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11/02/2021

toute la fortune de Genève consiste dans l'argent qu'elle a tiré de la France en faisant la contrebande, en contrefaisant le sceau de la Compagnie des Indes, et en faisant parfois de la fausse monnaie

... Refuge des fraudeurs fiscaux peut être ajouté à cette liste pour l'actualiser; dans ce pays neutre où l'argent n'a pas d'odeur, il est de bon ton  d'accueillir volontiers ce produit migrateur qui niche en d'innombrables banques . C'EST TOUT BOOON !

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

14è octobre 1765 1

J'adresse cette lettre en droiture à celui de mes anges qui va à Fontainebleau et à tous les deux s'ils y vont tous deux . Je leur certifie d'abord que j'ai fait mettre à la poste de Lyon l'Adélaïde dont Roscius Lekain paraissait si pressé . Cette voie lui épargnera tout juste la moitié des frais . La petite préface est jointe à la pièce corrigée . On a tâché de suivre en tout les idées des anges ; et il est à souhaiter qu'on joue la pièce à Fontainebleau, conformément à cette leçon .

Dieu merci, le petit ex-jésuite a du temps pour faire battre Auguste et Julie à coups de langue, pour qu'ils donnent chacun leur reste de quatrain en quatrain, et de vers en vers, si faire se peut . Mais il faut être inspiré pour cela, on ne se donne pas l'inspiration . Nous avons une édition in-4° à conduire, et tous nos ouvrages à corriger pour ne pas mourir intestat . Cette besogne absorbe le temps, fatigue l'âme et lui ôte tout son enthousiasme .

Je suis toujours à vos pieds pour mes dîmes, et quelque chose qui arrive je ne sens que l'obligation que je vous aurai . C'en est une très grande de vous devoir l’amitié de M. Hennin . Il trouvera les affaires un peu brouillées, et de toutes les brouilleries c'est sans doute la moins intéressante ; car il importe peu pour la France que Genève soit aristocratique ou démocratique 2. Je vous avoue que je penche à présent pour la démocratie , malgré mes anciens principes, parce qu'il me semble que les magnates ont eu tort dans plusieurs points ; un de ces torts des plus inexcusables, est l’affaire de l'impératrice de Russie 3. Les magnates, avec qui je me trouve lié pour mes dîmes ont depuis quelque temps des façons que la République romaine aurait avouées ; elle n'a pas rendu le moindre petit honneur à M. le duc de Randan 4, gouverneur de la province voisine, qui est venu voir Genève avec vingt officiers du régiment du roi . Les vingt-cinq du Petit Conseil se sont avisés de prendre le titre de nobles seigneurs, la tête leur a tourné comme à M. de Pompignan . Cependant, toute la fortune de Genève consiste dans l'argent qu'elle a tiré de la France en faisant la contrebande, en contrefaisant le sceau de la Compagnie des Indes, et en faisant parfois de la fausse monnaie . Un de leurs grands gains a été de prendre des rentes viagères, et de les mettre sous un nom de baptême commun à toute la famille, de sorte que cinq ou six personnes ont joui l'une après l'autre de la même rente . Monsieur le contrôleur général a été obligé de les forcer à rapporter leurs extraits baptistaires et leurs signatures 5. Quand je vous dirai que cette petite ville a, par tous ces moyens, acquis quatre millions de rente sur la France, vous serez bien étonnés, mais le ministre des Finances est très instruit de toutes ces vérités ; et il ne serait pas mal que le ministre des Affaires étrangères en fût instruit aussi ; mais Dieu nous préserve que ce digne ministre prenne la résolution dont je vous parlais dans ma dernière lettre , j'en serais si fâché que je ne veux point le croire .

Je suis encore persuadé que dans les pays étrangers on fait Mgr le Dauphin beaucoup plus malade qu'il ne l'est . Vous savez à quel point la renommée est exagératrice .

Pour les querelles du parlement et du clergé, je pense bien qu'on n'exagère pas, et j'espère que [...] 6.

1 Le même jour, Recville écrit à Praslin : « L'emprisonnement d'un bourgeois très mauvais sujet dont M. de Voltaire s'était servi pour débiter le second volume du Dictionnaire philosophique, nouvelle production des plus impies, fait remuer certains esprits mauvais par eux-mêmes et qui le deviennent davantage par des conseils pernicieux. »( Ministère des Affaires étrangères, Genève ) . Sur ce « bourgeois » et sur le Dictionnaire philosophique devant les autorités de Genève entre août et octobre 1765, voir Besterman.

2 Les Genevois sont alors divisés en quatre classes : les citoyens ( nés à Genève de citoyens ou de bourgeois ) , les bourgeois ( natifs ou habitants naturalisés ) , les natifs ( nés des habitants ) et les habitants ( étrangers autorisés à résider . Seuls les deux premiers groupes ont des droits politiques et sont favorisés sur le plan économique . Parmi cette minorité privilégiée, un petit groupe de patriciens ( les magnates de V* ) détiennent la réalité du pouvoir . Différentes tentatives ont été faites en 1765 pour modifier ce statut . Les partisans de la démocratisation sont nommés les représentants en raison de la fréquence de leurs représentations ; les conservateurs sont nommés les négatifs .

3 V* manifeste que ses idées politiques sont liées à ses intérêts . Il intervient librement dans les affaires genevoises depuis qu'il n'est plus sur le territoire de la République de Genève .

5 Clairement V* enfonce le clou .

6 Texte limité à quatre pages, le reste de la lettre manque .

S’il sent qu’il se soit trompé il doit réparer son injustice ou du moins son erreur . Il n’a fait ni l’un ni l’autre, et voilà le cas où c’est le plus infâme des partis de n’en prendre aucun

... No comment ! la liste de ceux qui sont de cet acabit est longue comme celle des contaminés du Covid-19, du juge au simple péquin .

 

 

« A François Achard Joumard Tison, marquis d'Argence

Vraiment, monsieur, je croyais vous avoir envoyé la lettre que vous me demandez ; la voici 1, quoiqu’elle n’en vaille pas trop la peine. Je suis toujours très étonné que le parlement de Toulouse soit demeuré dans cette affaire dans une inaction qui ne peut être que honteuse. S’il croit avoir bien jugé les Calas, il doit publier la procédure, pour tâcher de se justifier . S’il sent qu’il se soit trompé il doit réparer son injustice ou du moins son erreur . Il n’a fait ni l’un ni l’autre, et voilà le cas où c’est le plus infâme des partis de n’en prendre aucun.

On me mande de Languedoc que cette fatale aventure a fait beaucoup de bien à ces pauvres huguenots, et que depuis ce temps-là on n’a envoyé personne aux galères pour avoir prié Dieu en pleine campagne en vers français aussi mauvais que nos psaumes latins 2.

Adieu, monsieur ; vous ne sauriez croire combien je suis sensible au bien que vous faites dans votre province.

12è octobre 1765

Mille respects à mademoiselle votre fille, qui sera bientôt madame. »

1 Lettre datée du 24 auguste. (Georges Avenel.)

2 Passage dans le ton du Pot pourri.