20/06/2017
il faut qu'un protestant parle en protestant, mais qu'il ne révolte pas les catholiques
... La question reste : à partir de quel point une religion, quelle qu'elle soit, en révolte-t-elle une autre (ou toutes les autres) ? Et est-ce alors un motif suffisant pour que ladite religion (ses fidèles, plus précisément) taise ses dogmes ? Pour autant que je sache, la liberté de parole est respectable, sinon respectée, par tous , et la religion une affaire personnelle qui ne doit pas imposer ses vues à qui que ce soit .
Actuellement, les "protestants" politiques parlent comme Souchon : "tar' ta gueule à la récré " , et n'entament pas , -heureusement,- la volonté de bien faire de la majorité . M. Mélenchon et Mme Le Pen vos rancoeurs personnelles et vos discours amphigouriques me lassent, qu'êtes-vous capable de construire vous qui êtes pour tout ce qui est contre ?
Dur , dur de joindre les actes aux paroles !
« A Théodore Tronchin Professeur
à Genève
[vers le 29 juillet 1762] 1
On voit bien que notre Esculape est le fils ainé d'Apollon . Toutes ses réflexions me paraissent très justes .
Je suppose qu'il a lu le savant exposé de Révérend Donat Calas, théologien très profond, tel qu'il était d'abord ; je l'ai extrêmement adouci, je fais parler Donat en homme qui répète avec timidité ce que ses maîtres lui ont appris, et qui ne demande qu'à être mieux instruit . Ce tour me paraît très naturel, il faut qu'un protestant parle en protestant, mais qu'il ne révolte pas les catholiques .
Il me paraît que loin d'animer les dévots contre lui, il les invite à le convertir : d'ailleurs, ce n'est point le principal acteur de la pièce qui parle . Donat Calas, qui n'était pas de cette horrible tragédie, remplit seulement le devoir d'un fils .
Ensuite vient Pierre, principal personnage qui apporte en effet le procès ; il met sous les yeux, tout ce qu'il a fait, tout ce qu'il a vu, et tout ce qui est consigné au greffe, il montre la vérité dans tout son jour .
Tout cela ayant été fait très à la hâte, parce que le temps pressait, le 13è mars a été pris pour le 13è octobre et a été corrigé à la marge .
J'avoue, mon cher maître, qu'un homme qui se plaint d'avoir été étranglé est une ironie mais le fait est tel, un témoin a déposé cette absurdité et je ne sais s'il est mal de mêler cette seule ironie aux vérités touchantes et terribles qui sont dans le mémoire ; cependant, s'il est encore temps, et si vous le jugez à propos, nous corrigerons cet endroit et tous ceux que vous indiquerez . Je verrai si tout est imprimé, et ce qu'on peut faire . Je tâcherai d'aller chez vous avant ou après dîner, quand j'aurai fait mon corps .
J'ai encore un mot à dire touchant l'archevêque de Paris . Je crois que Mme la marquise de Pompadour se mêlera plus que lui de cette affaire, et, entre nous, je ne sais s'il est mal d'exposer en une seule page tout ce qui peut rendre la religion des Calas excusable aux yeux des jansénistes, qui dans le fond pensent assez comme Claude, évêque de Turin 2. Il me paraît que tous les parlements de France, excepté celui de Toulouse, marchent à grands pas vers un protestantisme mitigé . Je soumets le tout à vos lumières et à votre humanité, et vous embrasse tendrement . »
1 L'édition Cayrol date cette lettre de fin 1762 ou début 1763 . La lettre a été écrite dès que V* reçut la réponse à sa lettre du 28 juillet 1762 ( http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/07/29/il-y-a-des-gens-capables-de-dire-qu-importe-qu-on-ait-roue-o.html ), d'où la date proposée .
2 Claude de Seyssel, archevêque de Turin, auteur de l'ouvrage Adversus errores et sectam Valdensium disputationes, 1520, encouragea le duc de Savoie à attaquer Genève . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_de_Seyssel
et : http://data.bnf.fr/12214243/claude_de_seyssel/
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