27/09/2015
Je corromps toute la jeunesse de la pédante ville de Genève . Je créée les plaisirs . Les prédicants enragent . Je les écrase – ainsi soit de tous les prêtres insolents . Et de tous cagots
... De nos jours les moyens de corruption voltairiens seraient bien innocents .
Genève est toujours pédante, sa jeunesse suffisamment dissolue, et ses prêtres et pasteurs et popes et imams et gourous de tout poil aussi superflus que possible à l'image de leurs ouailles moutonnières .
Ecr l'inf .
Mis en ligne le 19/11/2020 pour le 27/9/2015
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental Envoyé de
Parme, rue de la Sourdière
à Paris
et
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental 1
Je vous ai écrit des volumes ô mes anges, tout en jouant Alzire, Mahomet et L'Orphelin . Ah l'étonnante actrice 2 que nous avons trouvée ! Quelle Palmire ! Vingt ans ! Beauté, grâce , ingénuité et des larmes véritables , et des sanglots qui partent du cœur ! Pauvres Parisiens je vous plains ! Vous n'avez que des Hus .
Mme de Pompadour n'est point poule mouillée ni moi non plus . Avez-vous reçu Pierre le Grand, ô anges? Cramer s'en est chargé . Venons à l'essentiel .
Acte second
Aménaïde
Où portais-je mes pas , d'où vient que je frissonne ?
Moi des remords ! Qui ! Moi !.. Le crime seul les donne .
Ma cause est juste … ô cieux 3 protégez mes desseins.
Allons – rassurons-nous –
à Fanie qui avance
Suis-je en tout obéie ?
Aux soldats
Qu'on me rende 4 à la mort où vous m'alliez conduire 5.
Et puis le monologue :
J'ai dicté mon arrêt, je me suis condamnée 6.
etc .
Ce monologue a fait pleurer, mais moi j'ai fait pleurer aussi en disant :
Mais elle était ma fille – et voilà son époux 7.
Il faut que Brizard ait un glaçon dans l'âme . Encore une fois mes divins anges, ôtez-moi cet abominable car tu m'as déjà dit 8. Ôtez-moi ce séjour adoré où habite Aménaïde 9, propos de ruelle sur lequel Aldamon prend son texte pour faire conversation . Cela est intolérable . Vous me tuez quand j'y pense . Laissez ce troisième comme il était … et ce vers qui fait frémir :
Rien n'est changé – je suis encore sous le couteau.
Tremblez moins pour ma gloire 10.
Je vous conjure mes anges protecteurs, de faire apprendre à Catane son récit . Je vous demande – Arrêtez : vous n'êtes point mon père .
Prenez à cœur le long mémoire, les changements que je vous ai envoyés par M. de Courteilles, que je jouisse au moins en idée de deux représentations qui me satisfassent . Les cœurs sont-ils donc faits autrement à Paris que chez moi ? M. le duc de Villars ne s'y connait-il point ? ma nièce est-elle sans goût ? suis-je un chien? que coûte-t-il d'essayer ce qui fait chez nous le plus grand effet ?
Est-il vrai que les décorations ne sont pas belles ? qu'il n'y a pas assez d'assistants au 3 et au 5 ? que Granval néglige trop son rôle parce qu'il n'est pas le premier, que Lekain ne prononce pas, que Mlle Clairon a joué faux quelques endroits ? À qui croire ? La calomnie y règne 11.
Mme de Fontaine a fait une belle action 12. J'aurai bientôt un grand secret à vous confier 13 – nous venons de répéter Fanime – plus de larmes qu'à Tancrède – un Tamire admirable … Je corromps toute la jeunesse de la pédante ville de Genève 14. Je créée les plaisirs . Les prédicants enragent . Je les écrase – ainsi soit de tous les prêtres insolents .
Et de tous cagots .
Ô anges, à l'ombre de vos ailes
V.
27 septembre [1760]
J'apprends qu'on a imprimé la lettre au roi Stanislas – bon . Tant mieux . »
1 L'édition de Kehl omet le passage concernant les corrections depuis Avez-vous reçu Pierre le grand jusqu'à – Arrêtez : vous n'êtes point mon père .
2 Lucrèce Angélique (de Normandie) Rilliet ; elle épousa le marquis de Florian après la mort de sa femme, Ex Mme de Fontaine, nièce de V*.
3 V* a d'abord écrit puis rayé ciel approuve .
4 V* a d'abord écrit puis rayé même .
5 Tancrède, II, 1, premiers vers .
6 Ibid sc 7 .
7 Ibid sc 3.
8 Voir lettre du 24 septembre 1760 à Lekain : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/11/19/je-dois-vous-dire-que-dans-la-fermentation-des-esprits-au-mi-6278502.html
9 Ibid sc 7
10 Voir lettre du 25 septembre 1760 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/11/19/vous-etes-bien-bons-de-ceder-a-l-impetuosite-de-la-nation-il-faut-la-subjug.html
11Tancrède, III, 3 .
12Voir le début de la lettre à Mme de Fontaine du 29 septembre 1760 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/08/08/je-lui-dirais-qu-il-ne-fallait-pas-dans-un-temps-de-crise-fa-5969694.html
13 Clogenson suggère que ce « grand secret » serait une révision d'Oreste . Ce serait un grand mot pour une petite chose, car rien n'était plus commun de la part de V* que de remanier ses pièces .
14 Voir la fin de la lettre de J.-J. Rousseau du 17 juin 1760 citée dans la lettre du 23 juin 1760 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/06/28/je-voudrais-que-vous-ecrasassiez-l-infame-c-est-la-le-grand-5647116.html
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