05/01/2025
Personne ne sait ce qui lui arrivera demain . On ne vit que de probabilités, d’espérances et de craintes
... Redoutablement vrai !
« A Marie-Louise Denis
3 juillet [1769] 1
Ma chère nièce, si ma triste lettre du 19 juin ne vous a pas déplu, la vôtre du 25 2 m'a bien consolé . Je ne puis vous rien dire à présent de ma destinée, sinon qu’elle est de vous aimer . Personne ne sait ce qui lui arrivera demain . On ne vit que de probabilités, d’espérances et de craintes .
Si Mme la duchesse d'Aiguillon me fait une injustice si dangereuse 3, il est clair que d'autres me la feront .
Il n'est pas moins clair qu'étant absent de Paris depuis vingt ans il est impossible que 4 j'aie fouillé dans les registres du Parlement et il est certain qu'il faut les avoir consultés pour avoir déterré des anecdotes dont aucun historien, aucun recueil des ordonnances, ne font mention, en un mot quiconque sera juste ne pourra m'attribuer cet ouvrage . Mais le nombre des justes est petit : c'est celui des élus .
Les belles-lettres ont été ma seule consolation . Ce livre est tout le contraire des belles-lettres . Je devine qui en est l'auteur, mais je ne veux pas imiter 5 Mme d’Aiguillon qui accuse les gens sur des conjectures .
Je suis bien sûr que votre neveu, à qui vous aurez fait connaître la force de mes raisons, les fera sentir à ses confrères dans l'occasion .
Messieurs auraient tort de vexer le seul qui a dit d'eux :
Il est dans ce saint temple un sénat vénérable
Qui des lois de son prince est l'organe et l’appui,
Marche d'un pas égal entre son peuple et lui ,6
etc.
Henriade, ch. IV.
S’il dirige sa marche contre moi, il aura tort .
Je sais à n’en pouvoir douter que ce live a été imprimé à Amsterdam chez Marc-Michel Rey . Il a demandé la permission de le faire entrer en France . C'est un fait dont M. Marin m'a instruit . Je sais encore qu'il en fait une autre édition dans laquelle on dit qu'il y a beaucoup de corrections et d’additions . Il y a, dans celle que j'ai vu depuis cinq ou six jours, quelques expressions peu mesurées que j'aurais conseillé à l'auteur de réformer .
Voilà tout ce que je sais de cette histoire .
Je suis à peu près comme M. de Pourceaugnac à qui on veut faire accroire qu'il a épousé trois ou quatre femmes 7 . On met plus d'ouvrages sur mon compte qu'on ne mit de femmes sur le compte de Pourceaugnac .
Je sais fort bien que les calomnies les moins fondées peuvent avoir des effets très désagréables . Ainsi je ne puis guère assurer en quel coin de ce globe j'achèverai ma vie . Ma santé s'affaiblit tous les jours et l'âge avance .
Les Guèbres sont un petit amusement . Cela est du moins préférable à la malheureuse insipidité dans laquelle la plupart de mes confrères les humains achèvent leur carrière .
Je crois vous avoir déjà mandé que le trésorier de M. le duc de Virtemberg n'en usait pas avec moi d'une manière insipide . Il m'a joué d'un tour de maître Gonin qui m’embarrasse beaucoup, et qui me met hors d'état de prendre aucun parti jusqu'au mois d'octobre . Ainsi, vous voyez, ma chère nièce, que j'ai plus d'une affaire . Il me semble qu'avec la santé rien n'embarrasse . Mais quand on est malade, le moindre fardeau est bien lourd . Ils me seront tous fort légers si vous m'aimez autant que je vous aime. Adieu, je vous embrasse bien tendrement .
V. »
1 Manuscrit olographe avec deux lapsus ; voir les notes 4 et 5 . La date est complétée par Mme Denis .
2 Cette lettre n'est pas connue .
3 Cette injustice consistait à dire que V* était l’auteur de l'Histoire du Parlement de Paris et l'avait écrit à l'instigation du ministère . Voir J.-H. Brumfitt, Voltaire Historian, 1958 . La source de cette dernière rumeur semble être dans les Mémoires secrets ( 17 juillet 1769).
4Ces quatre mots sont ajoutés au dessus de la ligne .
5 Mot suivi sur ms. de l'auteur biffé .
6 La Henriade, chant IV, v. 374, 376-377, inexactement cités : https://fr.wikisource.org/wiki/La_Henriade/Chant_4
7Molière, Monsieur de Pourceaugnac, II, sc. 8 : https://libretheatre.fr/monsieur-de-pourceaugnac-de-moliere/
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04/01/2025
dire ce qu'il pense des ruines de Palmyre
... Posera-t-on la question à Ahmad al-Chareh ?
https://www.francetvinfo.fr/monde/syrie/chute-de-bachar-a...
Plus jamais ça ? Pas d'E.I. renaissant ?
https://www.france24.com/fr/20150825-syrie-palmyre-ei-exh...
« A Pierre-Michel Hennin
A Ferney lundi 3 juillet 1769
L'ermite de Ferney se laisse aller demain mardi à une horrible débauche . Il a l'audace de donner un petit dîner à un jeune antiquaire 1 qui lui a paru très aimable . Monsieur Hennin veut-il en cette qualité nous honorer de sa présence, et dire ce qu'il pense des ruines de Palmyre ? Le solitaire lui montrera une belle médaille moderne 2 ; il jugera si elle est digne de l'Antiquité . Le dit solitaire lui présente son très tendre respect . »
1 Ce passionné d'Antiquité n'est pas connu .
2 Voir lettre du 29 mars 1769 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/09/26/le-public-est-d-opinion-qu-il-eut-du-faire-tout-le-contraire-6516273.html
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03/01/2025
Les détails me pilent
... Telle est la conclusion générale présidentielle du premier conseil des ministres 2025 .
« A Louise-Honorine Crozat du Châtel, duchesse de Choiseul
3è juillet 1769 , Lyon
Guillemet ignore si madame la duchesse est dans son palais de Paris, ou dans son palais de Chanteloup, ou dans sa chambre de Versailles. Quelque part où elle soit, elle dît et elle fait des choses très agréables.
Guillemet prend la liberté de lui en dépêcher qui ne sont pas peut-être de ce genre ; mais, comme elle est très tolérante, il s’est imaginé qu’elle pourrait jeter un coup d’œil sur une tragédie 1 où l’on dit que la tolérance est prêchée. Monseigneur son époux le Corsique aurait-il le temps de s’amuser un moment de cette bagatelle ? Guillemet en doute. Monseigneur a un nouveau royaume et un nouveau pape à gouverner, et force petits menus soins qui prennent vingt-quatre heures au moins dans la journée. Les détails me pilent, disait Montaigne 2, à ce qu’on m’a rapporté . Voilà pourquoi Guillemet se garde bien d’écrire à monseigneur. Mais quand nous entendons parler de ses succès dans nos climats sauvages, notre cœur danse de joie.
Je vais bientôt, madame, quitter la typographie, avant que je quitte absolument la vie, selon le conseil de La Bletterie. Je suis comme l’apothicaire Arnoult, qui se plaignait que l’on contrefît toujours ses sachets 3. Cela dégoûte à la fin du métier les typographes comme les apothicaires ; ainsi, madame, vous vous pourvoirez, s’il vous plaît, ailleurs ; il faut bien que tout finisse . Il faut surtout finir cette lettre, de peur de vous ennuyer. Daignez donc, madame, agréer le profond respect qui ne finira qu’avec la vie de
Guillement.
P. S. – Je ne sais comment je suis avec madame votre petite-fille 4, depuis un certain déjeuner . Je ne sais si elle aime encore les vers ; je ne sais rien d’elle. »
1 Les Guèbres . Mme de Choiseul écrit le 11 juillet 1769 à Mme Du Deffand : « Voici une fort mauvaise brochure que Voltaire m'a envoyée, quoiqu'elle ne soit pas de lui . J'y joins la lettre qu'il m'a écrite en même temps ». Le jugement de Mme de Choiseul sur la pièce est réitéré dans une autre lettre du 14 juillet à la même : « Votre lettre ma chère petite-fille, m'a sauvée de sombrer dans le panneau le plus fâcheux. Voltaire m'en avait écrit une seconde pour me dire de ne pas montrer la tragédie des Guèbres ; cette précaution ne m’avait point encore avisée que la pièce pût être de lui, tant elle me semblait mauvaise, et en lui répondant je lui mandais tout ce que j'en pensais ; heureusement ma lettre n'était point encore envoyée quand j'ai reçu la vôtre ; […] nous avons reparcouru la pièce, l’abbé [Jean-Jacques Barthélémy*] et moi, et […] nous avons cru reconnaître Voltaire, mais nous n'en sommes pas moins restés à dire que la pièce était détestable.
* https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Jacques_Barth%C3%A9lemy
2 Dans ses Essais, livre III, chap. iv, 17e alinéa, Montaigne, parlant de la mort, dit : « Je la gourmande en bloc. Par le menu elle me pile. » : fin de page 365 https://fr.wikisource.org/wiki/Essais/Livre_III/Chapitre_4
3 Dans les annonces qu'il faisait passer dans le Mercure de France, à propos de son spécifique contre l'apoplexie .
4 Mme Du Deffand qui a blâmé la cérémonie des « pâques »de V* et son attitude en la circonstance . Aucune lettre d'elle à V* ne nous est parvenue depuis celle du 24 avril 1769, sur les « médecins […] italiens » qui veulent « qu'on mange un croûton à certains jours », mais elle devra lui écrire le 16 juillet : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1769/Lettre_7596
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02/01/2025
Je ne sais comment il se peut faire que la France étant, après l’Allemagne, le pays le plus peuplé de l’Europe, il nous manque pourtant des bras pour cultiver nos terres.
... L'incompréhension de Voltaire reste d'actualité ; l'agriculture française serait morte et enterrée s'il n'y avait pas la main-d'oeuvre étrangère , et ce n'est pas la nouvelle ministre Annie Genevard qui va remédier à cela , ni elle, ni maintenant, ni jamais .
Qui est-elle derrière son titre ronflant ? https://agriculture.gouv.fr/annie-genevard-ministre-de-la...
http://dessinsmisslilou.over-blog.com/2016/02/vers-la-disparition-de-l-agriculture-francaise.html
« A Pierre-Joseph-André Roubaud 1
A Ferney 1er juillet 1769 2
Votre livre 3, monsieur, me paraît éloquent, profond et utile. Je suis bien persuadé avec vous que le pays où le commerce est le plus libre sera toujours le plus riche et le plus florissant, proportion gardée. Le premier commerce est, sans contredit, celui des blés. La méthode anglaise, adoptée enfin par notre sage gouvernement, est la meilleure . Mais ce n’est pas assez de favoriser l’exportation, si on n’encourage pas l’agriculture. Je parle en laboureur qui a défriché des terres ingrates.
Je ne sais comment il se peut faire que la France étant, après l’Allemagne, le pays le plus peuplé de l’Europe, il nous manque pourtant des bras pour cultiver nos terres. Il me paraît évident que le ministère en est instruit, et qu’il fait tout ce qu’il peut pour y remédier. On diminue un peu le nombre des moines, et par là on rend les hommes à la terre. On a donné des édits pour extirper l’infâme profession de mendiant, profession si réelle, et qui se soutient malgré les lois, au point que l’on compte deux cent mille mendiants vagabonds dans le royaume. Ils échappent tous aux châtiments décernés par les lois ; et il faut pourtant les nourrir, parce qu’ils sont hommes. Peut-être, si on donnait aux seigneurs et aux communautés le droit de les arrêter et de les faire travailler 4, on viendrait à bout de rendre utiles des malheureux qui surchargent la terre.
J’oserais vous supplier, monsieur, vous et vos associés 5, de consacrer quelques-uns de vos ouvrages à ces objets très importants. Le ministère, et surtout les officiers des cours supérieures, ne peuvent guère s’instruire à fond sur l’économie de la campagne que par ceux qui en ont fait une étude particulière. Presque tous vos magistrats sont nés dans la capitale que nos travaux nourrissent, et où ces travaux sont ignorés. Le torrent des affaires les entraîne nécessairement . Ils ne peuvent juger que sur les rapports et sur les vœux unanimes des cultivateurs éclairés.
Il n’y a pas certainement un seul agriculteur dont le vœu n’ait été le libre commerce des blés, et ce vœu unanime est très bien démontré par vous.
Je sais bien que deux grands hommes se sont opposés à la liberté entière de l’exportation. Le premier est le chancelier de L’Hospital, l’un des meilleurs citoyens que la France ait jamais eus ; l’autre, le célèbre ministre des finances Colbert, à qui nous devons nos manufactures et notre commerce. On s’est prévalu de leur nom et des règlements qu’on leur attribue, mais on n’a pas peut-être assez considéré la situation où ils se trouvaient. Le chancelier de L’Hospital vivait au milieu des horreurs des guerres civiles . Le ministre Colbert avait vu le temps de la Fronde, temps où la livre de pain se vendit dix sous et davantage dans Paris et dans d’autres villes . Il travaillait déjà aux finances, sans avoir le titre de contrôleur général, lorsqu’il y eut une disette effrayante dans le royaume, en 1662.
Il ne faut pas croire qu’il fut, dans le Conseil, le maître de toutes les grandes opérations. Tout se concluait à la pluralité des voix 6, et cette pluralité ne fut que trop souvent pour les préjugés. Je puis assurer que plusieurs édits furent rendus malgré lui ; et je crois très fermement que si ce ministre avait vécu de nos jours, il aurait été le premier à presser la liberté du commerce.
Il ne m’appartient pas, monsieur, de vous en dire davantage sur des choses dont vous êtes si bien instruit. Je dois me borner à vous remercier, et vous assurer que j’ai pour vous une estime aussi illimitée que doit l’être, selon vous, la liberté du commerce.
J'ai l’honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre . »
1 Abbé Pierre-Joseph-André Roubaud, né à Avignon en juin 1730, mort à Paris en novembre 1792, venait de publier des Représentations aux magistrats, contenant l’exposition raisonnée des faits relatifs à la liberté du commerce des grains, et les résultats respectifs des règlements et de la liberté, 1769, in-8° de plus de cinq cents pages. Il avait travaillé avec Dupont de Nemours et autres économistes au Journal d’agriculture, etc. C’est à lui que l’on doit les Nouveaux Synonymes français, 1785, quatre volumes in-8°.
Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Joseph-Andr%C3%A9_Roubaud
et : https://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/709-pierre-joseph-andre-roubaud
2 Seconde minute . La première minute , également conservée est corrigée par V* . Ed. « Lettre de M. de Voltaire à l'auteur des Représentations, etc. », Mercure de France août 1769, p. 132-135. En tête du manuscrit décrit le premier, Wagnière a porté « 2decopie »
3 Voir lettre du 28 juin 1769 à Lacombe : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/12/22/une-instruction-sage-et-eloquente-pour-tous-les-citoyens-et-6528255.htm
4 Ainsi V* souhaiterait disposer du droit d'arrêter les mendiants ou vagabonds passant sur ses terres pour les mettre au travail force .
5 Dupont de Nemours et le groupe des physiocrates .
6 C'était en effet l’habitude de Louis XIV de suivre l’abus de la majorité dans les différents conseils qu’il présidait .
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01/01/2025
on aura le temps de faire quelques boucles à la coiffure d'Arzame
... pendant le temps que le président adressera ses voeux et que le pape bénira le monde urbi et orbi . Grand bien nous fasse ! Que souhaiter : https://www.youtube.com/watch?v=XEjLoHdbVeE&ab_channe...
Bonne et meilleure année happy tax payers !
« A Gabriel Cramer
[juin-juillet 1769 ]
On envoie à monsieur Cramer les discours préliminaires pour ne le pas faire attendre plus longtemps . Le manuscrit n'est pas mis au net mais il sera très aisé de le déchiffrer . Pendant qu’on l’imprimera on aura le temps de faire quelques boucles à la coiffure d'Arzame 1 . Le graveur travaille au dessin, du moins à ce qu'il dit, et nous l'aurons dans quelques jours . »
1 Personnage des Guèbres .
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