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19/03/2009

Ce qu’il y a de désespérant pour la nature humaine

Manque de temps - doit être partout à la fois - pousserai ma goualante demain ....

Brut de décoffrage, Volti ci-après :

« A Jean Le Rond d’Alembert

 

 

                   Mon très digne et ferme philosophe, vrai savant, vrai bel esprit ; homme nécessaire au siècle ; voyez, je vous prie dans mon Épître à Mme Denis une partie de mes réponses à votre énergique lettre.

                   Mon cher archidiacre et archi-ennuyeux Trublet est donc de l’Académie ! Il compilera un beau discours des phrases de La Motte. Je voudrais que vous lui répondissiez : cela ferait un beau contraste. Je crois que vous accusez à tort Cicéron d’Olivet ; il n’est pas homme à donner sa voix à l’aumônier d’Houdar et de Fontenelle. Imputez tout au surintendant de la reine.

 

                   Ce qu’il y a de désespérant pour la nature humaine c’est que ce Trublet est athée comme le cardinal Tencin, et que ce malheureux a travaillé au Journal chrétien pour entrer à l’Académie par la protection de la reine.

 

                   Les philosophes sont désunis. Le petit troupeau se mange réciproquement quand les loups viennent le dévorer. C’est contre votre Jean-Jacques que je suis le plus en colère. Cet archifou qui aurait pu être quelque chose, s’il s’était laissé conduire par vous, s’avise de faire bande à part, il écrit contre les spectacles, après avoir fait une mauvaise comédie, il écrit contre la France qui le nourrit, il trouve quatre ou cinq douves pourries au tonneau de Diogène ; il se met dedans pour aboyer , il abandonne ses amis, il m’écrit à moi la plus impertinente lettre que jamais fanatique ait griffonnée . Il me mande en propres mots : vous avez corrompu Genève pour prix de l’asile qu’elle vous a donné. Comme si je me souciais d’adoucir les mœurs de Genève, comme si j’avais besoin d’un asile, comme si j’en avais pris un dans cette ville de prédicants sociniens, comme si j’avais quelque obligation à cette ville. Je n’ai point fait de réponse à sa lettre, M. de Chimène a répondu pour moi, et a écrasé son misérable roman .Si Rousseau avait été un homme raisonnable à qui on ne pût reprocher qu’un mauvais livre il n’aurait pas été traité ainsi.

 

                   Venons à Pancrace Colardeau ; c’est un courtisan de Pompignan et de Fréron. Il n’est pas mal de plonger le museau de ces gens là dans le bourbier de leurs maîtres.

 

                   Mon digne philosophe que deviendra la vérité ? que deviendra la philosophie ? Si les sages veulent être fermes, s’ils sont hardis, s’ils sont liés, je me dévoue pour eux. Mais s’ils sont divisés, s’ils abandonnent la cause commune, je ne songe plus qu’à ma charrue, à mes bœufs et à mes moutons ; mais en cultivant la terre, je prierai Dieu que vous l’éclairiez toujours ; et vous me tiendrez lieu du public. Que dites-vous du bonnet carré de Midas Omer ? Je vous embrasse très tendrement.

 

                            V.

                            A Ferney pays de Gex 19 mars 1761

                   Ne m’écrivez plus avec de l’Académie ni à Genève. »

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