vous avez votre diamant 1. Je m'intéresse beaucoup plus à vos avantages qu'à ces ordures, dont je vous parle avec autant de dégoût que d'indignation.
Je vous embrasse du meilleur de mon cœur. »
-
Légué à Thieriot par Mme de La Popelinière. Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/09/04/la-france-joue-a-present-un-beau-role-dans-l-europe-on-sent.html
17:59 | Lien permanent | Commentaires (0)
la paix, la concorde, l'union, la douceur d'une vie égale, espèce de félicité qu'on trouve rarement dans les cours
... De récréation .
http://www.dailymotion.com/video/x865t1_alain-souchon-laurent-voulzy-j-ai-d_music
... Royales !
Quoique !
... Luxe, calme et volupté coexistent dans une même famille :
« A madame la duchesse de SAXE-GOTHA.
Aux Délices, 14 décembre [1756].
Madame, le jeune gentilhomme anglais nommé M. Keat 1, qui aura l'honneur de rendre cette lettre à Votre Altesse sérénissime, me fait crever de jalousie. Ce n'est pas que son mérite, qui n'inspire que des sentiments agréables, fasse naître en moi la triste passion de l'envie; mais il a le bonheur de voir et d'entendre Votre Altesse sérénissime. Ce bonheur m'est refusé; il y a là de quoi mourir de douleur. Il peut du moins rendre bon témoignage de mon chagrin il peut dire si je regrette autre chose dans le monde que le séjour de Gotha.
Il arrivera peut-être dans le temps qu'on donnera quelque bataille, qu'on prendra quelque ville dans le voisinage de vos États. Mais il verra dans la cour de Votre Altesse sérénissime ce qu'il aime, la paix, la concorde, l'union, la douceur d'une vie égale, espèce de félicité qu'on trouve rarement dans les cours, félicité que vous donnez, madame, et que vous goûtez.
Puisse l'année 1757 être aussi heureuse pour elle et pour toute son auguste famille qu'elle commence malheureusement pour ses voisins ! Je me mets à ses pieds pour cette année et pour toutes celles de ma vie. »
1George Keate, poète anglaisdont V* parle dans sa lettre du 14 novembre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/09/03/d...
14:51 | Lien permanent | Commentaires (0)
10/09/2012
le cri public nous autorise à nous rendre sévères, et à passer dorénavant par-dessus toute autre considération
... Auraient pu dire François Hollande, Ayrault et Vals réunis .
Et d'ajouter "Ah! ça ira ! ça ira !..."
(NDLR - La cédille prend ici toute sa valeur pour éviter, autant que possible, de retomber dans les excès de langage sarkoziens "Ah ! caïra! caïra !" que la faune délinquante de Marseille pourrait encore prendre comme une insulte et tabasser les forces de l'ordre, encore une fois)
« DE M. D'ALEMBERT.
A Paris, ce 13 décembre [1756].
Vous avez, mon cher et illustre maître, très-grande raison sur l'article Femme 1 et autres; mais ces articles ne sont pas de mon bail: ils n'entrent point dans la partie mathématique, dont je suis chargé, et je dois d'ailleurs à mon collègue 2 la justice de dire qu'il n'est pas toujours le maître ni de rejeter ni d'élaguer les articles qu'on lui présente. Cependant le cri public nous autorise à nous rendre sévères, et à passer dorénavant par-dessus toute autre considération; et je crois pouvoir vous promettre que le septième volume n'aura pas de pareils reproches à essuyer.
J'ai reçu les articles que vous m'avez envoyés, dont je vous remercie de tout mon cœur. Je vous ferai parvenir incessamment l'article Histoire contresigné. Nos libraires vous prient de vouloir bien leur adresser dorénavant vos paquets sous l'enveloppe de M. de Malesherbes, afin de leur en épargner le port, qui est assez considérable. Quelqu'un s'est chargé du mot Idée. Nous vous demandons l'article Imagination; qui peut mieux s'en acquitter que vous? Vous pouvez dire comme M. Guillaume 3 : Je le prouve par mon drap.
Le roi tient actuellement son lit de justice pour cette belle affaire du parlement et du clergé;
Et l'Église triomphe ou fuit en ce moment 4.
Tout Paris est dans l'attente de ce grand événement, qui me parait à moi bien petit en comparaison des grandes affaires de l'Europe. Les prêtres et les robins aux prises pour les sacrements vis-à-vis 5 les grands intérêts qui vont se traiter au parlement d'Angleterre, vis-à-vis la guerre de Bohême et de Saxe, tout cela me parait des coqs qui se battent vis-à-vis des armées en présence.
Personne ne croit ici que les vers contre le roi de Prusse 6 soient votre ouvrage, excepté les gens qui ont absolument résolu de croire que ces vers sont de vous, quand même ils seraient d'eux. J'ai vu aussi cette petite édition de la Pucelle; on prétend qu'elle est de l'auteur du Testament politique d'Albéroni 7; mais, comme on sait que cet auteur est votre ennemi, il me parait que cela ne fait pas grand effet. D'ailleurs les exemplaires en sont fort rares ici, et cela mourra, selon toutes les apparences, en naissant. Je vous exhorte cependant là-dessus au désaveu 8 le plus authentique, et je crois que le meilleur est de donner enfin vous-même une édition de la Pucelle que vous puissiez avouer. Adieu, mon cher et illustre maître; nous vous demandons toujours pour notre ouvrage vos secours et votre indulgence.
Mon collègue vous fait un million de compliments. Permettez que Mme Denis trouve ici les assurances de mon respect. Vous recevrez, au commencement de l'année prochaine, l'Encyclopédie. Quelques circonstances, qui ont obligé à réimprimer une partie du troisième volume, sont cause que vous ne l'avez pas dès à présent. Iterum vale, et nos ama. »
1Voir lettre du 13 novembre 1756 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/11/13/8b7616856c4cc63e00eca0a0f081b4f5.html
et du 29 novembre 1756 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/09/06/il-est-difficile-d-etre-court-et-plein-de-discerner-les-nuan.html
3 Dans l'Avocat Patelin, comédie de Brueys, acte III, scène Il.Page 69 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5675024b/f72.image
4 Bajazet, acte I, scène 2 page 21 : http://readerv4.numilog.com/?BookId=07AC0D69-71D3-4ECA-9A47-A22650F965DF&ExpCode=bnf&cr
« Et le sultan triomphe ou fuit en ce moment . »
5 C'est par ironie que ce mot est employé ici; voir : page 413 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113219/f415.image
6 Voir lettre du 29 novembre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/09/06/il-est-difficile-d-etre-court-et-plein-de-discerner-les-nuan.html
7 Maubert de Gouvest : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Henri_Maubert_de_Gouvest
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