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03/08/2015

Je plains tendrement ma chère patrie ; mais ma chère patrie a fait tant de sottises que je lève les yeux au ciel quand tout le monde lève les épaules

... Dans les sottises, qu'il me soit permis de vous donner celle des catholiques qui, en plein confinement, sans doute immunisés contre tous virus par le parfum des cierges et l'eau bénite chère à ces grenouilles de bénitiers, veulent manifester pour que les messes aient encore lieu .

Nom de Dieu ! quel courage, quelle foi, j'en reste béat, païen moqueur que je suis ! Pour mémoire, le premier gros foyer de Covid-19 début 2020 a été fourni par une réunion d'évangélistes . Ils ne sèment pas que la bonne parole .

Le virus, créature de Dieu (créateur de toutes choses Sic ), va-t-il subir les foudres de paroissiens en manque de préchi-précha ? Prêts à tout pour se faire remarquer . Quel manque d'humilité .

 

Mis en ligne le 14/11/2020 pour le 3/8/2015

 

« A Jacques-Bernard Chauvelin

10 [3] août 1760 1

Monsieur l'intendant du peu de finances qui restent à ce pauvre et plaisant royaume, saura que mon cousin Vadé s'occupe très peu des niaiseries dont il est soupçonné de s'occuper beaucoup .

Mon cousin Vadé emploie sa vieillesse à cultiver la terre, à défricher deux lieues incultes, à dessécher des marais . Il se sert du semoir avec succès . Il se sert de van cribleur qui vanne et qui crible cinq setiers 2 de blé par heure . Il bâtit une église ; il est bénit de ses curés et de ses vassaux, qui ne lisent ni Fréron ni Palissot, ni les qui ni les quand, ni le Russe, ni Le Pauvre Diable, ni L’Écossaise . Il paye le vingtième trois mois d'avance ; il aime l’État ; il croit qu'un homme qui fait lever cinq épis de blé où il n'en croissait qu'un rend plus de services à l’État qu'un poète et même qu'un faiseur de feuilles .

Il remercie humblement, vivement et tendrement, monsieur Chauvelin de ses bontés . Il a glorieusement fini son affaire avec le roi et lui a cédé noblement la seigneurie de La Perrière 3 malgré les souterrains du président De Brosses, et malgré ses fétiches ; car le président a fait un livre touchant les fétiches ; et s'il m’échauffe les oreilles, je pourrai en informer le public . Je suis devenu un petit noli-me-tangere 4 tout à fait mutin .

Au reste , j'ignore comment on sauvera mon Ponticheri, comment on trouvera de l'argent pour l'an de grâce 1761, comment on trouvera dans mon pays de Gex des bras pour cultiver la terre . J'ai deux lieues à cultiver . Je suis citoyen à raison de deux lieues, et je suis tout aussi embarrassé à trouver des laboureurs que M. Berryer à trouver des flottes . Je plains tendrement ma chère patrie ; mais ma chère patrie a fait tant de sottises que je lève les yeux au ciel quand tout le monde lève les épaules .

Je supplie monsieur l'abbé de Chauvelin 5 de considérer que toutes les remontrances du monde ne serviront pas à nous donner de l'argent, des vaisseaux et des lieutenant-généraux dont nous avons besoin .

Je présente mes tendres respects à monsieur de Chauvelin , et à monsieur l'abbé .

V. »

1 La date est rectifiée d'après ce que dit V* lui-même dans sa lettre du 6 août 1760 à d'ArgentaI :  https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1760/Lettre_4214

; on apportera la même correction pour la lettre du 3/10 août à d'Argental : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1760/Lettre_4212

2 Le septier (qu'on prononce « stié ») est une mesure de liquides (une demi-pinte) et de grains (54 litres à Genève) cette dernière étant très variable dans les différentes localités .

3 Voir à ce sujet la lettre de Louis-Gaspard Fabry à Jean-François Joly de Fleury du 29 juillet 1760 ; le premier concluait, après examen des pièces du dossier, que la seigneurie de La Perrière, située « au delà du grand chemin de Suisse à Genève » était de fait « du domaine de sa majesté » . Chauvelin avait adopté ces conclusions .

4 Ne me touchez pas .

5 Henri-Philippe de Chauvelin, dont on a déjà parlé ; voir lettre du 14 octobre 1759 à Bernard-Louis Chauvelin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/10/30/je-suis-un-grand-babillard-monsieur-mais-il-est-si-doux-de-s-5479589.html

et lettre du 22 novembre 1759 à Bernard-l’ermite et Agnès-Thérèse Chauvelin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/11/29/ceux-qui-vont-aux-spectacles-avec-l-argent-qu-ils-ont-tire-d-5499892.html

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