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16/12/2017

Je renvoie trois cahiers de La Pucelle, qu'on ne peut pas honnêtement présenter pour présent de noces

... J'adore l'humour de ce Voltaire qui sait par ailleurs être aussi grivois en imageant le mariage comme étant une "ouverture de pâté" . Marlène Schiappa aurait-elle été capable de faire virer le patriarche de l'Académie comme France 2 a vidé Tex suite à la plainte portée par la demi-ministre féministe intégriste ?

http://www.leparisien.fr/culture-loisirs/tv/les-z-amours-... 

 Résultat de recherche d'images pour "ouvrir le pâté"

Comprenne qui veut !

 

 

« A Gabriel Cramer

à Genève

[vers le 25 janvier 1763] 1

Je ne renvoie point la feuille T qu'on vient de m'envoyer . Il me faut un peu de temps pour adoucir certaines choses qui pourraient effaroucher, et nuire à la facilité du débit .

Si dans le reste du volume il se trouvait quelque chose d'un peu trop gai sur les Juifs on offrirait de faire un carton, et deux même, s'il le faut . Ce que je demande instamment, c'est que je ne sois pas nommé . .
Maintenant, venons à l'ouverture du pâté ; c'est un officier de cavalerie, devenu maître des comptes à Dole, qui se saisit de ce morceau, c'est un homme d'une très belle figure, et qui paraît fort aimable . Il faudra seulement vingt-quatre mille francs au mois de juin, ou au commencement de juillet . C'est Pierre Corneille qui marie toute la famille, voilà pourquoi je me suis adressé à monsieur Cramer . S'il peut faire fournir cet argent au commencement de juillet il faut qu'il prenne pour le reste les temps qui lui conviendront, et faire du total une somme ronde 2. Il pourrait même se charger des deux cents exemplaires qui resteront de la czarine 3. M. de Schouvaloff n'en a jamais demandé qu'une douzaine d'exemplaires, mais je crois qu'il en faudrait quelques uns de reliés .

J'ai toujours très approuvé, toutes les mesures, toutes la propositions, comme tous les soins que monsieur Cramer a bien voulu prendre . L'avantage que la famille Dupuits trouvera, me paraît considérable, je suis content, tout le monde doit l'être, et le sera . C'est à moi seul de régler avec monsieur Cramer, puisque c'est moi seul qui ait fait cette entreprise . Monsieur Cramer ne doit en aucune manière soupçonner qu'il y ait personne qui fasse la moindre difficulté, et qui ait le moindre scrupule ; tout ira très bien, moyennant vingt-quatre mille francs qu'on donnera à la fin de juin à celui qui doit ouvrir incessamment le pâté .

Je me flatte que monsieur Cramer se porte mieux, il n'en est pas de même de moi . Je renvoie trois cahiers de La Pucelle, qu'on ne peut pas honnêtement présenter pour présent de noces . Je prie monsieur Cramer de vouloir bien m'en faire avoir trois autres . On lui apportera T demain sans faute. »

1 L'édition Gagnebin place la lettre en février, ce qui est un peut trop tard .

2 V* ira jusqu'à estimer le produit du Corneille à 100 000 livres ( lettre à La Harpe du 22 janvier 1773 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2016/04/correspondance-... ) ; il ne descendra jamais en dessous de 50 000 livres . Ces considérations sont éclairées dans une certaine mesure par une lettre de Mme Denis à Cramer qui doit être sensiblement contemporaine : «  Mon cher ami nous marions Mlle Corneille à M. Dupuits, cela n'est décidé que d'hier, et il est très essentiel que ce mariage ne se déclare que dans quinze jours . Vous êtes et serez la seule personne à qui j'en ferai part avant ce temps-là, ainsi je vous demande le secret . Nous avons présenté l'affaire des souscriptions comme un objet qui peut aller au moins à cinquante mille francs comme j'ai tout lieu de l'espérer, et je vous supplie qu'en cas que Dupuits s'en informe à vous de ne nous pas démentir . Effectivement si nous pouvons avoir deux mille cinq cents souscriptions comme j'ai tout lieu de le croire cela ira beaucoup au-delà . Du reste nous sommes enchantés de l'affaire que nous faisons . Mlle Corneille trouve un jeune homme aimable qui a beaucoup de bien mais motus et vantez beaucoup nos souscriptions .

Je suis fort fâchée de n''avoir pas été à votre bal . Je n'ai pu quitter mon oncle et j'avais cette affaire à cœur . Adieu, gardez-moi le secret et surtout ne dégoûtez point de nos souscriptions . Je vous embrasse et vous aime de tout mon cœur . Denis . »

3 Ainsi Cramer pouvait vendre ne seconde fois des exemplaires qui étaient souscrits mais qui ne devaient pas être effectivement livrés . C'est dire à quel point V* avait bien conçu son projet, tant sur le plan financier que sur le plan « publicitaire » . La liste des souscripteurs comporte un total de 2992 exemplaires . Plusieurs centaines au moins ne furent pas livrés ; voir lettre du 20 février 1763 à Cramer : « … le roi ne veut point du tout qu'on lui envoie deux cents exemplaires, qu'il n'en demande que douze ... »

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