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18/05/2019

il faut un peu de politique, et il ne serait que ridicule de se sacrifier pour gens qui ne se soucient point du tout du sacrifice

... Peut-on toujours, -- ou souvent , ou même rarement -- parler de sacrifice pour tous ceux qui se lancent dans une carrière politique nationale ? Je fais sans aucun doute partie de ceux qui ne se soucient point du "sacrifice" des politiciens ;  si sacrifice il y avait, je parie que les candidats seraient moins nombreux ; ils flattent  d'abord essentiellement leur égo , leur peine est mineure face à leurs privilèges . Sacrifice ! mon oeil !

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

18 avril [1764]

Ah ! ah ! mon cher frère, vous faites donc de très jolis vers ! et vous les faites sur un bien triste sujet ! Voilà la seule consolation de nous autres pauvres Français : il nous reste de pouvoir gémir avec nos amis, soit en vers, soit en prose.

Je vous disais, à propos de nos sages dispersés, ce que vous me disiez quand nos lettres se sont croisées. Nous pensons de même en tout. Je vous demande en grâce de penser comme moi sur  Guillaume Vadé et Jérôme Carré. Je vous répète qu’il y a dans ce recueil de Guillaume et de Jérôme deux ou trois pièces que je ne voudrais pas pour rien au monde ni avouer ni avoir faites : car enfin il faut un peu de politique, et il ne serait que ridicule de se sacrifier pour gens qui ne se soucient point du tout du sacrifice.

J’ai très grand’peur que les ouvriers de Gabriel Cramer n’aient mis à la tête de l’ouvrage le titre impertinent de Collection complète des Œuvres de V. Ce V. ne s’accommoderait point du tout de cette sottise, et je ne manquerais pas d’écrire à M. de Sartines pour désavouer le livre, et le prier très instamment de le supprimer. Je laisse aux Rollin 1, et aux Crevier, la petite gloire de faire imprimer leurs noms et leurs qualités en gros caractères à la tête de leurs déclamations de collège . Je n’ai jamais eu cette ambition, et quand de maudits libraires ont mis mon nom à mes ouvrages, ils l’ont toujours fait malgré moi.

Je compte, mon cher frère, que vous avez eu la bonté de donner la lettre à M. Marin. Je souhaite que M. de Sartines sache combien je m’intéresse peu à la plate gloire d’auteur, et au débit de mes œuvres. M’imprimera qui voudra ; pourvu qu’on ne me défigure pas, je suis content.

Avez-vous reçu les 48 exemplaires du Corneille, que Cramer doit vous avoir envoyés ? Je m’attends bien que des gens, qui n’ont que des préjugés au lieu de goût, ne seront pas contents de moi ; mais il faut fouler aux pieds les préjugés dans tous les genres.

Mon cher frère, que ne puis-je m’entretenir avec vous ! »

1 L'édition de Kehl change Rollin en Le Beau .

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