22/12/2009
Le fracas et les plaisirs de Lyon nuisaient à ma santé et à mon travail
Je peux vous garantir qu'au XXI ième siècle le fracas de Lyon est essentiellement automobile et use en effet les nerfs des usagers obligés chaque jour de trainer dans des bouchons, qui pour être lyonnais , n'en ont pas l'agrément de leurs homonymes aux tables bien garnies .
Les plaisirs de Lyon, je vous le confesse, n'ont pas sur moi le même effet délétère que sur Volti !
Au contraire, ils sont pour moi source vivifiante et j'en redemande sans retard . Vous comprendrez quand vous serez plus grands !
Entre autres adresses, une qui m'est chère depuis quelques semaines ...
« A Marie-Elisabeth de Dompierre de Fontaine
Au château de Prangins,
22 décembre 1754
Je dicte ma lettre ma chère nièce, non pas que je sois plus malade qu’à l’ordinaire, mais parce que je suis dans mon lit fort frileux et fort paresseux. Je ne doute pas que vous n’ayez fait rendre à M. de Prangins [Jean-Georges Guiguier, baron de Prangins] la première lettre que je vous envoyai. Je n’ai point la force d’aller prendre actuellement les bains d’Aix en Savoie ; la saison est trop rigoureuse ; il faut attendre un temps plus doux . Si je pouvais me flatter que vous vinssiez ici au printemps avec le maître de la maison, je ne chercherais pas d’autre retraite jusqu’au printemps où vous en partiriez, et je ne pourrais pas en imaginer une plus agréable. La situation est d’après les romans, et le bâtiment est de l’histoire moderne [vers 1723]; il n’y a rien de si beau à 50 lieues à la ronde. Tout ce que nous craignons Mme Denis et moi, c’est de causer un peu d’embarras aux régisseurs de ce beau château. Surtout nous vous prions de présenter à M. de Prangins nos remerciements et nos excuses. Je voudrais qu’il sentît tout le plaisir qu’il me fait. Cette habitation est précisément tout ce qui me convient dans l’état douloureux où je suis. Ma santé et mes études en avaient besoin. Le fracas et les plaisirs de Lyon nuisaient à ma santé et à mon travail [lettres du 20 novembre et 2 décembre à d’Argental]. Vous ne sauriez croire l’obligation que je vous ai d’avoir trouvé une retraite si convenable à mon goût et à mon état. Il ne me manque que de vous y voir. C’est la seule chose que je désire dans ce monde. Il y a d’ailleurs des eaux minérales, qui, je crois, seraient fort bonnes pour vous, surtout au printemps. Flattez-nous au moins de cette espérance ; mandez-nous si M. de Prangins a reçu nos lettres. Vous devez regarder comme votre affaire propre notre séjour dans ce château, puisque c’est vous qui nous l’avez procuré. Je suis fâché que vous n’ayez plus la consolation de voir tous les jours votre frère ; je me flatte que vous en avez d’autres auxquelles je m’intéresse.
J’ai apporté avec moi votre Léda. Apportez-nous le portrait de votre fils avec quelques-uns de vos petits chefs-d’œuvre ; mais songez que vos lettres nous font pour le moins autant de plaisir que vos crayons et vos pinceaux. Ce n’est plus le temps d’être paresseuse avec des gens qu’on a confinés dans un château sur les bords d’un lac. Ecrivez-nous, rassurez-nous contre la crainte d’abuser des bontés du maître de maison, et encore plus de la crainte de ne vous point voir ce printemps.
Adieu mon aimable nièce.
Voltaire. »
Exposition de papier découpé au Château de Prangins, dont les œuvres de Jean Huber qui s’est particulièrement dédié à Voltaire.
Château de Prangins
http://images.google.nl/imgres?imgurl=http://www.landesmu...
09/12/2009
Personne n’est plus indulgent que moi, mais ce n’est pas pour les calomniateurs
http://www.youtube.com/watch?v=sqinwy0RdQs : l' Eternel féminin vu par Juliette .
On peut lui faire confiance pour la réalité des faits , elle est femme , et je me réjouis chaque fois que je l'écoute. Non pour le point final, mais pour ce ton d'humour qu'elle sait manier à la perfection .
Régalez vous et grappillez ses autres titres, vous en redemanderez ...
« A Charles Manoël de Végobre
Je vous confie, mon cher Monsieur, que M. Court est à Paris sous un autre nom [Antoine Court de Gébelin, à Paris pour créer un centre clandestin de renseignement et de propagande pour les protestants. Il a écrit Les Toulousaines ou Lettres historiques et apologétiques en faveur de la religion réformée et de divers protestants condamnés (1763) ]. J’ai peur qu’il ne veuille précipiter le succès de ce que j’ai entrepris en faveur des protestants du royaume ; et que son zèle très louable ne demande trop tôt ce qu’on ne doit attendre que dans quelques années. Il m’a prié de lui faire avoir des audiences de quelques personnes qui peuvent beaucoup ; je l’ai fait. Je peux vous assurer qu’il y a des hommes en place qui sont tout aussi zélés que moi. Mais plus cette affaire est importante, plus elle demande de ménagements extrêmes.
Si quelques jours vous pouviez venir chez moi, je vous montrerais des choses qui vous surprendraient beaucoup .Comptez que personne ne vous a servis plus efficacement que moi depuis plus de soixante ans.
Laissons d’abord juger définitivement l’affaire de Calas, à laquelle mon avocat au Conseil travaille jour et nuit. C’est alors qu’on pourra agir avec plus de sureté.
M. le maréchal de Richelieu me mande qu’il accorde toute sa protection à M. de Carbon, et que si on voulait lui faire la moindre peine, il l’en ferait avertir.
Vous avez dans votre ville de Genève une espèce de quakre, qui mériterait, au moins d’être chassé, s’il était coupable de la calomnie qu’on lui impute [Claude Gray, qui invité à diner chez V* aurait affirmé ensuite « qu’on avait tenu à table de discours impies ». V* écrit à l’avocat Debrus à Genève : « S’il répand en effet ce bruit , nous en demandons justice, ou nous la ferons nous-mêmes. » et signe « Voltaire, Denis »]. Je suis bien aise de vous envoyer la déclaration de Mme Denis et la mienne. Personne n’est plus indulgent que moi, mais ce n’est pas pour les calomniateurs . Je ferai saisir ce misérable par la maréchaussée, s’il reparait sur les terres de France.
Je vous embrasse de tout mon cœur, et sans cérémonie.
V.
9è décembre 1763 à Ferney. »
05:22 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, végobre, court, dray, richelieu, calas, carbon, denis, calomniateur, maréchaussée
02/12/2009
au trou où je demeure [petite chambre n°144 près du « piu puzzolente cacatoio di Versailles]
Volti n'a pas connu que des lieux prestigieux, il a connu aussi les à-côtés des palais, à savoir les toilettes qui au XVIIIème siècle "brillaient" par leur état rudimentaire . Vu la description -pourtant sommaire de Volti- , il n'était sans doute pas nécessaire d'en demander la localisation , un aveugle aurait trouvé sans peine .
Pour ceux qui aiment se cultiver , en tout domaine, même les plus prosaïques : http://fr.allafrica.com/stories/200911190622.html
Et puis revenons, à Volti ...
« A Marie-Louise Denis
A l’hotel d’Herbouville, rue Pavée au Marais à Paris / en diligence / 12 s. au porteur.
Ma chère enfant, mandez-moi combien vous serez de bayeuses pour voir la seconde fête, qui sera plus belle que la première [Première représentation du Temple de la Gloire le 27 novembre, seconde le 4 décembre ]. Le roi a été très content de la première représentation et c’est lui-même qui en a demandé une seconde. J’ai à tout hasard demandé cinq billets, c’est beaucoup parce qu’il y aura un rang de loges de moins. Et si vous me demandez pourquoi ce rang de moins, c’est que la salle a été changée pour le bal paré. Tout cela fait le plus beau coup d’œil que vous puissiez imaginer. Les fêtes de Louis XIV n’étaient pas si belles. Je n’ai pu revenir à Paris. J’ai donné mes soins à bien des bagatelles nécessaires. Je suis très satisfait et il ne me manque que vous. Tachez d’amener Mme de Fontaine et Mme Dosseur. Il faudra être à Versailles à trois heures après midi samedi prochain. Vous ferez avancer votre carrosse dans la cour des princes. Je vous enverrai samedi matin un petit laquais gros comme le poing qui vous conduira au trou où je demeure [petite chambre n°144 près du « piu puzzolente cacatoio di Versailles ».], je vous rendrai vos diamants, je vous mènerai à la salle et je vous placerai. Je vous embrasse tendrement. Bonjour.
Ce jeudi matin [2 décembre 1745].
Réponse au château à l’appartement de M. le duc de La Vallière. »
17:01 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, denis, versailles, vallière, chambre, trou
30/11/2009
Jamais de paix avec un sot méchant
http://www.youtube.com/watch?v=as59Id4eHhc&NR=1
Autres temps, autres racailles !
« A Jean-François de La Harpe
30è novembre 1772, à Ferney
Il n’y a que vous, mon cher successeur, qui ayez su écrire au nom d’Horace [en réponse à l’Epître à Horace de V*, La Harpe a écrit une Réponse d’Horace à M. de V***]. Heureusement vous ne lui avez pas refusé votre plume comme il refusa la sienne à Auguste. Vous avez mis dans sa lettre la politesse, les grâces, l’urbanité de son siècle. Boileau n’a pas été si bien servi que lui [Clément que V* compare à Fréron et Desfontaines avait écrit une réponse de Boileau (Boileau à M . de Voltaire, 1772) en réponse à l’Epître à Boileau de V*]; de quoi s’avisait-il aussi de prendre son secrétaire dans les charniers Saint-Innocent ? Je vous remercie des galanteries que vous me dites tout indigne que j’en suis, et je vous remercie encore plus d’avoir si bien saisi l’esprit de la cour d’Auguste. Ce n’est pas tout à fait le ton d’aujourd’hui. Notre racaille d’auteurs est bien grossière et bien insolente, il faut lui apprendre à vivre. J’avais voulu autrefois ménager ces messieurs, mais je vis bientôt qu’il n’y avait d’autre parti à prendre que celui de se moquer d’eux. Ce sont les enfants de la médiocrité et de l’envie. On ne peut ni les éclairer ni les adoucir ; il faut brûler leur vilain visage avec le flambeau de la vérité. Jamais de paix avec un sot méchant. Pour peu qu’on soit honnête ils prétendent qu’on les craint.
Vous donnez quelquefois dans le Mercure des leçons qui étaient bien nécessaires notre siècle de barbouilleurs. Continuez, vous rendez un vrai service à la nation.
Je vous embrasse plus que jamais ; Mme Denis a été bien malade d’une furieuse dysenterie. Elle vous fait ses compliments.
Voltaire. »
19:13 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, harpe, horace, denis, auteur, racaille, médiocrité, envie
28/11/2009
Il ne faut pas se fâcher contre ceux qui ne peuvent pas nuire
Il ne faut pas non plus parler quand on est heureux.
Il n'y a pas que les grandes douleurs qui sont muettes (quoiqu'il y aurait beaucoup à dire et redire à ce sujet ! )
Volti est encore en lune de miel prussienne et ne réalise pas encore dans quel guépier il s'est fourré, même s'il subit quelques escarmouches .
-« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental
A Potsdam le 28 novembre 1750
Mon cher ange, vous me rendez bien la justice de croire que j’attends avec quelque impatience le moment de vous revoir, mais ni les chemins d’Allemagne, ni les bontés de Frédéric le Grand, ni le palais enchanté où ma chevalerie errante est retenue, ni mes ouvrages que je corrige tous les jours, ni l’aventure de d’Arnaud ne me permettent de partir avant le 15 ou le 20 de décembre . Mme Denis vous aura dit sans doute que pour prix de sa vanité et de sa lâche ingratitude d’Arnaud avait ordre de partir des Etats du roi dans vingt-quatre heures [Il a été renvoyé le 24 novembre. V* , le 14 novembre écrit à d’Argental qu’il a « servi longtemps de père » à son élève qui jaloux de ses appointements, de ses soupers avec le roi, du succès de Rome sauvée, de l’attribution qui a été faite à V* de ses vers galants (Chanson de l’illustre Voltaire pour l’auguste princesse Amélie, attribuée à V* le 15 septembre) , V* a voulu alors « désavouer une mauvaise préface qu’il avait voulu mettre au devant d’une mauvaise édition qu’on a faite à Rouen des ouvrages » de V*. D’Arnaud s’est alors adressé à Fréron, lui a dit que V* « l’avait perdu dans l’esprit du roi » et qu’il avait « ajouté à sa préface des choses horribles contre la France » . V* dit qu’il ne peut quitter la Prusse avant éclaircissement de cette affaire . A Thiriot V* donne des précisions sur les vantardises de d’Arnaud et ajoute qu’il « escroqua de l’argent à M. Darget et à bien d’autres ] . Voilà un bel exemple, il a perdu une grande fortune pour avoir été fou et méchant. Il faut que l’envie soit bien le partage des gens de lettres puisque d’Arnaud a osé être jaloux. Quelle race que celle des barbouilleurs de papier !
Croiriez-vous bien que votre chevalier de Mouhy s’est amusé à écrire quelquefois des sottises contre moi dans un petit écrit intitulé La Bigarrure ? [La Bigarrure ou mélange curieux, instructif et amusant de nouvelles, de critiques, de morale, de poésie (La Haye 1749)] . Je vous l’avais dit et vous n’aviez pas voulu le croire. Rien n’est plus vrai ni si public. Il n’y a aucun de ces animaux là qui n’écrivît quelque pauvreté contre son ami pour gagner un écu et point de libraire qui n’en imprimât autant contre son propre frère. On ne fait pas assurément d’attention à La Bigarrure du chevalier de Mouhy, mais vous m’avouerez qu’il est fort plaisant que ce Mouhy me joue de ces tours là. Il vient de m’écrire une longue lettre, et il se flatte que je le placerai à la cour de Berlin. Je veux ignorer ses petites impertinences qu’on ne peut attribuer qu’à de la folie. Il ne faut pas se fâcher contre ceux qui ne peuvent pas nuire. J’ai mandé à ma nièce qu’elle fit réponse pour moi, et qu’elle l’assurât de tous mes sentiments pour lui et pour la chevalière.
Votre Aménophis est de Linant [joué le 12 novembre 1750, il est de Bernard-Joseph Saurin ; V* confond avec Ramsès/ Alzaïde de Linant, représentée en 1745], c’est l’Artaxerce de Metastasio . Ce pauvre diable a été sifflé de son vivant et après sa mort. Les sifflets et la faim l’avaient fait périr, digne sort d’un auteur. Cependant vos badauds ne cessent de battre des mains à des pièces qui ne valent guère mieux que les siennes. Ma foi, mon cher ange, j’ai fort bien fait de quitter ce beau pays là, et de jouir du repos auprès d’un héros à l’abri de la canaille qui me persécutait, de graves pédants qui ne me défendaient pas , des dévots qui tôt ou tard m’auraient joué un mauvais tour, et de l’envie qui ne cesse de sucer le sang que quand on n’en a plus .La nature a fait Frédéric le Grand pour moi . Il faudra que le diable s’en mêle si les dernières années de ma vie ne sont pas heureuses auprès d’un prince qui pense en tout comme moi, et qui daigne m’aimer autant qu’un roi en est capable. On croit que je suis dans une cour, et je suis dans une retraite philosophique. Mais vous me manquez, mes chers anges. Je me suis arraché la moitié du cœur pour mettre l’autre en sureté ; et j’ai toujours mon grand chagrin dont nous parlerons à mon retour. En attendant je joins ici pour vous amuser une page d’une épître que j’ai corrigée. Il me semble que vous y êtes pour quelque chose. Il s’agit de la vertu et de l’amitié. Dites–moi si l’allemand a gâté mon français, et si je suis rouillé comme Rousseau [Jean-Baptiste, exilé]. N’allez pas croire que j’apprenne sérieusement la langue tudesque, je me borne prudemment à savoir ce qu’il en faut pour parler à mes gens et à mes chevaux .Je ne suis pas d’un âge à entrer dans toutes les délicatesses de cette langue si douce et si harmonieuse, mais il faut savoir se faire entendre d’un postillon. Je vous promets de dire des douceurs à ceux qui me mèneront vers mes deux anges. Je me flatte que Mme d’Argental, M. de Pont-de-Veyle, M. de Choiseul, M. l’abbé Chauvelin auront toujours pour moi les mêmes bontés, et qui sait si un jour … car … Adieu, je vous embrasse tendrement. Si vous m’écrivez envoyez votre lettre à ma nièce. Je baise vos ailes de bien loin.
Voltaire.
http://www.bibliothek.uni-augsburg.de/sondersammlungen/ga...
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois-Thomas-Marie_d...
18:27 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, argental, denis, fréron, arnaud, mouhy, aménophis, bigarrure, rousseau, pont de veyle
28/08/2009
pour mon siècle je n’attends que des vessies de cochon par le nez.
Nous aussi, nous attendons la décision de nos oracles pour la restauration de la chapelle -ex-église- batie par Volti . Suspense ! Nous prenons gentiment le chemin de la fin de saison . J'ai déjà un peu le blues !
http://www.youtube.com/watch?v=HCTJeT2i9QU
Il ne me reste que 8 journées de visites à faire ( plus une qui me tient à coeur, celle que je désire faire avec Mamzelle Wagnière qui plus que tout autre le mérite , mais chut : ).
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental
et à
Jeanne Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental
J’attends la décision de mes oracles, mais je les supplie de se rendre à mes justes raisons. Je viens de recevoir une lettre de Mme de Pompadour, pleine de bonté, mais dans ces bontés mêmes qui m’inspirent la reconnaissance, je vois que je lui dois écrire encore, et ne laisser aucune trace dans son esprit des fausses idées, que des personnes qui ne cherchent qu’à nuire ont pu lui donner. Soyez très convaincu, mon cher et respectable ami, que j’aurais commis la plus lourde faute et la plus irréparable, si je ne m’étais pas hâté d’informer Mme de Pompadour de mon travail [réponse à « une foudroyante lettre ( des d’Argental) du 17 » : « Il m’était impossible de faire secrètement Catilina dans cette cour-ci, et il eut été fort mal à moi de n’en pas instruire Mme de Pompadour … Je sais bien que je fais la guerre, et je la veux faire ouvertement »], et d’intéresser la justice et la candeur de son âme à tenir la balance égale [ elle protégeait Crébillon et son Catilina, tout en protégeant V*. Elle répondra à V* le 5 septembre « Je suis bien éloignée de penser que vous ayez rien fait contre Crébillon. C’est ainsi que vous, un talent que j’aime et que je respecte… » en ajoutant qu’elle l’a défendu.], et à ne plus souffrir qu’une cabale envenimée capable des plus noires calomnies se vantât d’avoir à sa tête la beauté et la vertu. C’est en un mot une démarche dont dépendait entièrement la tranquillité de ma vie. M’étant ainsi mis à l’abri de l’orage qui me menaçait, et m’étant abandonné avec une confiance nécessaire à l’équité et à la protection de Mme de Pompadour, vous sentez bien que je n’ai pu me dispenser d’instruire Mme la duchesse du Maine que j’ai fait ce Catilina qu’elle m’avait tant recommandé [le 14 août il lui a écrit : « Votre Altesse Sérénissime est obéie…Vous m’avez ordonné Catilina, et il est fait. La petite fille du Grand Condé avait raison d’être indignée de voir la farce monstrueuse du Catilina de Crébillon trouver des approbateurs. Jamais Rome n’avait été plus avilie, et jamais Paris plus ridicule… » Il décrivait ensuite la genèse et « le fond » de la pièce]. C’était elle qui m’en avait donné la première idée, longtemps rejetée, et je lui dois au moins l’hommage de la confidence. J’aurai besoin de sa protection, elle n’est pas à négliger. Mme la duchesse du Maine tant qu’elle vivra disposera de bien des voix et fera retentir la sienne. Je vous recommande plus que jamais le président Hénault [attaché à la cour de la reine]. J’ai lieu de compter sur son amitié et sur ses bons offices. Des amis qui ont quelque poids et qu’on met dans le secret font autant de bien qu’une lecture publique chez une caillette fait de mal. Je ne sais pas si je me trompe, mais je trouve Rome sauvée fort au dessus de Sémiramis. Tout le monde sans exception est ici de cet avis. J’attends le vôtre pour savoir ce que je dois penser.
J’ai vu aujourd’hui une centaine de vers du poème des Saisons de M. de Saint-Lambert. Il fait des vers aussi difficilement que Despréaux. Il les fait aussi bien, et à mon gré beaucoup plus agréables. J’ai là un terrible élève. J’espère que la postérité m’en remerciera, car pour mon siècle je n’attends que des vessies de cochon par le nez. Saint-Lambert par parenthèse ne met pas de comparaison entre Rome sauvée et Sémiramis. Savez-vous que c’est un homme qui trouve Électre [de Crébillon] détestable ? Il pense comme Boileau s’il écrit comme lui. Électre amoureuse ! et une Iphianasse, et un plat tyran, et une Clytemnestre qui n’est bonne qu’à tuer ! et des vers durs, et des vers d’églogue après des vers d’emphase ; et pour tout mérite un Palamède, homme inconnu dans la fable, et guère plus connu dans la pièce. Ma foi saint Lambert a raison. Cela ne vaut rien du tout. Si je peux réussir à venger Cicéron, mordieu, je vengerai Sophocle [il écrivit le 17 mars à Frédéric : « Vous aimez Radamiste et Electre. J’ai la même passion que vous, Sire, je regarde ces deux pièces comme des ouvrages vraiment tragiques malgré leurs défauts, malgré l’amour d’Itis et d’Iphianasse… malgré l’amour d’Arsame, malgré beaucoup de vers… Je me garderais bien de faire Radamiste et Electre. »].
Je ne vous dirai que dans quelques mois des nouvelles de votre Prussien [Baculard d’Arnaud (?) appelé à la cour de Frédéric], vous en aurez les raisons. J’espère que tout ira bien, mais il faut du temps.
Mme du Châtelet n’accouche encore que de problèmes. Bonsoir, bonsoir anges charmants. Comment se porte Mme d’Argental ?
V.
A Lunéville ce 28 août 1749.
Ma nièce doit vous prier de lui faire lire Catilina. Ma nièce est du métier, elle mérite vos bontés. »
Comment peut-on s'imaginer en voyant encore de gentils touristes, que l'automne vient d'arriver :
http://www.dailymotion.com/related/x2zlpj/video/x20fek_fe...
Chanson que les jeunettes , comme loveV, n'ont pas entendue à la radio (la TSF). O ! nostalgie !!
P.S. : du 31 : loveV, j'ai corrigé mon bug qui m'a fait afficher deux fois le même titre ; comme quoi, je suis un peu perturbé ...
18:13 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : voltaire, argental, pompadour, maine, denis, saint lambert
25/08/2009
Vous savez qu’il faut peu croire.
Vie amoureuse hors du commun ? : http://www.dailymotion.com/video/x2m4p0_lalineasexy_creat...
« A Jean Le Rond d’Alembert
Connaissez-vous, mon cher philosophe, un Siméon La Valette ou Siméon Vallette ou Simon Valet [Siméon Valette, auteur de La Trigonométrie sphérique résolue par le moyen de la règle et du compas, 1757, séjournera ches V* à le fin 1759 . « La Valette » : nom du jésuite banqueroutier ]? lequel fait des lignes courbes et de petits vers. Il se renomme de vous, mais j’ai perdu sa lettre. Je ne sais où le prendre. Où est-il ? et quel homme est-ce ?
Que dites-vous de Maupertuis mort [le 27 juillet] entre deux capucins ? Il était malade depuis longtemps d’une réplétion d’orgueil, mais je ne le croyais ni hypocrite ni imbécile.
Je ne vous conseille pas d’aller jamais remplir sa place à Berlin [président de l’académie des sciences]. Vous vous en repentiriez. Je suis Astolphe qui avertit Roger de ne pas se fier à l’enchanteresse Alcine [= Frédéric ; référence au Roland furieux de l’Arioste], mais Roger ne le crut pas.
Votre livre est charmant [Mélanges de Littérature, d’histoire et de philosophie, 5 vol. 1759], il fait mes délices, au point que je vous pardonne d’avoir vu des prêtres à Genève [allusion aux conversations qu’a eues d’Alembert en août 1756 avec des pasteurs pendant son séjour à Genève, à l’article « Genève » et à la polémique qui s’ensuivit ; V* écrivit le 15 janvier 1758 à Théodore Tronchin : « Tous vos ministres… chez qui d’Alembert dinait tous les jours se sont expliqués hautement avec lui. »].
Je mène tous ces faquins là assez bon train. J’ai un château à la porte duquel il y a quatre jésuites [ceux d’Ornex]. Ils m’ont abandonné frère Berthier [ allusion ( ?) à sa « Relation de la maladie… et de l’apparition du jésuite Berthier » qui va paraitre . Berthier figurera sous le nom du pédant Bertillon dans une scène de Socrate ajoutée en 1761], je leur fais de petits plaisirs et ils me disent la messe quand je veux bien l’entendre. Mes curés reçoivent des ordres, et les prédicants genevois n’osent me regarder en face. Je brave M. Catbrée [pédant cité dans la préface de Socrate] autant que je le méprise, et je plains Diderot d’être à Paris.
Toutes les lettres de Vienne disent le marquis de Brandebourg écrasé [prise de Francfort-sur-l’Oder par les Russes et pertes subies par Frédéric à Kanersdorf le 12 août], quelques lettres de Saxe [effectivement le duc de Deux-Ponts marche sur Dresde en août] le disent vainqueur et je ne crois ni l’un ni l’autre. Vous savez qu’il faut peu croire. Soyez pourtant certain que l’oncle et la nièce vous aiment de tout leur cœur. Point de philosophie sans amitié.
V.
Aux Délices 25è août 1759. »
Votre Simon Valette, ou Valet, ou la Valette, paraît assez bon diable, mais je veux savoir qui est ce diable, où l'avez-vous connu ? qui répond de lui ? Quis, quid, ubi, quibus auxiliis, cur, quomodo, quando ? [Qui ? quoi ? avec quels moyens ? pourquoi ? comment ? quand ?]
Voltaire, à d'Alembert.
05:05 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : voltaire, alembert, valette, denis, vienne, philosophie