Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

02/02/2016

Je demande en grâce qu'on imprime ce que j'ai dit, et non pas ce ce qu'on croit que j'ai dû dire

... On peut repasser l'enregistrement, en cas de doute, non ?

 

« A Etienne-Noël Damilaville

et à

Nicolas-Claude Thieriot

2 février [1761] à Ferney 1

Je réitère à monsieur Damilaville, et à monsieur Thieriot mes sincères remerciements de la bonté qu'ils ont de publier ma déclaration sur mes lettres et sur celles de Mme Denis, imprimées à Paris sous le nom de Genève . Il m'est très important que Genève qui n'est qu’à une lieue de mon séjour ne passe point pour un magasin clandestin d'éditions furtives . Je leur ai très grande obligation de vouloir bien détruire ce soupçon injuste qui n'est déjà que trop répandu .

Je les supplie aussi très instamment de ne rien changer à ma déclaration ; l'article du culte et des devoirs de la religion est essentiel ; je dois parler de ces devoirs, parce que je les remplis , et que surtout, j'en dois l'exemple à Mlle Corneille que j'élève . Il ne faut pas qu'après les calomnies punissables de Fréron, on puisse soupçonner que Mme Denis et moi nous ayons fait venir l'héritière du nom de Corneille aux portes de Genève pour ne pas professer hautement la religion du roi et du royaume . On a substitué à cet article nécessaire, que je m'occupe de ce qui intéresse mes amis . On doit concevoir combien cela est déplacé ; pour ne rien dire de plus . Je ne dois point compte au public de ce qui intéresse mes amis , mais je lui dois compte de la religion de Mlle Corneille .

J'insiste avec la même chaleur sur le changement qu'on veut faire dans ce que je dis de l'ode de M. Le Brun . Je dis, qu'il y a dans son ode des strophes admirables, et cela est vrai . Les trois dernières strophes, surtout, me paraissent aussi sublimes que touchantes ; et j'avoue qu'elles me déterminèrent sur le champ à me charger de Mlle Corneille, et à l'élever comme ma fille . Ces trois dernières strophes me paraissent admirables, je le répète . Vous voulez mettre à la place sentiments admirables, mais un sentiment de compassion n'est point admirable ; ce sont ces strophes qui le sont . Je demande en grâce qu'on imprime ce que j'ai dit, et non pas ce ce qu'on croit que j'ai dû dire . Je sais bien qu'il y a des longueurs dans l'ode, et des expressions hasardées . Le partage de M. Le Brun est de rendre son ode parfaite en la corrigeant ; et le mien de louer ce que j'y trouve de parfait .

Observez, je vous prie, mes chers amis, que M. Le Brun trouverait très mauvais que je me bornasse à faire l'éloge de ses sentiments, quand je lui dois celui des beautés réelles qui sont dans son ode . Observez qu'il doit se donner les plus grands mouvements pour faire attaquer criminellement Fréron par le bonhomme Corneille, et qu'il ne faut pas le refroidir 2.

J'ai envoyé à M. Le Brun le certificat de Mme Denis, et celui du résident de France 3 à Genève . Ces deux pièces démontrent que L’Écluse depuis six mois n'a point mis les pieds chez moi ; que je ne donne point Mlle Corneille à élever à un bateleur de la foire ; et que M. Corneille le père, Mlle Corneille, Mme Denis et le sieur L’Écluse lui même, sont en droit de demander la punition d'un calomniateur, qui sous prétexte de parler des fadaises de la presse, insulte des familles entières et des personnes qui ont l'honneur d'être du corps de la noblesse . Il est très certain que Mlle Corneille ne trouverait pas à se marier si cet outrage restait impuni .

Je renvoie à mes deux amis l'épître d'Abraham Chaumeix à Mlle Clairon telle que je l'ai reçue de Paris . M. Thieriot peut se donner le plaisir de porter ces étrennes à Melpomène . Mon correspondant de Paris a mis l'abbé Guyon en note 4, d'autres prétendent qu'il fallait un autre nom ; que m'importe !

Valete 5.

Monsieur Thieriot ne se dessaisira pas du pantaedai 6. »

1 L'édition de Kehl élague le texte .

2 Cette phrase livre si crûment les mobiles de V* que l'édition de Kehl l'a supprimée . Elle a supprimé également le paragraphe qui suit appelant à la vengeance contre Fréron .

3 Encore Montpéroux .

5 Portez vous bien .

Les commentaires sont fermés.