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02/07/2015

Le service est ingrat dans ce pays-là, les mœurs en général aussi dures que le climat , la jalousie contre les étrangers, extrême, le despotisme au comble, la société nulle

... Ah que jamais on puisse dire cela de notre France !

 

 

 

« A Nicolas-Claude Thieriot

Je commence, mon cher ami par ce qui est le plus intéressant . La personne dont je respecte le nom et le mérite, se préparerait probablement de cruels repentirs si elle prenait le parti dont vous parlez . Le service est ingrat dans ce pays-là, les mœurs en général aussi dures que le climat , la jalousie contre les étrangers, extrême, le despotisme au comble, la société nulle ; le maréchal Keit n'y put tenir, et aima encore mieux la Prusse . C'est tout dire . L'impératrice est aimable, mais sa santé est fort équivoque ; elle est menacée d'un mal qui ne pardonne guère 1, et à sa mort il peut y avoir des révolutions . En général une telle transplantation ne peut convenir qu'à un soldat de fortune, jeune , robuste et sans ressource, mais elle est bien peu faite pour un homme d'un si grand nom, encore moins pour une jeune dame élevée en France . Le nom de M[ontmorency] 2 ne doit briller que dans nos armées . Il vaut mieux attendre tout du temps en France que d'aller chercher l'ennui et le malheur 3 sous le pôle . Tel est mon avis, puisqu'on me le demande . On peut d'ailleurs consulter sur cela M. Aléthof, jeune Russe qui parle français comme vous et dont on m'a montré un petit ouvrage 4que vous verrez dans peu .

Je vous ai renvoyé Le Pauvre Diable de Vadé que vous m'aviez confié, questa coyoneria m'a fort réjoui . M. Bouret a peur de son ombre . Il pouvait très bien sans rien risquer m'envoyer La Vision . M. le duc de Choiseul qui d'ailleurs abandonne Palissot à l’indignation publique sait très bien que je condamne plus que personne le trait indécent et odieux contre Mme la princesse de Robecq . Il est absurde de mêler les dames dans des querelles d'auteurs . Voilà des philosophes bien maladroits . Il faut se moquer des Fréron , des Chaumeix, des Lefranc et respecter les dames, surtout les Montmorency 5.

Les jésuites ci-devant empoisonneurs des âmes, et aujourd'hui des corps sont une plaisanterie si bien saisie de tout le monde qu'elle se trouve dans les notes de l'ouvrage intitulé Le Russe à Paris composé par M. Aléthof 6. Les beaux esprits se rencontrent . Ce poème vaut mieux à mon avis que celui que je vous renvoie, et dont pourtant je vous remercie, mais celui du Russe est cent fois plus varié, plus intéressant, plus général, plus utile .

La lettre à Palissot ne peut être confiée qu'avec le consentement de M. d'Argental par les mains de qui elle a passé . Je n'ai eu que par hasard le mémoire de Pompignan . Tout le monde me demandait ce que j'en pensais, et personne ne me le faisait tenir .

Vous auriez bien dû me dire sous quelle enveloppe il fallait vous écrire, car souvent M. Bouret et autres sont à la campagne et les lettres sont retardées . Je vous prie instamment de me dire ce qu'on fait de l'imprudent et excusable abbé Morellet, de ce pauvre Robin mouton, d'un autre typographe, des jésuites vendeurs d’orviétan, des crucifiés et des billets de loterie . Le nouvel emprunt avec deux tiers en coupons et le tiers en argent se remplit-il ? Vous n'êtes pas homme à être instruit de ce dernier article .

Comment vont vos petites affaires ? comment vous trouvez-vous de votre nouveau gite ? où logerez-vous dans trois mois ? Vale et ama anticum amicum.

V.

30 juin [1760 aux Délices] 7»

1 Élisabeth avait souffert d’évanouissements en septembre 1757 et depuis était malade, elle mourra le 5 janvier 1762 .

 

2 V* donne ici l’initiale du nom et plus loin le nom entier ; c'est le comte de Montmorency . On le retrouve dans la lettre du 7 juillet à Thiriot :

3 Et le malheur est ajouté au dessus de la ligne .

4 Voir lettre du 30 juin 1760 à Mme d'Epinay : blog 30/6/2010

5 Mme de Robecq était une Montmorency à la fois par sa naissance et par son mariage .

6 Voir lettre du 23 juin 1760 à Chenevières : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/06/29/i...

et du 2 juillet à la comtesse de Lutzelbourg :

7 Date complétée par Thieriot . L'édition de Kehl omet la phrase Vous auriez bien dû... retardées .

   Courrier (cette mise en ligne)  antidaté , comme ont pu le constater les lecteurs fidèles

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