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27/09/2015

Adieu, monsieur, daignez, dans le chaos, dans la décadence, dans le temps ridicule où nous sommes, me fortifier contre ce pauvre siècle

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« A Louis-Elisabeth de La Vergne, comte de Tressan

Au château de Ferney 27 septembre [1760] 1

Je vous fais mon compliment comme mille autres, mon très aimable gouverneur, et, je crois, plus sincèrement et plus tendrement que les mille autres . Je défie les Menoux même de s'intéresser plus à vous que moi . Vous voilà gouverneur de la Lorraine allemande, vous avez beau faire, vous ne serez jamais allemand . Mais pourquoi n'êtes-vous pas gouverneur de mon petit pays de Gex ? pourquoi Tityre ne fait-il pas paître ses moutons sous un Pollion tel que vous ? J'ai l'honneur de vous envoyer les deux premiers exemplaires d'une partie de l'Histoire de Pierre le Grand ; il y a un an qu’ils sont imprimés, mais je n'ai pu les faire paraître plus tôt parce qu'il a fallu avoir auparavant le consentement de la cour de Pétersbourg . Vous êtes, comme de raison, le premier à qui je présente cet hommage . Vous verrez que j'ai fait usage du témoignage honorable que je vous dois . De ces deux exemplaires, que je fais partir par la messagerie de Genève, il y en a un pour le roi de Pologne . Je manquerais à mon devoir si je priais un autre que vous de mettre à ses pieds cette faible marque de mon respects et de ma reconnaissance . Il est vrai que je lui présente l'histoire de son ennemi ; mais celui qui embellit Nancy rend justice à celui qui a bâti Pétersbourg ; et le cœur de Stanislas n'a point d'ennemis . Permettez donc, mon adorable gouverneur, que je m'adresse à vous pour faire parvenir Pierre le Grand à Stanislas le bienfaisant . Ce dernier titre est le plus beau .

La Lorraine allemande vous fait-elle oublier l'Académie française dont vous seriez l'ornement ? Certainement vous ne feriez pas une harangue dans le goût de notre ami Lefranc de Pompignan . Vous n'auriez pas protégé la pièce des Philosophes, et sans déplaire à l'auguste fille du roi de Pologne, auprès de qui vous êtes, vous auriez concilié tous les esprits . Quoique je n'aime guère la ville de Paris, il me semble que je ferais le voyage pour vous donner ma voix . Je ne sais si deux Genevois ont eu le bonheur après lequel je soupire , celui de vous voir ? Je les avais chargés d'une lettre pour vous 2 : j'avais pris même, la liberté de vous communiquer mon petit remerciement au roi de Pologne, de son livre intitulé : L'Incrédulité combattue par le simple bon sens 3. Il a daigné me remercier de ma lettre par un billet de sa main 4 qui n'a pas été contresigné Menoux .

Adieu, monsieur, daignez, dans le chaos, dans la décadence, dans le temps ridicule où nous sommes, me fortifier contre ce pauvre siècle, par votre souvenir, par vos bontés, par les charmes de votre esprit qui est du bon temps . Mille tendres respects .

V. »

 

1 Une copie contemporaine est datée par erreur 1761 ; une copie ancienne donne 23 pour le quantième, suivie de toutes les autres éditions .

 

 

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