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30/05/2017

il faut avoir toujours raison, c'est là une terrible tâche

... Surtout lorsque dans le parti adverse Dum flueret lutulentus, erat quod tollere velles ! Qui habet aures audiendi, audiat !

 

http://lencyclopedix.free.fr/citlat2.php

 

 

« A Claude-Philippe Fyot de La Marche

9 juillet [1762] , aux Délices

Votre dessinateur me mande, mon grand magistrat, que vous êtes à Dijon ; puissiez-vous y être le conciliateur de la cour et du parlement ! Je n'ai point reçu le paquet que vous aviez eu la bonté de me promettre . Je l'attends, il s'agit de vos intérêts et de votre repos qui me sont également chers .

Je suis au quatrième tome de Corneille, c'est une occupation bien douce ; mais elle cesse de l'être puisqu'elle me coûte le bonheur de vous faire ma cour à La Marche . Je ne puis quitter un instant, il faut corriger deux feuilles par jour ; il faut souvent comparer l'espagnol et l'anglais au français dans les sujets qui ont été traités chez ces trois nations ; il faut avoir toujours raison, c'est là une terrible tâche . Laissez-moi, respectable ami, à mon atelier cette année, et je vous réponds que, si M. Tronchin me fait vivre, je suis à vos ordres en 1763 .

Permettez-vous que je joigne ici une lettre pour M. de Vosges ? Je commence à douter que je vous aie adressé un de ses dessins que je vous renvoyais . Il aime les grosses figures ; à la bonne heure . Il me paraît qu'il y a du gran' gusto dans sa manière . Je vous remercie encore une fois de m'avoir prêté cet artiste . Vous venez de perdre le boursouflé Crébillon 1.

Dum flueret lutulentus, erat quod tollere velles 2.

Adieu, monsieur, conservez vos bontés à l'homme du monde qui vous est attaché avec le plus tendre respect .

V. »

2 Alors qu'il allait comme un fleuve boueux, il y avait des choses qu'on eût voulu y prendre ; Horace, Satires, I, IV, 2 .

Ce vers est quelquefois compris aussi dans un sens opposé qui ne convient pas ici : « Comme il allait comme un fleuve boueux, il y avait des choses qu'on eût voulu y supprimer. » Au lieu de dum, l'original d'Horace porte cum .

 

Cependant, à force d’élever la voix, on se fait entendre des oreilles les plus dures ; et quelquefois même les cris des infortunés parviennent jusqu’à la cour

... Pourvu que nos gouvernants et légistes ne fassent pas partie de cette catégorie ...

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« A Dominique Audibert et Cie chez MM. Tourton et Baur, banquiers à Paris

Aux Délices , 9 juillet 1762 1

Vous avez pu voir, monsieur, les lettres de la veuve Calas et de son fils. J’ai examiné cette affaire pendant trois mois ; je peux me tromper, mais il me paraît clair comme le jour que la fureur de la faction et la singularité de la destinée ont concouru à faire assassiner juridiquement sur la roue le plus innocent et le plus malheureux des hommes, à disperser sa famille, et à la réduire à la mendicité. J’ai bien peur qu’à Paris on songe peu à cette affaire. On aurait beau rouer cent innocents, on ne parlera à Paris que d’une pièce nouvelle, et on ne songera qu’à un bon souper. Cependant, à force d’élever la voix, on se fait entendre des oreilles les plus dures ; et quelquefois même les cris des infortunés parviennent jusqu’à la cour. La veuve Calas est à Paris chez MM. Dufour et Mallet, rue Montmartre ; le jeune Lavaysse y est aussi ; je crois qu’il a changé de nom ; mais la pauvre veuve pourra vous faire parler à lui. Je vous demande en grâce d’avoir la curiosité de les voir l’un et l’autre . C’est une tragédie dont le dénouement est horrible et absurde, mais dont le nœud n’est pas encore bien débrouillé.

Je vous demande en grâce de faire parler ces deux acteurs, de tirer d’eux tous les éclaircissements possible, et de vouloir bien m’instruire des particularités principales que vous aurez apprises.

Mandez-moi aussi, monsieur, je vous en conjure, si la veuve Calas est dans le besoin ; je ne doute pas qu’en ce cas MM. Tourton et Baur ne se joignent à vous pour la soulager. Je me suis chargé de payer les frais du procès qu’elle doit intenter au conseil du roi. Je l’ai adressée à M. Mariette, avocat au conseil, qui demande pour agir l’extrait de la procédure de Toulouse. Le parlement, qui paraît honteux de son jugement, a défendu qu’on donnât communication des pièces, et même de l’arrêt. Il n’y a qu’une extrême protection auprès du roi qui puisse forcer ce parlement à mettre au jour la vérité. Nous faisons l’impossible pour avoir cette protection, et nous croyons que le cri public est le meilleur moyen pour y parvenir.

Il me paraît qu’il est de l’intérêt de tous les hommes d’approfondir cette affaire, qui, d’une part ou d’une autre, est le comble du plus horrible fanatisme. C’est renoncer à l’humanité que de traiter une telle aventure avec indifférence. Je suis sûr de votre zèle : il échauffera celui des autres, sans vous compromettre.

Je vous embrasse tendrement, mon cher camarade, et suis avec tous les sentiments que vous méritez,

votre très humble et très obéissant serviteur

V.»

1 Suivant l 'éditeur des Lettres inédites, 1863, l'original autographe après le mot camarade , était passé à la nièce d'Audibert, la vicomtesse de Besse, puis à G. Roux, qui l'avait communiqué à Coquerel . C'est la version des Lettres inédites, apparemment littérale, qui a été suivie .