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10/05/2024

on se retire bien volontiers du monde. C’est un grand bal où il ne faut pas s’aviser de paraître lorsqu’on ne peut plus danser

... Il est pourtant une danse qu'il faut supprimer, c'est la funeste danse macabre qui sévit encore sur tous les continents .

Osons pourtant chanter avec Jacques Higelin et les enfants : https://www.bing.com/videos/riverview/relatedvideo?q=hugue%20aufray%20dylan%20int%C3%A9grale&mid=57E7055334368B64AC6557E7055334368B64AC65&ajaxhist=0

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Pour tant d'humains qui ne verront pas demain

 

 

« A Jean-François de La Lande, etc.

rue du Battoir

à Paris

31è octobre 1768 1

Je ne sais pas ce que vous voulez dire, mon cher enfant, avec le prix de l’Académie . Il est certain que vous l’avez eu, car tout le public éclairé vous l’a donné, et il n’y a, je crois, pas un seul de mes confrères qui n’ait souscrit à la fin au jugement du public 2. Il est démontré en rigueur que vous avez eu le prix ; et, si vous n’avez pas reçu la médaille, ce n’est assurément qu’une méprise.

Est-ce qu’en voyant la fortune de votre fils aîné, le Comte de Varvick 3, vous n’avez pas envie de lui donner un petit frère cadet ? Je vous assure que cela ferait une très jolie famille.

Nous avons perdu un très bon académicien dans l’abbé d’Olivet ; il était le premier homme de Paris pour la valeur des mots ; mais je crois son successeur, l’abbé de Condillac, un des premiers hommes de l’Europe pour la valeur des idées. Il aurait fait le livre de l’Entendement humain, si Locke ne l’avait pas fait, et, Dieu merci, il l’aurait fait plus court 4. Nous avons fait là une bien bonne acquisition.

Il y a quelque temps que je n’ai vu M. Hennin. Je ne puis vous dire quand il partira. Je ne sais nulle nouvelle ni du monde, ni de mes voisins : je suis enterré. Il y a huit mois que je n’ai mis le pied hors de chez moi. Quand on est vieux malade, on se retire bien volontiers du monde. C’est un grand bal où il ne faut pas s’aviser de paraître lorsqu’on ne peut plus danser. Pour Mme de La Harpe et vous, je vous conseille de danser de toute votre force.

Le vieux malade vous embrasse de tout son cœur. »

1 Original date et adresse de la main de Wagnière, ainsi que la formule et l'initiale imitant la main de V* ; corps de la lettre de la main de Bigex ; en outre cette lettre ne porte pas moins de cinq cachets : O S E au-dessus de P D ; 6è Lvée ; L au-dessus de 28, en rouge ; E au dessus de 2 , dans un cercle ; E au-dessus de 18, en rouge ; édition Supplément au recueil, II, 115-116.

3 Le Comte de Warwick, de La Harpe, a été repris le 15 octobre 1768 pour trois représentations qui eurent du succès .

4 Voir les différences et les convergences de Locke et Condillac: https://www.persee.fr/doc/xvii_0294-1953_1986_act_23_1_2235

en fait d’ouvrages de goût, il ne faut jamais répondre ; en fait d’histoire, il faut répondre toujours, j’entends sur les choses qui en valent la peine, et principalement celles qui intéressent la nation

... A appliquer sans réserve . Ça fait gagner du temps .

 

 

 

« A Charles-Jean-François Hénault

 31è octobre 1768 à Ferney

Ah ! nous voilà d’accord, mon cher et illustre confrère. Oui, sans doute, j’y mettrai mon nom 1, quoique je ne l’aie jamais mis à aucun de mes ouvrages. Mon amour-propre se réserve pour les grandes occasions, et je n’en sais point de plus honorable que celle de défendre la vérité et votre gloire.

J’avais déjà prié M. Marin 2 de vous engager à prêter les armes d’Achille à votre Patrocle, qui espère ne pas trouver d’Hector. Je lui ai même envoyé en dernier lieu une liste des faits qu’on ne peut guère vérifier que dans la bibliothèque du roi, me flattant que M. l’abbé Boudot voudrait bien se donner cette peine. Je vous envoie un double de cette liste ; elle consiste en dix articles principaux qui méritent des éclaircissements 3.

Vous jugerez par ces articles mêmes que le critique a de profondes et de singulières connaissances de notre histoire, quoiqu’il se trompe en bien des endroits.

Il serait convenable que vous lussiez cet ouvrage ; vous seriez bien plus à portée alors de m’éclairer. Vous verriez combien le style, quoique inégal, peut faire d’illusion. Je sais qu’on a envoyé à Paris six cents exemplaires de la première édition, et que le débit n’en a pas été permis ; mais l’ouvrage est répandu dans les provinces et dans les pays étrangers ; il est surtout vanté par les protestants ; et, comme l’auteur semble vouloir défendre la mémoire d’Henri IV, il devient par là cher aux lecteurs qui n’approfondissent rien.

Vous voyez évidemment, par toutes ces raisons, qu’il est absolument nécessaire de le réfuter.

M. Marin a entre les mains une carte sur laquelle l’imprimeur m’a écrit que l’ouvrage est de M. le marquis de Bélestat ; mais je suis persuadé que ce libraire m’a trompé, et que l’auteur a joint à toutes ses hardiesses celle de mettre ses critiques sous un nom qui s’attire de la considération.

M. le marquis de Belestat est un jeune homme 4 de mérite qui m’a fait l’honneur de m’écrire quelquefois. Le style de ses lettres est absolument différent de celui de la critique qu’on lui impute ; mais on peut avoir un style épistolaire naturel et faible, et un style plus fort et plus recherché pour un ouvrage destiné au public.

Quoi qu’il en soit, je lui ai écrit en dernier lieu 5 pour l’avertir qu’on lui attribue cette pièce ; je n’en ai point eu de réponse 6. Peut-être n’est-il plus à Montpellier, d’où il avait daté les dernières lettres que j’ai reçues de lui.

Vous voilà bien au fait, mon cher et illustre confrère ; vous jugerez si j’ai cette affaire à cœur, si votre gloire m’est chère, si un attachement de quarante années peut se démentir. Je vous répéterai ici mon ancienne maxime : en fait d’ouvrages de goût, il ne faut jamais répondre ; en fait d’histoire, il faut répondre toujours, j’entends sur les choses qui en valent la peine, et principalement celles qui intéressent la nation.

Si vous m’envoyez les instructions qui me sont nécessaires, je vous prie de me les adresser par M. Marin, qui me les fera tenir contresignées.

Il ne me reste qu’à vous embrasser avec la tendresse la plus vive, et à vous souhaiter une vie longue et heureuse, que vous méritez si bien. Tant que la mienne durera, vous n’aurez point de serviteur qui vous soit plus inviolablement attaché. »

1 Dans sa lettre du 17 octobre 1768 Voltaire parlait de publier une défense de Hénault contre l’Examen de la nouvelle Histoire de Henri IV. Mais il fit seulement quelques notes ; voir Le Siècle de Louis XIV , page 532 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome15.djvu/542

Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/04/30/certainement-je-ne-prendrai-pas-la-liberte-de-combattre-pour-6496324.html

2 La dernière lettre à Marin est du 19 août : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/03/10/n... . Il faut qu’il en ait une de perdue. (Beuchot.)

3 L'édition de Kehl donne cette liste que voici :

« 1° Voir dans l’Avis aux bons Catholiques, imprimé à Toulouse, et qui est à la Bibliothèque du roi parmi les recueils de la Ligue, si. dans cet écrit, la validité du mariage de Jeanne d’Albret avec Antoine de Bourbon est contestée : et s’il est vrai que le pape Grégoire XIII signifia qu’il ne regardait pas ce mariage comme légitime. Cette dernière partie de l’anecdote me paraît entièrement fausse.

« 2° Voir si, dans le contrat de mariage de Marguerite de Valois et du prince de Béarn, Jeanne d’Albret prit la qualité de majesté fidélissime.

« 3° Consulter les manuscrits concernant les premiers états de Blois ; et voir si les députés furent chargés d’une instruction portant que les cours de parlement sont les états généraux au petit pied.

« 4° Savoir si Marguerite de Valois eut en dot les sénéchaussées du Quercy et de l’Agénois, avec le pouvoir de nommer aux évêchés et aux abbayes.

« 5° Savoir s’il est vrai que la sentence rendue par le juge de Saint-Jean-d’Angely porte que la princesse de Condé sera appliquée a la question.

« 6° Savoir si, par l’édit de mars 1552 et l’édit de décembre 1563, la nouvelle religion est véritablement autorisée, et si elle y est appelée religion prétendue réformée ;

« 7° S’il est vrai que Jeanne d’Albret se soit opposée longtemps au mariage du prince de Béarn son fils, depuis Henri IV, avec Marguerite ;

« 8° S’il est vrai qu’en dernier lieu on ait retrouvé, au greffe du parlement de Rouen, un édit de Henri IV, de janvier 1595, qui chassait tous les jésuites du royaume. Il est sûr que Henri IV assura le pape qu’il ne donnerait point cet édit. De Thou dit que cet édit ne fut point accordé ; ce fait est très-important.

« 9° Savoir s’il est vrai que le roi Charles VI ne fut déclaré majeur qu’à l’âge de vingt-deux ans ; il fut pourtant sacré en 1380, âgé de treize ans et quelques jours, et le sacre faisait cesser la régence.

« 10° N’est-il pas vrai qu’avant l’édit de Charles V les rois étaient majeurs à vingt et un ans, et non à vingt-deux ?

(Note de Voltaire.)

4  Né en 1725 il a à l'époque quarante trois ans .

6 Le marquis de Bélestat finit par répondre à V* ce qui suit : « Je savais, monsieur, qu'on débitait publiquement l'ouvrage dont vous me parlez , avec la lettre initiale de mon nom . Je le lus il y a quelque temps à l’Académie, et je ne vois pas ce qui pourrait m'engager à le désavouer . La page 24 que vous avez fait copier est une critique vague de l'éducation donnée à la plupart des princes , et n'est applicable à aucun d'eux en particulier . Vous prétendez, monsieur, qu'on sent aisément l'allusion coupable qui règne dans ce passage . Pour moi je ne trouve coupable que celui qui tordrait le sens naturel de mes paroles pour faire une allusion satirique .

Quant au président Hénault, j'en ai dit ce qu'en pensent tous ceux qui sont versés dans notre histoire, et je ne sais point ce qui peut vous avoir donné lieu de m'écrire que je l'ai cruellement outragé . Je ne devine pas non plus quelle est la calomnie qui peut me faire des ennemis puissants et me nuire le reste de ma vie . J'aurais même raison de m'offenser de ce mot et de plusieurs autres de votre lettre, si je ne voyais que vous n'ayez pas mesuré vos termes dans la fausse supposition que l'ouvrage n'était pas de moi . Du reste je ne souffrirais pas que qui que ce soit abusât de mon nom, et je crois que M. La Beaumelle l'entreprendrait moins qu'un autre .

Je viens à votre première lettre par laquelle j'aurais dû commencer . Vous me demandez dans quelles sommes j'ai puisé l'anecdote touchant les parlements . Je l'ai prise dans les mémoires de la Ligue et dans les mémoires de Nevers, où vous trouverez tout au long l'instruction dressée par les états . J'en avertis le lecteur dans mon écrit . Je sentais bien qu'un pareil fait ne pourrait être avancé sans la preuve en main . Si je n’étais à la campagne ( où l'on m'a renvoyé vos lettres fort tard ) dépourvu de livres je vous citerais la page des Mémoires du duc de Nevers pour vous épargner la peine de chercher.

J'ai l'honneur d'être, monsieur, avec l'admiration et l'estime que j'ai pour vos rares talents, et l’attachement inviolable que je vous ai voué pour la vie, votre très humble et très obéissant serviteur

« De Bélestat de Gardouch.

Le 20 décembre 1768.

De Beaupuy près Grisolles route de Montauban. »