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15/11/2016

Il doit savoir que ce n'est point ainsi qu'on écrit l'histoire , qu'on est comptable de la vérité à toute l'Europe ... on ne peut attaquer de front l'opinion publique qu'avec des monuments authentiques

... Souvient -en Sarko !

Si la première dégelée de 2012 ne t'a pas suffit, tu as le droit de prendre une deuxième portion , c'est ainsi que j'interprète ta parabole des frites , et je ne te serre pas la main, tu aurais pu te les laver à la sortie de la cantine , sagouin !

Je semble tenter de remettre dans le droit chemin ce politicard,[sic . NDLR : figure de style que semble affectionner James , allergique aux malfaisants faisans .], et dire qu' il n'est que le sommet de l'iceberg, une quantité non négligeable de candidats à la présidence le valant, dans la médiocrité , hélas .

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« A Ivan Ivanovitch Schouvalov

A Ferney par Genève 7 novembre 1761

Monsieur, quoique je ne vous aie promis qu'à Pâques de 1 nouveaux cahiers de l'Histoire de Pierre le Grand, le désir de vous satisfaire m'a fait prévenir d'assez loin le temps où je comptais travailler ; mon attachement pour Votre Excellence et mon goût pour l'ouvrage entrepris sous vos auspices l'ont emporté sur des devoirs assez pressants qui m'occupent . J'ai remis 2 entre les mains de Votre Excellence 3 une copie de ce que je viens de hasarder uniquement pour vous sur ce sujet si terrible et si délicat de la condamnation et de la mort du czarovits 4. J'ai été bien étonné du mémoire qui était joint à votre dernier paquet . Ce mémoire n'est qu'une copie presque mot pour mot de ce qu'on trouve dans le prétendu Nesterusanoy . Il semble que ce soit cet Allemand dont j'ai déjà reçu des mémoires qui ait envoyé celui-là . Il doit savoir que ce n'est point ainsi qu'on écrit l'histoire , qu'on est comptable de la vérité à toute l'Europe, qu'il faut un ménagement et un art bien difficile pour détruire des préjugés répandus partout, qu'on n'en croit pas un historien sur sa parole, qu'on ne peut attaquer de front l'opinion publique qu'avec des monuments authentiques, que tout ce qui n'aurait même que la sanction d'une cour intéressée à la mémoire de Pierre le Grand, serait suspect ; et qu'enfin l'histoire que je compose ne serait qu'un fade panégyrique, qu’une apologie qui révolterait les esprits au lieu de les persuader . Ce n'est pas assez de croire et de flatter le pays où l'on est, il faut songer aux hommes de tous les pays . Vous savez mieux que moi monsieur tout ce que j'ai l'honneur de vous représenter, et vos sentiments ont sans doute prévenu mes réflexions dans le fond de votre cœur .

J'ai eu par un hasard heureux des mémoires de ministres accrédités qui ont suppléé aux matériaux qui me manquaient, et sans ce secours à quoi aurai-je été réduit ? J'ai ramassé dans toute l'Europe des manuscrits, j'ai été plus aidé que je n'osais l'espérer .

Je ne cacherai pas à Votre Excellence que parmi ces manuscrits , parmi ces lettres de ministres, il y en a de plus atroces encore que les anecdotes de Lamberti 5 . Je crois réfuter Lamberti assez heureusement à l'aide des manuscrits qui nous sont favorables, et j'abandonne ceux qui nous sont contraires . Lamberti mérite une très grande attention par la réputation qu'il a d'être exact, de ne rien hasarder, et de rapporter des pièces originales ; et comme il n'est pas à beaucoup près le seul qui ait rapporté des anecdotes affreuses répandues dans toute l'Europe, il me paraît qu'il faut une réfutation complète de ces bruits odieux . J'ai pensé aussi que je ne devais pas trop charger le czarovits , que je passerais pour un historien lâchement partial qui sacrifierait tout à la branche établie sur le trône dont ce malheureux prince fut privé . Il est clair que le terme de parricide dont on s'est servi dans le jugement de ce prince, a du révolter tous les lecteurs parce que , dans aucun pays de l'Europe, on ne donne le nom de parricide qu'à celui qui a exécuté ou préparé effectivement le meurtre de son père . Nous ne donnons même le nom de révolté qu'à celui qui est en armes contre son souverain, et nous appelons la conduite du czarovits, désobéissance punissable, opiniâtreté scandaleuse, espérance chimérique dans quelques mécontents secrets qui pourraient éclater un jour, volonté funeste de remettre les choses sur l’ancien pied, quand il serait le maître . On force après quatre mois d'un procès criminel ce malheureux prince, à dire, à écrire que s'il y avait eu des révoltés puissants qui se fussent soulevés et qui l'eussent appelé il se serait mis à leur tête .

Qui jamais a regardé une telle déclaration comme valable, comme une pièce réelle d'un procès ? Qui jamais a jugé une pensée, une hypothèse, une supposition d'un cas qui n'est point arrivé ? Où sont ces rebelles ? Qui a pris les armes ? Qui a proposé à ce prince de le mettre un jour à la tête des rebelles ? À qui en a-t-il parlé ? Et à qui a-t-il été confronté sur ce point important ? Voilà monsieur ce que tout le monde dit, et ce que vous ne pouvez empêcher de vous dire à vous-même . Je m'en rapporte à votre probité, à vos lumières . Ce que j'ai l'honneur de vous écrire est entre vous et moi, c'est à vous seul que je demande comment je dois me conduire dans un pas si délicat . Encore une fois nous ne nous faisons point illusion . Je vais comparaître devant l'Europe en donnant cette Histoire . Soyez très convaincu monsieur , qu'il n'y a pas un seul homme en Europe, qui pense que le czarovits soit mort naturellement . On lève les épaules quand on entend dire qu’un prince de vingt-trois ans est mort d'apoplexie à la lecture d'un arrêt qu'il devait espérer qu'on ne l'exécuterait pas . Aussi s'est-on bien donné de garde de m’envoyer aucun mémoire de Petersbourg sur cette fatale aventure . On me renvoie au méprisable ouvrage d'un prétendu Netsesaranoi . Encore cet écrivain aussi mercenaire que sot et grossier ne peut dissimuler que toute l'Europe a cru Alexis empoisonné . Voyez donc monsieur , examinez avec votre prudence et votre bonté pour moi, et avec le sentiment de ce qu'on doit à la vérité et aux bienséances si j'ai marché avec quelque sûreté sur ces charbons ardents .

Ce que j'ai l'honneur de vous envoyer n'est qu’une consultation , un mémoire de mes doutes que je vous supplie de résoudre . C'est pour vous que je travaille monsieur, c'est à vous à m'éclairer et à me conduire . Un mot en marge me suffira, ou une simple lettre avec quelques instructions sur les endroits qui me font peine .

Vous daignez sans doute compatir à mon extrême embarras, mais comptez sur tous mes efforts, sur l'envie extrême que j'ai de vous satisfaire, sur les sentiments pleins de respect et de tendresse que vous m'avez inspirés . Reconnaissez à ma franchise mon extrême attachement pour Votre Excellence, et soyez sûr que c'est du fond de mon cœur que je serai toute ma vie de Votre Excellence, monsieur, le très humble et très obéissant serviteur .

Voltaire . »

1 V* avait d'abord écrit le .

2 Je remets changé en j'ai remis .

3 de v. E. ajouté au dessus de la ligne .

 

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