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27/11/2019

Quand je mourrai, les poètes feront contre moi des épigrammes que les dévots larderont de maudissons

... Ce qui me fera une belle jambe !

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Le souffleur est déjà dans son trou

 

 

« A Claude-Germain Le Clerc de Montmercy

8 octobre 1764

L’amitié d’un philosophe comme vous, monsieur, peut consoler de toutes les sottises qu’on fait et qu’on dit chez les Welches. Je ne connaissais point ce M. Robinet 1, et je ne savais pas qu’il fût l’auteur du Traité de la Nature. Il me semble que c’est un ouvrage de métaphysique, et je suis bien étonné qu’un philosophe s’amuse à faire imprimer deux volumes de mes lettres 2 ; où aurait-il pris de quoi faire ces deux volumes ?

A l’égard des six commentateurs, il faut que ce soit la troupe qui travaille au journal chrétien ; elle ne donnera sans doute que des avis charitables et fraternels ; elle priera Dieu pour moi, et cela me fera beaucoup de bien.

On dit que tous les musiciens ont été à l’enterrement de Rameau 3 et qu’ils ont fait chanter un très beau De profundis. Quand je mourrai, les poètes feront contre moi des épigrammes que les dévots larderont de maudissons. En attendant, je me recommande à vous et aux philosophes. »

1 Né en 1735, mort en 1820. Il venait de publier des Lettres secrètes de Voltaire. (Georges Avenel.)

2 La première collection substantielle de lettres de V* parut sous le titre Lettres secrètes de M. de Voltaire, sous la rubrique Genève, 1765, en un seul volume (et non deux) . L'éditeur se donnait comme « M. L. B. » ; c'est Jean-Baptiste-rené Robinet . L'ouvrage ne donne à peu près que les lettres à Berger (1734-1748) dans un texte et à des dates également inexacts .

3 Rameau est mort le 12 septembre 1764 à 83 ans . Pour le service funèbre qui lui fut fait, voir Cuthbert Girdlestone : Jean-Philippe Rameau (1917) . v* aurait pu évoquer les dernières paroles de Rameau au prêtre qui l’exhortait : »Que diable venez-vous me chanter là, monsieur le curé ! Vous avez la voix fausse . »

Voir :https://www.francemusique.fr/personne/jean-philippe-rameau

et : http://www.academie-sabl-dijon.org/celebration/deces-de-jean-philippe-rameau-compositeur/

vous connaîtrez que c’est un recueil de pièces écrites par des mains différentes. Il est d’ailleurs rempli de fautes d’impression et de calculs erronés qui peuvent faire quelque peine au lecteur

... On dirait bien un commentaire à propos  du texte de réforme des régimes de retraites.

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Pourvu que les fondations soient solides, on peut espérer

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

à Saint-Joseph

à Paris

8è octobre 1764 1

Madame de Jaucourt vous remettra, madame, le livre que vous me demandez, presque aussitôt que vous aurez reçu cette lettre. Vous verrez bien aisément quelle injustice l’on me fait de m’attribuer cet ouvrage ; vous connaîtrez que c’est un recueil de pièces écrites par des mains différentes. Il est d’ailleurs rempli de fautes d’impression et de calculs erronés qui peuvent faire quelque peine au lecteur. Il y a quelques chapitres qui vous amuseront, et d’autres qui demandent un peu d’attention. Si vous lisez le catéchisme des Japonais, vous y reconnaîtrez aisément les Anglais . Vous y verrez d’un coup d’œil que les Breuxhé sont les Hébreux ; les Pipastes, les papistes ; Therlu et Vincal, Calvin et Luther ; et ainsi du reste.

Je vous exhorte surtout à lire le catéchisme chinois, qui est celui de tout esprit bien fait.

En général, le livre inspire la vertu, et rend toutes les superstitions détestables. C’est toujours beaucoup dans les amertumes dont cette vie est remplie, d’être guéri d’une maladie affreuse qui ronge le cœur de la plupart des hommes, et qui conduit au tombeau par des chemins bordés de monstres.

J’ai été si malade depuis deux mois, madame, que je n’ai pu aller une seule fois chez madame de Jaucourt. Je crois vous avoir déjà mandé que j’avais renoncé à tout ce qu’on appelle devoirs 2, comme à tout ce qu’on appelle plaisirs.

Je prie M. le président Hénault de souffrir que je ne le sépare point de vous dans cette lettre, et que je lui dise ici que je lui serai attaché jusqu’au dernier moment de ma vie. Il voit mourir tous ses amis les uns après les autres ; cela doit lui porter la tristesse dans l’âme, et vous devez vous servir l’un à l’autre de consolation.

Un redoublement de mes maux, qui me prend actuellement, me remet dans mon lit, et m’empêche de dicter plus longtemps combien je suis dévoué à tous deux. Recevez ensemble les protestations bien sincères de mes tendres sentiments, et conservez-moi des bontés qui me sont bien précieuses. 

V.»

1 L'édition de Kehl, d'après la copie Beaumarchais, donne Florian pour Jaucourt en début de lettre .

2 Voir les lettres du 20 juin 1764 et du 1er juillet 1764 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/08/02/riez-d-une-caricature-qui-ressemble-assez-6167971.html

et : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/08/23/j-ai-trouve-que-la-liberte-valait-encore-mieux-que-la-sante-6171586.html

Le 29 septembre 1764, Mme Du Deffand demande à V* des explications sur son refus d'écrire au président Hénault au sujet de la mort de son ami d'Argenson . Voir aussi la lettre du 20 octobre à Hénault : « Je ne pus alors écrire ni à vous , son illustre ami, ni à MM. de Paulmy et de Voyer . Quelque temps après, […] je vous adressai sept ou huit lignes un peu à la hâte, mais c'était mon cœur qui les dictait . »

Moi, qui ne suis chargé de rien, j’ai bien de la peine à écrire un petit mot

... Aussi, je donne la parole à plus inspiré que moi : Voltaire . C'est mieux .

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Un coup de chiffon, trois gouttes d'huile, et je m'y mets !

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

8è octobre 1764 1

Cher frère, vous me ravissez, comment pouvez-vous écrire des lettres de quatre pages, étant malade et chargé d’affaires ? Moi, qui ne suis chargé de rien, j’ai bien de la peine à écrire un petit mot. Je deviens aussi paresseux que frère Thieriot ; mais je ne change pas de patrons 2 comme lui. Apparemment qu’il sert la messe de son archevêque. Pour moi, qui ne les sers ni ne les entends, je suis toujours fidèle aux philosophes.

J’espère que le petit recueil fait par M. Des Buttes ne fera de tort ni à la philosophie ni à moi. Je voudrais que chacun de nos frères lançât tous les ans les flèches de son carquois contre le monstre, sans qu’on sût de quelle main les coups partent. Pourquoi faut-il que l’on nomme les gens ? il s’agit de blesser ce monstre, et non pas de savoir le nom de ceux qui l’ont blessé. Les noms nuisent à la cause, ils réveillent le préjugé. Il n’y a que le nom de Jean Meslier qui puisse faire du bien, parce que le repentir d’un bon prêtre, à l’article de la mort, doit faire une grande impression. Ce Meslier devrait 3 être entre les mains de tout le monde.

Nous avons converti depuis peu un grand seigneur attaché à M. le Dauphin . C’est un grand coup pour la bonne cause. Il y a dans les provinces des gens zélés qui commencent à combattre avec succès.

Est-il vrai que l'auteur du Traité de la nature est un M. Robinet ?4

Je crois vous avoir déjà mandé que nous n'aurons de quelques mois le livre attribué à Saint-Evremond . Je vous embrasse tendrement . 

Ecr. l’inf. »

1 L'édition de Kehl, suite à la copie Beaumarchais amalgame une version abrégée de la lettre du 3 octobre 1764 à celle du 8 .

2 Au fil de la correspondance de V* on trouve Thieriot commensal ou parasite successivement des Bernières, de Mme de Fontaine-Martel, des La Popelinière, des Montmorency, des Paulmy, et de Baron enfin .

3 Et non devait (Besterman).