25/07/2017
J’apprends que vous n’êtes plus chez vous, et que la petite-vérole vous en a chassés : voilà ce que c’est que de ne pas faire inoculer tous les petits garçons et toutes les petites filles d’un pays à l’âge de sept ans
... Quand je pense que de nos jours autant d'inconscients/égoïstes/malfaisants/attardés sont contre la vaccination , je crois bien me retrouver en ce XVIIIè siècle -dit des Lumières- que nous fait connaître Voltaire ! Que de morts allons-nous avoir du fait de ces réticences irraisonnables qui font fi des connaissances médicales et épidémiologiques !
Et le pire c'est que ces mêmes obtus, qui font vacciner leur cher toutou, leur adorable minou, leur affectueux poisson rouge, leur précieux Iphone, négligent leurs propres enfants ! LAMENTABLE !
L'effet domino vous connaissez ?
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
29 auguste 1762, aux Délices 1
J’apprends que vous n’êtes plus chez vous, et que la petite-vérole vous en a chassés : voilà ce que c’est que de ne pas faire inoculer tous les petits garçons et toutes les petites filles d’un pays à l’âge de sept ans ; mais j’ai peur que Tronchin et La Condamine n’aient décrédité l’inoculation, l’un en excitant trop d’envie, et l’autre en y mêlant un peu de ridicule.
Je vous envoie Mariamne pour vous amuser dans votre exil ; vous avez dû recevoir le Jules César de Shakespear ; je crois que vous serez convaincus que La Place est fort loin d’avoir fait connaître le théâtre anglais 2; avouez que l’excès énorme de son extravagance était pourtant bon à connaître.
J’ai vu la requête de Mariette pour les Calas 3; j’ai vu l’arrêt ; la jurisprudence de Toulouse est bien étrange ; cet arrêt ne dit pas seulement de quoi Jean Calas était accusé. Je ne regarde ce jugement que comme un assassinat fait en robe et en bonnet carré. Je me flatte qu’enfin votre protection fera rendre justice à l’innocence ; je sais bien que les lois ne permettent pas les dédommagements que l’équité exigerait , les juges devraient au moins demander pardon à la famille, et la nourrir. Que pourra faire le conseil ? Il dira que Calas n’a point pendu son fils ; nous le savions bien ; et quand le conseil se laisserait séduire par le parlement de Toulouse, l’Europe ne croira pas moins Calas innocent ; le cri public l’emporte sur tous les arrêts ; mais enfin c’est toujours beaucoup que le conseil réprime un peu le fanatisme.
Mes chers anges, je ne ferai point imprimer Cassandre ; que votre volonté soit faite dans la terre comme aux cieux 4; mais il arrivera sûrement quelque malheur dans le Palatinat 5.
L’Électeur fait une belle dépense pour cette représentation 6 ; nous jouerons la pièce à Ferney ; mais, quoique ce ne soit pas en électeurs, le spectacle ne laissera pas que d’être beau. J’espère que nous en régalerons M. le maréchal de Richelieu ; nous verrons, à cette représentation s’il y a encore quelque chose à changer, et ensuite nous l’enverrons à nos juges en dernier ressort.
Mes divins anges, nous avons des fluxions qui ne permettent pas trop d’écrire. Mille tendres respects.
V. »
1 L'édition Kehl mêle la lettre du 21 ou 22 juin 1762 aux d'Argental à celle-ci .
2 Le Théâtre anglais de La Place ne donne que des extraits d'une certaine longueur ; voir lettre du 17 mai 1762 à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/04/06/1-5930205.html . Voir : https://shakespeare.revues.org/533
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Antoine_de_La_Place
3 Mémoire pour dame Anne-Rose Cabibel, veuve du sieur Jean Calas […] en cassation d'un arrêt du parlement de Toulouse du 9 mars 1762 : voir : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1040694d/f3.image.r=Calas, Jean 1698-1762&rk=64378;0 . Parmi les défauts de ce document de 136 pages, signé Mariette, on peut signaler l'absence de date ; voir lettre du 1er août 1762 à Debrus : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/06/24/encore-une-fois-nous-preparons-les-esprits-nous-mettons-tout-5957090.html
4 Évangile selon Matthieu, VI, 10-...
5 Collini fit en effet imprimer Olympie .
6 L’Électeur palatin préparait la représentation de Cassandre ; il écrit à V* le 28 juillet 1762 : « […] j'avais voulu attendre la représentation pour vous marquer les éloges qu'elle [la pièce] mérite, mais la paresse des comédiens qui d'ailleurs étaient déjà occupés à l'étude de Tancrède m'en ont [sic] empêché : le noble que vous avez vu ici dans le rôle de Lusignan fera cet honnête homme de prêtre qui a si peu d'imitateurs . Olympie sera représentée par la Denesle, jeune actrice qui tâche d'imiter et qui a étudié deux ans sous la Clairon . Lekain la connait . » Voir aussi lettre à Collini du 3 août 1762 : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1762-partie-24-123150901.html et celle du 4 septembre 1762 : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1762-partie-25-123225377.html
09:17 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.