19/06/2016
le hasard fit la paix avec l’Angleterre, signée par ce beau lord Bolingbroke sur les belles fesses de madame Pultney
... Sera-ce sur les tristes fesses de Camilla que Cameron, à contrecoeur doublement, devra signer le Brexit ?
God save ce qu'il pourra dans la perfide Abion, terre nourricière de ceux qui veulent le beurre européen, l'argent du beurre européen et le gentil crémier [d'où qu'il vienne] (NDLR - pourquoi toujours dire : la main de la crémière ? ).
Brexit ? where ? how ? http://geopolis.francetvinfo.fr/bureau-londres/2016/06/18...
Chercher l'erreur ! indice : deux taches à gommer , sauras-tu les trouver ?
« A Etienne-François de Choiseul-Stainville, duc de Choiseul 1
Monseigneur, vous savez qu’au sortir du grand conseil tenu pour le testament du roi d’Espagne, Louis XIV rencontra quatre de ses filles qui jouaient, et leur dit : Eh bien , quel parti prendriez-vous à ma place ? Ces jeunes princesses dirent leur avis au hasard. Le roi leur répliqua : de quelque avis que je sois, j’aurai des censeurs.
Vous daignez en user avec un vieillard ignorant comme Louis XIV avec ses enfants 2. Vous voulez que je bavarde, bavarde, et que je compile, compile. Vos bontés, et ma façon d’être, qui est sans conséquence, me donnent donc le droit que Gros-Jean prenait avec son curé.
D’abord je crois fermement que tous les hommes ont été, sont, et seront menés par les événements. Je respecte fort le cardinal de Richelieu mais il ne s’engagea avec Gustave-Adolphe que quand Gustave eut débarqué en Poméranie sans le consulter ; il profita de la circonstance. Le cardinal Mazarin profita de la mort du duc de Weimar ; il obtint l’Alsace pour la France, et le duché de Rethel pour lui. Louis XIV ne s’attendait point du tout, quoiqu'on en dise, en faisant la paix de Risvick, que son petit-fils 3 aurait, trois ans après la succession de Charles-Quint. Il s’attendait encore moins que la première guerre de son petit-fils serait contre son oncle . Rien de ce que vous avez vu n'a été prévu . Vous savez que le hasard fit la paix avec l’Angleterre, signée par ce beau lord Bolingbroke sur les belles fesses de madame Pultney 4. Vous ferez donc comme tous les grands hommes de votre espèce, qui ont mis à profit les circonstances où ils se sont trouvés.
Vous avez eu la Prusse pour alliée, vous l’avez pour ennemie . L’Autriche a changé de système, et vous aussi. La Russie ne mettait, il y a vingt ans, aucun poids dans la balance de l’Europe, et elle en met un très considérable. La Suède a joué un grand rôle, et en joue un très petit. Tout a changé et changera . Mais, comme vous l’avez dit, la France restera toujours un beau royaume, et redoutable à ses voisins, à moins que les classes des parlements n’y mettent la main.
Vous savez que les alliés sont comme les amis qu’on appelait de mon temps au quadrille : on changeait d’amis à chaque coup.
Il me semble d’ailleurs que l’amitié de messieurs de Brandebourg a toujours été fatale à la France. Ils vous abandonnèrent au siège de Metz fait par Charles-Quint ; ils prirent beaucoup d’argent de Louis XIV, et lui firent la guerre ; ils se sont détachés deux fois de vous dans la guerre de 1741 , et sûrement vous ne les mettrez pas en état de vous trahir une troisième . Cette puissance n’était alors qu’une puissance d’accident, fondée sur l’avarice de son père et sur l’exercice à la prussienne. L’argent amassé a disparu . Les Prussiens longtemps vainqueurs sont battus avec leur exercice . Je ne crois pas qu’il reste quarante familles à présent dans le royaume de Prusse. La Poméranie est dévastée ; le Brandebourg misérable ; personne n’y mange de pain blanc ; et on n’y voit que de la monnaie décriée, et encore très peu. Les États de Clèves sont séquestrés ; les Autrichiens sont vainqueurs en Silésie. Il serait plus difficile à présent de soutenir le roi de Prusse que de l’écraser. Les Anglais se ruinent à lui donner des secours indirects vers la Hesse, et vous rendez ces secours inutiles. Voilà l’état des choses.
Maintenant, si on voulait parier, il faudrait dans la règle des probabilités, parier trois contre un que la puissance prussienne sera détruite .
Mais aussi, un coup de désespoir peut rétablir ses affaires et ruiner les vôtres . Si vous prospérez, vous aurez un beau congrès dans lequel vous êtes toujours garant du traité de Westphalie, et j’en reviens toujours à dire que tous les princes d’Allemagne diront : le Brandebourg est tombé, parce qu’il s’est brouillé avec la France ; c’est à nous d’avoir toujours la France pour protectrice. Certainement, après la chute du plus puissant prince de l'empire, la reine de Hongrie ne viendra vous redemander ni Strasbourg, ni Lille, ni la Lorraine ; elle attendra au moins dix ans, et alors vous lui lâcherez le Turc et les Suédois pour de l’argent, si vous en avez.
Le grand point est d’avoir beaucoup d’argent. Henri IV se prépara à se rendre l’arbitre de l’Europe, en faisant faire des balances d’or par le duc de Sully . Les Anglais ne réussirent qu’avec des guinées et un crédit qui les décuple. Le roi de Prusse n’a fait trembler quelque temps l’Allemagne que parce que son père avait plus de sacs que de bouteilles dans ses caves de Berlin. Nous ne sommes plus au temps des Fabricius 5; c’est le plus riche qui l’emporte, comme, parmi nous, c’est le plus riche qui achète une charge de maître des requêtes, et qui ensuite gouverne l’État. Cela n’est pas noble, mais cela est vrai.
Les Russes m’embarrassent ; mais l’Autriche n’aura de quoi les soudoyer deux ans contre vous.
L’Espagne m’embarrasse, car elle n’a pas grand-chose à gagner à vous débarrasser des Anglais ; mais au moins est-il sûr qu’elle aura plus de haine pour l’Angleterre que pour vous.
L’Angleterre m’embarrasse ; car elle voudra toujours vous chasser de l’Amérique septentrionale ; et vous aurez beau avoir des armateurs, vos armateurs seront toujours pris au bout de quatre ou cinq ans comme on l’a vu dans toutes les guerres.
Ah ! monseigneur, monseigneur, il faut vivre au jour la journée quand on a à faire à des voisins. On peut suivre un plan chez soi, encore n’en suit-on guère ; mais quand on joue contre les autres, on écarte suivant le jeu qu’on a. Un système, grand Dieu ! celui de Descartes est tombé ; l’empire romain n’est plus ; Pompignan même perd son crédit : tout se détruit, tout passe. J’ai bien peur que dans les grandes affaires il n’en soit comme dans la physique : on fait des expériences, et on n’a point de système.
J’admire les gens qui disent : la maison d’Autriche va être bien puissante, la France ne pourra résister. Eh ! messieurs, un archiduc vous a pris Amiens ; Charles-Quint a été à Compiègne ; Henri V d’Angleterre a été couronné à Paris. Allez, allez, on revient de loin ; et vous n’avez pas à craindre la subversion de la France, quelque sottise qu’on fasse. Quoi ! point de système ? je n’en connais qu’un, c’est d’être bien chez soi ; alors tout le monde vous respecte.
Les négociations dépendent de la guerre et de la finance . Ayez de l’argent et des victoires, alors on fait tout ce qu’on veut.»
1 La copie Beaumarchais présente un texte si profondément remanié par rapport à la minute qu’il est plus simple de le citer . Tandis que Wagnière avait intitulé m$la minute « Réponse à la lettre d'un ministre d’État, du 13è juillet 1757 », l'édition porte plus discrètement « à un m... d'ét... » et date de juillet 1767 . la correction concernant la date est faite sur la copie Beaumarchais-Kehl . Voici le texte de l'édition : « Vous savez monseigneur qu'au sortir du grand conseil tenu pour le testament du roi d’Espagne, Louis XIV rencontra trois de ses filles qui jouaient et leur dit : eh bien quel parti prendriez-vous à ma place ? Ces jeunes princesses dirent leur avis au hasard, et le roi leur répliqua, de quelque avis que je sois, j'aurai des censeurs .
Vous daignez en user avec un vieillard ignorant comme fit Louis XIV avec ses enfants . Cette plaisanterie vous amuse . M. le curé aime quelquefois que Gros-Jean lui remontre .
Je remontre donc d'abord que tous les hommes ont été, sont et seront menés par les évènements . Je respecte fort le cardinal de Richelieu , mais il ne s'engagea avec Gustave Adolphe que quand Gustave eut débarqué en Poméranie sans le consulter ; il profita de la circonstance . Le cardinal Mazarin profita de la mort du duc de Weimar, il obtint l’Alsace pour la France et le duché de Rethel pour lui . Louis XIV quoi qu’on en dise, ne s'attendait point du tout, en faisant la paix de Risvik que son petit-fils aurait trois ans après la succession de Charles Quint . Il s'attendait encore moins qu'un jour la première guerre de son petit-fils serait contre son oncle . Rien de ce que vous avez vu n' a été prévu . Vous savez que le hasard fit la paix avec l'Angleterre, signée par ce beau lord Bolingbroke sur les belles fesses de Mme P... Vous ferez donc comme tous les grands hommes de votre espèce qui ont mis à profit les circonstances où ils se sont trouvés .
Le grand point est dit-on d'avoir un peu d'argent ? Henri IV se prépara à se rendre l'arbitre de l'Europe en faisant faire des balances d'or par le duc de Sully . Les!anglais ne réussissent qu'avec des guinées et un crédit qui les décuple . Le roi de Prusse a fait trembler quelque temps l''Allemagne parce que son père avait plus de sacs que de bouteilles dans ses caves de Berlin . Nous ne sommes plus au temps des Fabricius ; c'est le plus riche qui l'emporte, comme parmi nous c'est le plus riche qui achète une charge de maître des requêtes, et qui ensuite peut gouverner l’État . Cela n'est pas noble, mais cela est vrai .
Je vois que sur tous les trônes du monde on vit au jour la journée, comme le savetier de La Fontaine . Quoi, point de système ? Non, ceux de Pythagore, de Démocrite, de Platon, de Descartes, de Leibnitz sont tombés . Peut-être faut-il dans votre noble métier comme en physique s'en tenir à faire des expériences . »
2 On songeait à établir les bases d’une paix prochaine, et Choiseul avait prié Voltaire de donner son avis.
3 Philippe V .
5 Fabricius censeur en 275 avant J.C., mourut si pauvre que l'Etat dut se charger de payer ses funérailles et de marier sa fille .
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