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06/11/2010

Voilà bien le temps d'aimer ses terres et d'encourager l'agriculture, car en conscience c'est le seul commerce qui nous reste.

 

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La vie de château :

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Au château :

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Un architecte renommé  ? que je conseille, peut-être un peu tard, à Volti :

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« A Marie-Elisabeth de Dompierre de Fontaine

 

5 novembre [1759]

 

A la fin c'est trop de silence

En si beau sujet de parler.

 

Ces paroles, ma chère nièce, sont tirées de Malherbe [i] que vous ne connaissez guère, et vont fort bien au sujet. Comment vous trouvez-vous des trois vingtièmes [ii] et de la chute des actions sur les fermes, et tout ce qui s'ensuit ? Voilà bien le temps d'aimer ses terres et d'encourager l'agriculture, car en conscience c'est le seul commerce qui nous reste. Nous faisons pitié à nos alliés et à nos ennemis.

 

Que vous êtes sage d'avoir achevé votre château![iii] Mais aurez-vous le courage d'y demeurer ? Il faut que je vous avertisse que celui de Ferney est entièrement bâti et couvert. Et sans vanité, c'est un morceau d'architecture qui aurait des approbateurs, même en Italie. N'allez pas croire que je n'aie sacrifié qu'à l'agréable ; j'y ai joint l'utile ; et Ferney est devenu une terre de sept à huit mille livres de rente dans le pays le plus riant de l'Europe [iv]. Ajoutez à ces avantages l'agrément unique d'être libre, et de ne payer aucun droit de quelque nature que ce puisse être [v]. Je veux me bercer de l'idée que vous viendrez un jour nous voir dans toute notre beauté. Il faut que vous veniez reconnaitre des domaines qui, selon les droits de la nature, doivent appartenir à votre fils [vi]. C'est un grand dommage que Ferney ne soit pas en Picardie. Mais une terre libre mérite bien qu'on passe le mont Jura. Je ne suis point mécontent de la masure de Tournay ; j'y ai bâti au moins le plus joli des théâtres, quoique le plus petit. Nous y avons joué trois fois la chevalerie [vii], pour nous consoler des malheurs de la France. Cette chevalerie est comme le château de Ferney ; cela ne veut pas dire que l'architecture en soit aussi belle ; cela veut dire seulement que j'ai pris autant de peine pour l'achever.

 

Après en avoir donné trois représentations, nous avons joué Mérope. Soyez très convaincue que vous et M. le chevalier de Florian et le jurisconsulte [viii], vous auriez été bien étonnés, et que vous auriez fondu en larmes.

 

Nous avions à nos Délices M. le marquis de Chauvelin, ambassadeur à Turin, et madame sa femme, députés de M. le duc de Choiseul et de la tribu d'Argental pour savoir comment j'étais venu à bout de la chevalerie. Ce voyage ne les a guère détournés de la route de Turin ; et je peux vous dire qu'ils ne sont pas mécontents d'avoir allongé leur chemin. Ils auraient beau courir tous les théâtres de l'Europe, ils ne verraient rien de si plaisant qu'un Français suisse qui a fait la pièce, le théâtre, et les acteurs. Votre sœur a joué comme Mlle Dumesnil, je dis comme Mlle Dumesnil dans son bon temps. Cela parait un conte, une exagération d'oncle ; cela est pourtant très vrai, et je le sais de cent personnes qui me l'ont toutes attesté par leurs larmes. Moi qui vous parle, je vous apprends que je suis un assez singulier vieillard . Ah ! Ma chère nièce, que nous vous avons regrettée ! C'est à présent qu'il faudrait être chez nous. Notre Carthage est fondée. Nous avons eu l'insolence de recevoir M. et Mme de Chauvelin avec une magnificence à laquelle ils ne s'attendaient pas [ix]. Mais on ne peut trop faire pour de tels hôtes ; il n'y a rien de plus aimable dans le monde ; ils réunissent tous les talents et toutes les grâces : ils séduiraient un amiral anglais, et feraient tomber les armes des mains du roi de Prusse.

 

Je suis excédé de plaisir et de fatigue ; voila pourquoi je ne vous écris point de ma main, mais mon cœur qui vous écrit, c'est lui qui vous dit combien il vous regrette, vous et les vôtres. »

 

 

i Ode à monsieur le grand écuyer de France.

http://www.poesies.net/malherbesoeuvrescompletes1.txt : poésie XXVII , vers 1-2

 

ii Impôts proposés par Silhouette et qui vont provoquer sa chute ; cf. lettre du 15 juin à Thiriot.

 

iii Le château d'Hornoy en Picardie.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Hornoy-le-Bourg

 

iv Ce qui ne l'empêchera pas de se plaindre des six mois de neige sur le Jura qui le rendent « aveugle » !

 

v V* a obtenu le brevet de conservation des droits seigneuriaux ; cf. lettre du 29 juin.http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/06/29/l...

 

 

vi En fait c'est Mme Denis qui héritera et ne tardera pas à vendre le domaine au marquis de Villette.

 

vii Tancrède.

 

viii Le fils de Mme de Fontaine : Alexandre de Dompierre d'Hornoy, 1742-1828, fils de Nicolas-Joseph de Dompierre .

http://gillesdubois.blogspot.com/2008/01/la-famille-aroue...

 

ix Dans le Public Advertiser de Londres le 27 novembre : « après la représentation ... au milieu de la cour, un magnifique feu d'artifice fut tiré au son d'une musique martiale ; l'étoile de Saint Georges vomissait d'innombrables fusées et en dessous des girandoles donnaient une représentation vivante de la cataracte du Niagara. »

 

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