30/01/2024
Je vous supplie, monsieur, de vouloir bien détromper non seulement vos amis mais les personnes qui ajouteraient quelque foi à ces impostures et à qui vous seriez à portée de parler
... Petite tentative en ce sens : https://www.francetvinfo.fr/economie/crise/blocus-des-agr...
Pourquoi faut-il en arriver là ?
« A Dominique-Louis Éthis de Corny 1
A Ferney 13 juin [1768]
Je suis obligé, monsieur, de vous informer que deux ou trois moines défroqués qui sont en Hollande impriment continuellement des livres contre notre sainte religion . Ils ont l'impudence de faire quelquefois vendre sous mon nom ces livres dangereux . Je sais qu'on en a fait passer quelques exemplaires en Franche-Comté . Quoiqu'il soit aussi ridicule qu'injuste d'attribuer ces sottises à un vieillard de soixante et quinze ans, uniquement occupé de faire quelque bien dans ses terres, cependant mon respect pour l’Église, et tous les motifs d'un bon citoyen me forcent de prévenir cette calomnie toute méprisable qu'elle est . Je ne puis mieux m'adresser qu'à un homme aussi pénétré que vous de tous les devoirs, et qui étant en place est plus à portée que personne de faire taire la calomnie . Je vous supplie, monsieur, de vouloir bien détromper non seulement vos amis mais les personnes qui ajouteraient quelque foi à ces impostures et à qui vous seriez à portée de parler . J'ose même vous prier d'engager M. de Lanoir 2 à me rendre le même service et la même justice . Je me recommande à vos bontés et aux siennes . J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois,
monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Voir : https://data.bnf.fr/fr/14956140/dominique_louis_ethis_de_corny/
et : https://cths.fr/an/savant.php?id=122183#
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_%C3%89this_de_Corny
2 Ethys étant secrétaire de l'intendant de Franche-Comté, Pierre-Etienne Bourgeois de Boynes, on peut se demander si ce n'est pas lui que recouvre le nom de La noir .
Voir : https://data.bnf.fr/fr/14562059/pierre-etienne_bourgeois_...
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_%C3%89tienne_Bourgeo...
09:44 | Lien permanent | Commentaires (0)
Mandez-moi, je vous en prie, quel parti vous prenez. Je vous assure que cela m’intéresse plus qu’un carrousel russe
... Alors je vous offre l'hymne ukrainien interprété par une pianiste remarquablement engagée Katia Buniatishvili , qui ne laisse aucun doute sur sa prise de parti : https://www.youtube.com/watch?v=KGSJJdLW9RY&ab_channe...
Il y a encore quelques belles choses et quelques belles personnes sur notre globe .
« A Michel-Paul-Guy de Chabanon
13è juin 1768 , à Ferney par Lyon
J’ai été si accablé de prose, mon cher ami, le Siècle de Louis XIV et de Louis XV me tiennent si fort au cœur, que je n’ai pas répondu à votre dernière lettre où il s’agissait de vers ; mais il faut toujours revenir à ses premières amours. Je m’intéresse à vos vers plus que jamais. Faites-en de beaux, de coulants pour Eudoxie, comme vous en savez faire ; intéressez surtout ; c’est tout ce que je puis vous dire : avec de beaux vers et de l’intérêt on va bien loin, de quelque façon qu’on ait tourné son sujet.
Puisque vous ne voulez point me faire part de votre Pindare, je suis plus généreux que vous : je vous envoie une ode dans le genre comique 1, adressée à ce Pindare il y a environ deux ans . Je sais bien ce qui arrive à quisquis Pindarum studet œumulari 2; mais aussi Catherine Vadé studet luntaxat jocari 3.
Mandez-moi, je vous en prie, où en est Eudoxie, quel parti vous prenez. Je vous assure que cela m’intéresse plus qu’un carrousel russe. Je m’imagine que Paris va être inondé de chansons sur Avignon 4 et sur Benevent. Rezzonico 5 sera chanté sur le Pont- Neuf, ou je suis fort trompé. S’il y a quelque chose de bon, je vous supplie d’en régaler ma solitude.
On ne peut vous être plus tendrement attaché et plus essentiellement dévoué que le solitaire.
V. »
1 Galimatias pindarique sur un carrousel donné par l'impératrice de Russie :http://www.monsieurdevoltaire.com/article-epitres-sur-un-carroussel-donne-par-l-imperatrice-de-russie-38606361.html
2 Horace, Odes, IV, ii, , v. 1 inversé : Quiconque s'applique à rivaliser avec Pindare .
3 S'applique seulement à plaisanter . L'allusion à Catherine Vadé renvoie aux Contes de Guillaume Vadé, qui sont bien entendu de V*. Voir : http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-37522&M=tdm
4 Sur le manuscrit on peut lire Paris corrigé de la main de Bigex . Il a aussi ajouté par Lyon à la date .
5Le pape Clément XIII .
00:05 | Lien permanent | Commentaires (0)
29/01/2024
Agathe rit-elle toujours ?
... https://www.youtube.com/watch?v=Ft86TKzr1uQ
« A Marie-Louise Denis
et à
Marie-Françoise Dupuits
Au château de Ferney 11 juin 1768
Wagnière est toujours malade ; Fanchon se meurt toujours et a continuellement ses deux filles auprès d'elle, Daumart est dans un état plus déplorable que jamais, et il faut garder sa garde qui ne se porte pas mieux que lui ; les pluies gâtent tous les biens de la terre ; quatorze officiers et deux cents soldats sont dans Ferney ; on n'a pas encore commencé le port de Versoix ; mais on va le commencer . Voilà ma chère nièce, l'état où nous sommes .
M. de Bourcet est venu passer ici quelques jours et a donné les derniers ordres pour la construction du port . M. Dupuits va faire son métier . Il passera deux mois dans la montagne noire comme don Quichotte ; on est très content de lui ; il ne plaint ni son temps ni ses peines ; il a autant d'intelligence que d'activité, et il fera son chemin plus vite et plus sûrement en gravissant les rochers avec les chamois qu'en restant confondu dans la foule d'une garnison . Le hasard fait tout, il devra sa fortune à Ferney .
On disait hier que deux bataillons s'étaient emparés d'Avignon 1 . J'en doute encore . Je crois bien qu'on se moque du pape ; mais je n'imagine pas qu'on lui prenne ses villes . En tout cas, tout ce que le roi fera sera bien fait . Je suis toujours de l'avis de son Conseil, je ne ressemble point au Parlement .
Une compagnie de négociants de Nantes s'est avisée de donner mon nom à un vaisseau qu'ils ont mis en mer . Vous croyez bien que je les ai remerciés de mon mieux . Voici une petite apostrophe que j'ai faite à mon vaisseau 2 . J’écrirai incessamment au Turc et au conseiller de La Tournelle . M. de Richelieu m'a enfin écrit et m'a avoué ses torts 3 . Il m'a mandé que le petit Gallien était au Châtelet . Je soupçonne que c'est lui qui lui a procuré cette place . Vous m'avouerez que peu de choses ressemblent à toute l'aventure de Gallien et qu'il y a dans le monde d’étranges originaux .
Adieu, ma chère nièce, vivez heureuse à Paris, si vous voulez que je supporte la vie à Ferney .
A madame Dupuits
Votre mari me quitte aujourd'hui, et j'en suis bien fâché, ma chère enfant . Il va grimper sur les montagnes des Alpes, il faudra que tous les ans il fasse de pareilles courses ; c'est pour lui le chemin de la fortune ; il se rendra utile ; il plaira à M. le duc de Choiseul . M. de Bourcet, son commandant, est extrêmement content de lui ; vous ne le serez pas tant, car il sera absent six mois de l'année . Il se partagera entre vous et le service du roi . Vous êtes raisonnable, vous souffrirez ce partage sans murmure . Sa fortune augmentera d'année en année, et son avancement vous consolera de son absence . Il sera à vous les hivers et au roi les étés . Le solitaire de Ferney est à vous dans toutes les saisons, mais malheureusement un vieillard n'en peut rendre aucune agréable . Je vous embrasse de tout mon cœur, vous et Adélaïde.
Agathe 4 rit-elle toujours ? »
1 Les difficultés entre le pape Clément XIII ( né Rezzonico ) et Parme avaient en effet, ainsi qu'on l' a vu, conduit les Bourbons à s'emparer d'Avignon, de Bénevent et de Ponte Corvo : https://books.openedition.org/enc/322?lang=fr
2 Il s'agit de l'épître https://fr.wikisource.org/wiki/%C3%89p%C3%AEtres_(Voltaire)/%C3%89p%C3%AEtre_102
« Ô vaisseau qui porte mon nom, / Puisses-tu comme moi résister aux orages [...] »
3Effectivement, dans une curieuse lettre qui donne une conclusion provisoire à l'affaire Gallien : « A Paris ce 27è mai [1768]
« Pour la première fois de ma vie, mon cher Voltaire, j'ai tort avec vous et vous avez trouvé le secret d'avoir raison , mais vous devinez bien mal assurément les motifs d'un évènement aussi extraordinaire . J'ai commencé par vouloir acquitter ce que vous désirez si justement que je finisse pour Mme Denis et comme les affaires ne finissent point, celle-là a traîné . Quand elle a fini, j'ai été emporté par des distractions sans nombre qui ne m'en rendent pas moins inexcusable . Je n’ai que des grâces à vous rendre de vos complaisances pour Gallien et des pardons à vous demander de vous avoir chargé pendant un temps d'un aussi mauvais sujet que j'avais eu la pusillanimité de croire corrigible . Il est venu ici et à son début, il a été chez plusieurs marchands prendre des marchandises pour des commissions de province . Il avait un habit galonné, une montre garnie de diamants et passa chez mon marchand de galons se disant mon secrétaire et celui de mon fils . Il a été enfin arrêté de nouveau et est actuellement au Châtelet . Comment avez-vous pu imaginer que j'aie pu un moment prendre sérieusement tout ce qui s'est passé à cet égard et qu'il y ait quelque chose dans le monde qui ait pu suspendre les sentiments de la tendre amitié innée en moi pour vous ? Puisque votre oubli perpétuel et tant de reproches si justement mérités que je vous ai faits sans succès m'ont prouvé que vous étiez incorrigible et me faire soupçonner que vous n'aviez pas pour moi les mêmes sentiments et que tant de gens avaient la préférence dans votre cœur, ainsi mon cher Voltaire, croyez donc après cela que mon amitié est à l'épreuve de tout et que rien n'a pu diminuer le tendre attachement que j'aurai toute ma vie pour vous . »
Voir : https://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/326-timoleon-gallien-de-salmorenc
4 La femme de chambre de Mme Denis, Agathe Frick . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Demoiselle_des_Lumi%C3%A...
17:48 | Lien permanent | Commentaires (0)
mon persécuteur se porte bien
... Ce qui est injuste, enrageant, inadmissible dans tous ces cas de harcèlement trop souvent mal résolus quand ils ne sont pas tout simplement hypocritement ou lâchement passés aux oubliettes : "cachez ce sein que je ne saurais voir ! "
« A Germain-Gilles-Richard de Ruffey
à Dijon
A Ferney le 10è juin 1768
M.de La Marche qui m'aimait, est mort 1, mon cher ami, et mon persécuteur La Brosse se porte bien. Je crois que j'irai bientôt voir mon contemporain La Marche, quoique j'aie promis à M. De Brosses de vivre longtemps. Les maladies augmentent avec l'âge, et malgré la gaieté qui règne dans la petite guerre de Genève, la mort qui n'entend pas raillerie viendra bientôt s'emparer de ma figure légère . En attendant je vous aimerai jusqu'au dernier moment, et je vous prie bien instamment d'être le fidèle héritier de M. de La Marche dans les bontés qu'il avait pour moi. Permettez-moi au nom de cette amitié de vous embrasser sans cérémonie .
V. »
1L'ami de collège de V*, Claude-Philippe Fyot de La Marche, l'un des tout premiers de ses correspondants , est mort à Dijon le 3 juin 1768 .Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Claude-Philippe_Fyot_de_La_Marche
et : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1711/Lettre_1
17:27 | Lien permanent | Commentaires (0)
il n'a point répondu
... disent les paysans en colère ; selon eux le premier ministre n'a pas donné de gages suffisants pour que le soukh bordélique sur les routes soit annulé . Pourvu qu'il n'y ait pas de baston avec les forces de l'ordre ou des usagers excédés , l'épisode "gilets jaunes" a suffi .
« A Christophe de Beaumont
[Vers le 10 juin 1768]1
[Demande son amitié et sa protection.]
1 On connaît l'existence de cette lettre par la mention qu'en fait V* à Richelieu dans la lettre du 29 juin 1768 ( http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/07/correspondance-annee-1768-partie-20.html ) et l'essentiel de son contenu par le passage suivant d'une lettre de Wagnière à Mme Denis du 6 juillet 1768 : « J'ai oublié de vous dire que lorsque vous lui eûtes rendu compte de la conversation de M. de Richelieu avec l'archevêque de Paris, M. *** écrivit à ce dernier pour lui demander son amitié et sa protection, mais il n'a point répondu. »
00:54 | Lien permanent | Commentaires (0)
28/01/2024
vous vous en tirerez comme vous pourrez
... Ceci est valable autant pour M. Attal que pour les paysans qui en viennent au blocage des routes et de l'éonomie . Nous ne sommes plus durant la Guerre de Cent ans, alors que donnera cette jacquerie moderne ?
Is this the right time for an uprising?
https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=uprising+muse#fpstate=ive&vld=cid:6795155f,vid:w8KQmps-Sog,st:0
«A François de Chennevières
10 juin 1768 1
Mon cher ami, je fais partir par la poste une Princesse de Babylone, mais vous ne la recevrez pas plus que les autres paquets, à moins que vous ne vous adressiez à M. Jeannel ; je vous en donne avis . On ne croit pas qu’un livre arrivé de Genève puisse regarder les hôpitaux militaires . Cependant je hasarde l'envoi, vous vous en tirerez comme vous pourrez .
J’aurai bien voulu être entre vous, Mme de Chennevières et Mme Denis, mais ma destinée ne le permet pas . Je suis réduit à vous embrasser de loin, à cultiver la terre, à faire de mauvaise prose et de mauvais vers.
Je prends le parti d'adresser le paquet à M. Jeannel pour Mme de Chennevières. »
1 Boissy d'Anglas, incomplète de la dernière phrase ; copie ancienne ; édition Cayrol.
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27/01/2024
Il y a cinquante ans que j’ai fait vœu de douter
... Et j'en suis sûr ! A moins que ...
« A Horace Walpole
6 Juin 1768, à Ferney, près Genève 1
Monsieur, j’apprends dans ma retraite que vous avez fait un excellent ouvrage 2 sur le pyrrhonisme de l’histoire, et que vous avez répandu une grande lumière sur l’obscurité qui couvre encore les temps des rose blanche et rouge, toutes deux sanglantes et fanées.
Il y a cinquante ans que j’ai fait vœu de douter ; j’ose vous supplier, monsieur, de m’aider à accomplir mon vœu. Je vous suis peut-être inconnu, quoique j’aie été honoré autrefois de l’amitié of the two brothers 3. Je n’ai d’autre recommandation auprès de vous que l’envie de m’instruire : voyez si elle suffit ; voulez-vous avoir la bonté de m’envoyer votre ouvrage par la poste, sous l’enveloppe de M. le chef du bureau des interprètes, à Versailles ? Ma témérité va plus loin encore, monsieur. J’ai toujours douté de l’assassinat de M. de Genonville 4, qui a produit en France plus de mauvais vers 5 que de représailles . Je vois que, dans aucune pièce juridique, dans aucun manifeste, dans aucun écrit des ministres respectifs, il n’est question de cet assassinat prétendu. Si cependant il est vrai que vos soldats aient commis cette barbarie sauvage ou chrétienne en Canada, je vous prie de me l’avouer ; s’ils n’en sont pas coupables, je vous prie de les justifier par un mot de votre main. Tout ce que la renommée m’apprend de vous me persuade que vous pardonnerez à toutes les libertés que je prends.
Vous pardonnerez encore plus à mon ignorance de vos titres ; je ne respecte pas moins votre personne. Je connais plus votre mérite que les dignités dont il doit être revêtu.
Je suis avec l’estime la plus respectueuse, etc.
Voltaire. »
1 Édition The Works of Horatio Walpole, Earl of Oxford, 1798, qui donne la date précise.
2 Historic Doubts on the Life and Reign of King Richard the Third, 1768 ( Doutes sur la vie et le règne de Richard III. ) . Noter que V* reprendra bientôt comme titre d'un ouvrage la formule « pyrrhonisme de l'histoire ».
3 Robert Walpole premier comte d'Oxford , père d'Horace et William Walpole premier baron Walpole, oncle d'Horace . (F. François.)
4 Lapsus ( significatif de la part de V* qui a eu Genonville pour ami ) pour Jumonville, officier français assassiné sans déclaration de guerre par les Anglais au Canada ; voir les lettres du 4 juin 1757 à J.-R. Tronchin : « Je ne suis pas fâché que les Anglais soient punis . Ils ont été assassins en Amérique, pirates sur mer, receleurs sur le Gange.. Ils méritaient bien quelque petit châtiment. » et du 12 juillet 1757 à Le Compasseur de Créquy- Montfort, marquis de Courtivron : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1757-partie-11-116532843.html
Dans ses notes bibliographiques, Walpole enregistre à la date du 20 juin 1768 la réception de cette lettre de V* ainsi que la suite de la correspondance . Il note qu'il refuse d’entrer en controverse avec V* sur un point d'histoire où « toute la France serait de son côté, et l'Angleterre du mien . »
5 Allusion au poème de Antoine-Léonard Thomas qui avait paru en 1759 : Jumonville, poème historique, 1759 .
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