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16/12/2009

Sa petite âme ne voulait qu’une réputation viagère

Petite occasion de sourire avant ou après avoir lu son horoscope !

http://www.youtube.com/watch?v=saclo51anNY

 

 

Yawhé, Allah, Jéhovah,
Vichnou (la paix, comme disaient si bien Francis Blanche et Pierre Dac )
Pachacamac, Têtedanlsac, Sorduhamac, comme qu'on vous nomme :
Vous êtes sourds !
tintin pachacamac.jpg

 

« A Marie de Vichy de Chambond, marquise du Deffand

 

16è décembre 1770

 

                            Je m’en étais douté, il y a trente ans que son âme n’étais que molle, et point du tout sensible [le président Hénault mort le 24 novembre ; le 5 décembre V* écrit à Mme du Deffand : « Je regrette jusqu’au fond de mon cœur le président Hénault », mais le 9 décembre elle lui écrivit que , dans son testament, le président « de ses amis n’en parle point » ]; qu’il concentrait tout dans sa petite vanité, qu’il avait l’esprit faible et le cœur dur ; qu’il était content pourvu que la reine trouvât son style meilleur que celui de Montcrif, et que deux femmes se le disputassent. Mais je ne le disais à personne, je ne disais pas même que ses Etrennes mignonnes [=Abrégé chronologique de l’histoire de France] ont été commencées par Du Molard et faites par l’abbé Boudot.

 

                            Je reprends toutes les louanges que je lui ai données.

 

Je chante la palinodie,

Sage du Deffand je renie

Votre président et le mien.

A tout le monde il voulut plaire

Mais ce charlatan n’aima rien,

De plus il disait son bréviaire !

 

                            Je voudrais, Madame, que vous sussiez ce que  c’est que ce bréviaire, ce ramas d’antiennes et de réponses en latin de cuisine ! Apparemment que ce pauvre homme voulait faire sa cour à Dieu comme à la reine par de mauvais vers.

 

                            Je suis dans la plus grande colère, je suis si indigné que je pardonne presque au misérable La Beaumelle d’avoir si mal traité les Etrennes mignonnes du président [polémique à propos de l’Examen de la nouvelle histoire de Henri IV, dans laquelle V* voulait entrainer Hénault ; voir lettres de septembre 1768 à février 1769 ]. Quoi ! ne vous pas laisser la moindre marque d’amitié dans son testament, après vous avoir dit pendant quarante ans qu’il vous aimait ! Sa petite âme ne voulait qu’une réputation viagère. Je suis très persuadé que l’âme noble de votre grand-maman [la duchesse de Choiseul  ] trouvera cela bien infâme.

 

                            Vous voulez des vers pour la Bibliothèque bleue [ensemble de romans parus sous couverture bleue en brochures : Histoire de Pierre de Provence et de la belle Maguelonne ; Histoire de Robert le Diable ; Histoire des quatre fils Aymon, etc]; vous vous adressez très bien ; en voici qui sont dignes d’elle.

 

La belle Maguelone avec Robert le Diable

Valaient peut-être au moins les romans de nos jours ;

Ils parlaient de combats, de plaisirs et d’amours.

Mais tout ce papier bleu quoique très estimable

                   N’est plus regardé qu’en pitié.

Mon cœur en a senti la cause véritable,

                   On n’y parle point d’amitié.

 

N’est-il pas vrai, Madame, que nous n’aurons point la guerre ? C’est une obligation que la France aura encore au mari de votre grand-maman.

 

                            Je veux que vous m’écriviez dorénavant à cœur ouvert, nous n’avons rien à dissimuler ensemble. [d’après Atys, opéra de Quinault] .Mais quelque chose que vous ayez la bonté de m’écrire, faites contresigner par votre grand-maman, ou envoyez votre lettre chez M. Marin, secrétaire général de le Librairie, rue des Filles-Saint-Thomas, qui me la fera tenir très sûrement, le tout pour cause.

 

                            Voltaire. »

APPEL au PEUPLE !!

"Je veux que vous m’écriviez dorénavant à cœur ouvert, nous n’avons rien à dissimuler ensemble.": cette phrase est dédiée à tous ceux qui n'osent pas ou ne prennent pas le temps de laisser de commentaire !!

 

 Allez, on arrose ça !!

marmotte-avec champagne.jpg

 

08/12/2009

On nuit plus au progrès de l’esprit en plaçant mal les récompenses qu’en les supprimant

paresseux.jpg

Accrochez-vous bien !

Je peux témoigner que "tomber" amoureux n'est pas toujours figuré .

(NDLR : un conseil d'ami : méfiez-vous des chaises à roulettes  ;- ))

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« A Charles-François Hénault

 

Au château de Potsdam, 8 décembre [1751]

 

                            Vous me croirez paresseux, mon cher confrère, mais c’est parce que je ne le suis point que j’ai été si longtemps sans vous écrire. J’étais occupé à finir mon essai du Siècle de Louis XIV, à tâcher de vous imiter et de mériter votre suffrage et vos bontés. Il s’est glissé beaucoup de fautes tant de ma part que de l’éditeur, et je fais des cartons. J’ai pris la liberté de vous voler la liste des maréchaux de France et des ministres que j’ai mise à la suite de l’ouvrage [emprunt au Nouvel abrégé chronologique de l’Histoire de France de Hénault ]. Elle est suivie d’un catalogue de presque tous les artistes qui ont immortalisé ce siècle en tant de différents genres. Je vous supplie de jeter les yeux sur une petite partie de ce catalogue et de renvoyer ensuite ces deux feuilles à Mme Denis. J’avais, comme vous le voyez, prévenu cet énorme abbé Lambert, [Claude-François Lambert, auteur de Histoire littéraire du règne de Louis XIV (Paris 1751) ],  et je crois ni ne penser ni écrire comme lui. Franchement son gros livre déshonore la nation qu’il a cru honorer ; mais des barbouilleurs ont beau défigurer les grands hommes et peindre des pygmées à coté d’eux, les pygmées disparaissent, les barbouilleurs sont oubliés et les grands hommes restent.

 

                            A propos de grands hommes, il est triste que le roi de Prusse ait supprimé  la vie de son père dans l’Histoire de Brandebourg [ le règne de Frédéric-Guillaume est peu traité dans l’édition hollandaise de Mémoires pour servir à l’histoire de la Maison de Brandebourg (1751), mais il était traité dans l’édition faite « Au donjon du château » et le sera à nouveau dans la Continuation (1757) ]; mais vous m’avouerez, Monsieur, que les trois dissertations sur la religion, les mœurs, le gouvernement de son pays sont d’un vrai philosophe, et que Salomon, Marc Aurèle et Julien n’eussent pas  mieux fait. Au reste je n’ai d’autre part aux ouvrages  de cet homme très extraordinaire que celle d’avoir fait avec lui mon métier d’académicien et d’avoir servi à perfectionner en lui la connaissance de notre langue. C’est un faible mérite auprès du génie.

 

                            Je ne sais si on lui pardonne d’avoir comparé l’Electeur, son bisaïeul, à Louis XIV. On ne connait en France cet Electeur que pour avoir été surpris et bien battu par le maréchal de Turenne, et pour avoir été contraint malgré tous ses artifices à recevoir une paix honteuse. Mais cet Electeur, qui a dans Berlin le nom de Grand, a fait  réellement de grands biens à son pays, et par là cette comparaison devient excusable dans la bouche de celui qui d’ailleurs l’a si prodigieusement surpassé.

 

                            Cet homme singulier doit être cher à votre ministère pour avoir abaissé la maison d’Autriche, affaibli l’Empire, changé la face de l’Allemagne et tenu la balance du Nord. Il doit l’être de tous les êtres pensants par sa philosophie libre, par la culture des lettres, et surtout aux Français puisqu’il a appris d’eux seuls à penser et à écrire. Il a donné une telle vogue à notre langue qu’elle est devenue langue générale du Nord et qu’on vient d’établir une  académie française à Copenhague. Un officier poméranien qui a servi longtemps en Russie [Manstein qui écrit les Mémoires de Russie (édités 1770), publiés par David Hume ; V* retouchera le texte français ], et qui est actuellement à Potsdam, y compose en français l’histoire des dernières révolutions de la Russie. Il fera connaitre le premier une nation qui est bien plus redoutable qu’on ne pense. Enfin, Monsieur, je vous assure que j’habite Sparte devenu Athènes, et cette nouvelle Athènes n’est qu’une colonie de Paris.  Vous seriez peut-être étonné aux soupers du roi de croire être chez vous.

 

                            Comme nous sommes ici fort libres, permettez-moi d’user de cette liberté pour ne point croire la réponse de Louis XIV à l’ambassadeur Stairs [A la fin de 1714, dans le Nouvel Abrégé de Hénault, on trouve cette réponse de Louis XIV : « Monsieur l’ambassadeur, j’ai toujours été maitre chez moi, quelque fois chez les autres, ne m’en faites pas souvenir . » V* a demandé le 15 août à Hénault  « d’adoucir par un on dit cette réponse étonnante de Louis XIV ».]. Dans tout le reste je me range sous vos étendards.

 

                            Je vous supplie de vouloir bien faire quelque commémoration de moi à M. d’Argenson et à M. de Paulmy. Ils m’honoraient autrefois d’un peu de bonté, et s’ils daignaient se souvenir de moi avec quelque prédilection, je regretterais trop ma patrie.

 

                            J’ai lu avec bien de la satisfaction, dans l’excellent discours de M. d’Alembert, ces paroles remarquables : On nuit plus au progrès de l’esprit en plaçant mal les récompenses qu’en les supprimant. [introduction à l’Encyclopédie ] Peut-être trouverait-on dans cette réflexion des raisons pour justifier ma retraite si les bontés, les biens, les honneurs dont me comble un grand roi, et la vie très libre dont je jouis, je ne dis pas dans sa cour, mais dans sa maison, ne me justifiaient pas.

 

                            Cependant, mon cher et illustre confrère, croyez que malgré la petite vengeance que j’ai prise en me rendant heureux, malgré une liberté plus entière à la table d’un si grand roi que dans les soupers anglais, malgré tous les agréments attachés à la faveur d’un souverain, je vous regrette très sincèrement ; je vous voudrais à Potsdam, ou bien le roi de Prusse à Paris. Mme la marquise du Deffand m’inspire les mêmes sentiments. Ayez la bonté, je vous en prie, de lui présenter mes respects. Elle n’a guère de serviteur ni plus éloigné ni plus attaché. Je lui souhaite une meilleure santé que la mienne .Je suis si malade, je deviens si faible que je ne peux guère soutenir d’autre vie que celle de Potsdam, c'est-à-dire une liberté parfaite pour mon régime, et une suppression entière des moindres devoirs. Avec cela je traine gaiement. Monsieur, vivez aussi heureux que vous méritez de l’être. Qu’un bon estomac soit le prix etc [extrait de l’Epitre à Hénault du 13 juillet 1744 ]. Conservez-moi une amitié dont j’ai grand besoin, même en jouissant, j’ose le dire et répéter sa propre expression, de celle dont  m’honore un homme qui aura dans la postérité le nom de Grand. Songez que vous irez aussi à la postérité.

 

                                 Voltaire. »

 

 

 

 

 

 

 

 

A tous ceux qui ont tout lu, pour récupèrer, installez-vous confortablement et écoutez :

http://www.youtube.com/watch?v=0NYN3-g8RxM

Beau programme , non ?