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14/02/2015

ces occupations sont satisfaisantes, combien elles consolent de ces chiens de bureaux, de ces chiens de commis

... Ouaich !

C'est le grand amour pour les bureaucrates et les sbires fiscaux , éternels mal-aimés, trop souvent à juste titre, et j'en suis témoin tout comme le fut Voltaire , happy tax payer !

 

chiens moches.jpg

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ARGENTAL , Envoyé

de Parme

rue de la Sourdière

à Paris
15 février [1760]
Divin ange, Spartacus est-il joué?1 a-t-il réussi? Je ne sais rien, je suis enterré dans mes Délices ; les Géorgiques me poursuivent, je quitte la charrue pour prendre la plume. Vous me direz : Que ne vous servez-vous de cette plume pour regriffonner quelques vers de la Chevalerie ?2 Patience, tout viendra. Cet hiver n'a pas été le quartier de Melpomène chez moi ; il faut un peu varier.
Je mourrais d'ennui si je n'avais pas cent choses à faire. J'ai eu une violente querelle pour mon pain avec les commis des fermes ; j'ai fait des écritures ; je négocie avec les Soixante 3; chacun a ses peines. Je voudrais seulement que vous vissiez le plan de mon château ; il vaut pour le moins un plan de tragédie. C'est Palladio tout pur,4 et vous ne sauriez croire combien ces occupations sont satisfaisantes, combien elles consolent de ces chiens de bureaux, de ces chiens de commis. Mais, mon cher ange, vous verrez mardi cet homme dont je suis fou, M. le duc de Choiseul. Les lettres dont il m'honore m'enchantent. Dieu le bénira, n'en doutez pas ; il a la physionomie heureuse. Je sais bien qu'il ne donnera pas de flottes à M. Berryer 5; et, quand il en donnerait, autant de perdu ;
Non illi imperium pelagi 6
Nous avons à Pondichéry un Lally7, une diable de tête irlandaise qui me coûtera, tôt ou tard, vingt mille livres tournois annuelles, le plus clair de ma pitance; mais M. le duc de Choiseul triomphera de Luc de façon ou d'autre, et alors quelle joie! J'imagine qu'il vous montrera mes impertinentes rêveries. Savez- vous bien que Luc est si fou que je ne désespère pas de le mettre à la raison ? C'est bien cela qui est une vraie comédie. Je voudrais que vous me donnassiez vos avis sur la pièce.
Écrivez-moi donc un petit mot ; dites-moi des nouvelles de la santé de Mme Scaliger. Dites-moi, je vous en prie, s'il est vrai que le Père Sacy 8, jésuite, ait été condamné par corps aux consuls, pour une lettre de change de dix mille écus. Mais parlez-moi donc des Poëshies de cet homme qui a pillé tant de vers et de villes. Est-il vrai qu'on ait défendu son œuvre ? Allons, maître Joly, bavardez ; messieurs, brûlez.

Ma foi, juge et rimeur, il faudrait tout lier. 9
Que je vous aime ! mon cher ange . 

V.»

2 Allusion à la rapidité de la composition de Tancrède .

4 V* s'appuie sur une phrase de Bettinelli dans sa lettre du 15 janvier : « Il est beau sans doute de vivre tranquille et à son aise aux délices, et à Farnex, d'y bâtir à la Palladio, d'y labourer des terres faites pour vous . » Mais le château de Ferney manque de la majesté lourde du style de Palladio . Voir lettre du 7 mars 1760 à d'Argental : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f336.image.r=7%20mars

Et voir : Palladio : http://fr.wikipedia.org/wiki/Andrea_Palladio

5 Sur Berryer nommé ministre de la marine , voir lettre du 8 octobre 1759 à JR Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/10/27/j-aime-bien-mieux-que-le-conseil-mette-le-peu-d-argent-qu-il-5476992.html

6 Virgile, l'Enéïde, I, 138 ; ce n'est pas à lui qu'appartient l'empire de la mer .

7 Thomas Arthur, comte de Lally, baron de Tollendal sera l'objet d'accusations après ses échecs aux Indes, sera exécuté et V* travaillera à sa réhabilitation jusqu'au bout . http://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Arthur_de_Lally-Tollendal

et : http://www.romans-patrimoine.com/Pages/Actualites/bibliotheque/lally_tollendal.htm

8 Voir la lettre du 25 novembre 1759 à Chennevières : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/12/03/j-ai-ete-effraye-de-la-liste-des-impots-apparemment-qu-on-de-5502991.html

. L'affaire résultait des bénéfices faits par les jésuites à la suite du rachat et de la revente de vaisseaux capturés par les Anglais (voir Les Mélanges d'histoire, de Quentin Craufurd, 1809 p. 305-312 ; voir : http://books.google.fr/books?id=ADBRAAAAcAAJ&printsec... )

9 Racine, Les Plaideurs , I, viii .

 

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