06/05/2010
je n’avais point d’idée du mérite de la moquette
« Jean-Robert Tronchin
Banquier
Port Saint-Clair à Lyon
Aux Délices près de Genève
[6 ou] 7 mai 1755
Vous meublez très bien nos Délices, Monsieur, je n’avais point d’idée du mérite de la moquette avant d’avoir reçue celle que vous nous envoyez : cela est beau comme du velours à ramage ; nous en sommes si enchantés que nous lui donnons la préférence sur le velours d’’Utrecht. Ainsi, Monsieur, si les vingt-deux aunes de ce velours de Lille surnommé d’Utrecht, ne sont pas parties, nous vous prions de nous vouloir bien envoyer la même quantité de moquette à grandes fleurs cramoisies qui puisse convenir à une tapisserie de damas cramoisi : cela me fera un meuble très agréable, très bon pour la campagne et du double moins cher que l’Utrecht. Mais si ledit velours est parti,[le même jour, Mme Denis demande à JR Tronchin de répondre à V* que le velours est parti car elle préfère celui d’Utrecht !] il sera très bien reçu, et nous renoncerons à notre belle moquette.
Nous ne cessons ici de vous bénir : vous nous meublez, vous nous peignez, vous nous abreuvez, vous nous sucrez, et nous espérons encore que vous nous huilerez, et que dans l’occasion quand vous trouverez un bon petit baril d’huile bien verte, et bien sentant l’olive, vous nous en ferez part pour manger les truites et les perches de ce beau lac.
Je suis si honteux, Monsieur, des peines que je vous donne, que je n’oserai plus vous présenter de requêtes. Mme Denis est plus hardie que moi : elle prétend que M. Mallet [ancien propriétaire des Délices] était l’homme de Genève qui avait le plus de chaises et le moins de fauteuils ; et malgré la quantité de fauteuils qu’elle fait venir de Paris, elle vous supplie de vouloir bien lui dépêcher douze petits fauteuils de canne dont quatre bergères, et douze fauteuils de paille dont quatre autres bergères ; somme totale huit bergères et seize fauteuils. On dit qu’on les fait à Lyon très élégamment. Nous nous apercevons tous les jours qu’il faut tout faire venir de chez vous.
Il ne faut pas manquer de vous remercier de la semence de soie : je l’ai fait placer dans des vases. Vous nous filez des jours d’or et de soie ; le docteur Tronchin me les file de casse et de manne : j’ai de tout hors la santé. Mme Denis me console et vous aussi, Monsieur, dont les bontés me sont bien chères.
Votre très humble et très obéissant serviteur.
V. »
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