18/01/2009
vi baccio teneramente ...!
Voltaire amoureux, encore ! , je dirai même touché par le démon de midi, puisqu’il fréquente ( avec un succès dont je vous laisse juges ) sa nièce Marie-Louise depuis environ quatre ans ; cette jeune et accorte veuve ( ce n’est plus une oie blanche depuis longtemps ) a un tempérament qui la porte à éviter la solitude et qui saura choisir le meilleur parti .
« A Marie-Louise Denis
Votre lettre du 13, mon cher cœur, est de la plus grande philosophe du monde. Vous méprisez des avantages que je ne saurais vous conseiller de mépriser. C’est à vous à choisir entre les préjugés du monde et votre sagesse, c’est à vous de décider [ elle avait un projet de mariage avec M. de La Caseique, et V. lui avait répondu « plus je vous aime, plus je vous conjure de me percer le cœur en acceptant la proposition » ]. Pour moi je ne peux que vous aimer, vous admirer et attendre votre décision. Tout ce que je sais, c’est que nous ne délogeons point et que mon seul bonheur serait de loger avec vous.
Que voulez-vous dire avec les petites fantaisies, etc. que vous prétendez qui gouvernent ma vie ? Ne vous ai-je pas ouvert mon cœur, ne savez-vous pas que j’ai cru devoir au public de ne point faire un éclat qu’il tournerait en ridicule ? [ quitter Mme du Châtelet pour Mme Denis ] que j’ai cru devoir marcher toujours sur la même ligne, respecter une liaison de vingt années, et trouver même dans la cour de Lorraine et dans la solitude où je suis à présent un abri contre les persécutions dont je suis continuellement menacé ? Je suis très instruit que si j’avais été à Paris ce mois-ci on m’aurait mis très mal dans l’esprit de Mme de P., et dans celui du roi. On m’a fait d’étranges niches [ Mme de Pompadour protégeait Crébillon et son Catilina dont Voltaire disait le plus grand mal ] . Je vous en dirai de bonnes à mon retour [ allusion à la grossesse de Mme du Châtelet ?]. Il y a encore bien loin d’ici à cet heureux moment. Ce ne sera que pour la fin du mois. Il est nécessaire que j’arrive tard et que je ne donne aucun prétexte à ceux qui voudraient me faire parler [ contre Crébillon]. Je continuerai assurément mon épître puisque le commencement vous plaît . Je rapetasse actuellement Sémiramis dont j’espère que vous serez plus contente que des premières leçons. Vous la lirez et vous me ferez lire la Femme à la mode [ pièce de Mme Denis qui deviendra La coquette punie ]. Il n’y a que mon rêve qui puisse me faire autant de plaisir que vos ouvrages. Mais je voudrais bien venir vite veiller avec vous comme je rêve ! Hélas, en suis-je digne ? Je compte sur vos bontés au moins.
Ma chère enfant, vous devez par ma dernière savoir ce que je pense de l’affaire à proposer à M. de Richelieu. Ce que j’ai appris depuis me fait croire qu’elle réussira. Nous en raisonnerons le 30 janvier. Eh ! bien Catilina va toujours, on en dit bien du mal. Mais le plus grand mal est de courir à une mauvaise pièce. Vi baccio teneramente, e l’anima mia baccia anche la vostra [ je vous baise tendrement, et mon âme baise encore la vôtre ].
Voltaire
A Cirey, le 18 janvier 1749. »
Ici, ce jour il pleut et les patinoires naturelles des chemins du château font de beaux ruisseaux , grande lessive bienvenue pour une fois .
A ce propos, je me permets une critique : pourquoi ces tonnerres de Brest* d’employés de la voirie n’ont –ils pas passé un coup de lame (=chasse-neige, je précise pour les pauvres gens qui ne connaissent pas la neige et le gel , et qui sont les doigts de pieds en éventail sur des plages de sable blond . Ah ! quelles images, quelle audace dans les termes !!!) dans l’allée qui mène au château ? C’était un véritable repoussoir à touristes bien intentionnés . L’hiver n’est pas achevé . Je leur accorde une deuxième chance ( ils ont eu la chance au grattage, échec ! !) .
Blogueuse ( et dans blogueuse il y a … !) curieuse, moi aussi, en toute amitié « Vi baccio teneramente »…
18:30 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, denis, baise, coeur, aimer
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