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19/01/2022

je vous aime comme on aime dans la jeunesse

... Sans conditions .

Que dit-on quand on dit "je t'aime" ?

A coeur perdu ...

 

« A Nicolas-Claude Thieriot

Je paye souvent, mon ancien ami, les tributs que la vieillesse doit à la nature. J’ai de la patience ; mais je n’ai pas de négligence. Si je ne vous ai pas écrit plus tôt, c’est que j’ai souffert beaucoup. La fièvre m’a tellement abattu que j’ai cru que je n’écrirais jamais à personne. Un M. Boissier, père de famille, âgé de cinquante ans, possesseur de deux millions, aimé et estimé dans les deux partis, vient de se jeter dans le Rhône parce que sa santé commençait à se déranger . Cet homme n’était pas si patient que moi.

Je me doutais bien que vous renoueriez avec le philosophe Damilaville 1; vous devez tous deux vous aimer. J’ai reçu des lettres charmantes, des lettres vraiment philosophiques de votre correspondant d’Allemagne 2. Je lui pardonne tout.

Surtout portez-vous bien ; c’est un triste état que celui d’un vieux malade. Adieu ; je vous aime comme on aime dans la jeunesse.

V.

23è octobre 1766 .»

1 C'est dans une lettre du 17 juillet 1766 que Thieriot a annoncé à V* le refroidissement de ses relations avec Damilaville, et c'est V* lui-même qui a aidé au rapprochement ; voir lettre du 19 septembre 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/12/25/il-y-avait-eu-huit-mille-maisons-de-detruites-et-huit-mille-6356958.html

et du même jour à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/12/26/m-6357003.html

et voir lettre de Thieriot du 17 juillet 1766 : page 170 : https://www.jstor.org/stable/40519484?read-now=1&seq=11#page_scan_tab_contents: http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/10/28/les-connaisseurs-en-font-un-tres-grand-cas.html

2 Frédéric II , bien sûr .

Puisse votre estomac être aussi bon que votre tête et votre cœur

... Gardons le sens des choses essentielles .

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https://www.youtube.com/watch?v=mluu9VIGifQ

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

22 octobre 1766

Mon cher ami, la nature me traite bien mal . Je suis aussi mécontent d'elle que content de vous . Un des plus riches citoyens de Genève s'est jeté aujourd’hui dans le Rhône . Il disait qu'il était malade ; il l'était moins que moi, et il avait plus de ressources, puisqu’il était de vingt-cinq ans plus jeune . Je ne l'imite point . Un petit nombre d'amis comme vous me fait aimer la vie . D'ailleurs je suis curieux de savoir quel progrès fera la raison, car il me semble qu'elle en fait beaucoup malgré les méchants .

Je recevrai donc incessamment le procès de Rousseau ? J’aimerais encore mieux le factum de Sirven . Vous avez fait une belle action d'encourager le zèle d'Elie ; sans doute vous ne l'avez pas grondé trop fort . Il est actuellement chez Mme de Cideville à Launay auprès de Rouen où je crois qu'il travaille . S'il peut réussir dans cette affaire il aura autant d'honneur que j'aurai de plaisir .

Je pense que vous avez mis votre paquet à la diligence de Lyon pour Meyrin . J'espère le recevoir bientôt . Ce sera une de mes plus chères consolations . C'en est encore une bien grande pour moi que M. Thomas soit de l'Académie ; c'est un homme d'un rare mérite et d'un grand talent . Quelle différence de lui à Jean-Jacques ! Dieu nous donne beaucoup de philosophes comme M. Thomas et tout ira bien .

Nous avons chez nous le marquis de Villevielle, capitaine au régiment du roi, dont vous avez ouï sans doute parler . Vous avez dû voir Pierre Calas . Souvenez-vous, mon cher ami, de ces deux derniers articles .

Adieu . Puisse votre estomac être aussi bon que votre tête et votre cœur . »

les passions donnent des forces.

... Je peux en témoigner , vous en êtes un parfait exemple chère Mam'zelle Wagnière .

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Toujours sourire

 

 

« A Cosimo Alessandro Collini, Secrétaire intime

bibliothécaire et historiographe de

S.A.E.

à Mannheim 1

Mon cher ami, vous savez que la renommée a cent bouches, et que, pour une qui dit vrai, il y en a quatre-vingt-dix-neuf qui mentent. Il y a plus de deux ans que je ne suis sorti de la maison , et qu'à peine j'ai pu aller dans le jardin cinq ou six fois. Vous voyez que je n’étais pas trop en état de voyager. Si j’avais pu me traîner quelque part, ç’aurait été assurément aux pieds de votre adorable maître ; et je vous jure encore que si j’ai jamais un mois de santé, vous me verrez à Schwetzingen 2, mes soixante et treize ans ne m’en empêcheront pas ; les passions donnent des forces.

Voici ce qui a donné lieu au bruit ridicule qui a couru. Le roi de Prusse m’avait envoyé cent écus pour ces malheureux Sirven, condamnés comme les Calas, et qui vont enfin être justifiés comme eux. Le roi de Prusse me manda même qu’il leur offrait un asile dans ses États 3. Je lui écrivis que je voudrais pouvoir aller les lui présenter moi-même ; il montra ma lettre. Ceux à qui il la montra 4 mandèrent à Paris que j’allais bientôt en Prusse . On broda sur ce canevas plus d’une histoire. Dieu merci, il n’y a point de mois où l’on ne fasse quelque conte de cette espèce. Un polisson vient d’imprimer quelques-unes de mes lettres 5 en Hollande. Je suis accoutumé depuis longtemps à ces petits agréments attachés à une malheureuse célébrité. Ces lettres ont été falsifiées d’une manière indigne . Il faut souffrir tout cela, et j’en rirais de bon cœur si je me portais bien.

Mettez-moi aux pieds de Leurs Altesses Sérénissimes, mon cher ami , présentez-leur mon profond respect et mon attachement inviolable. Je vous embrasse du meilleur de mon cœur .

V.

22è octobre 1766 à Ferney. »

1 Original avec mention « f[ran]co Canstat » . L'édition Collini est très fautive .

2 Maison de plaisance de l’électeur palatin.

4 Tronchin , fils de Théodore.

5 M. de Voltaire peint par lui-même, ou Lettres de cet écrivain ; 1766, in-12 ; il y a des éditions de 1768, 1771, 1772. La préface et les notes sont attribuées à La Beaumelle. Le ton est donné par l'épigraphe : « J'ai des adorateurs et je n'ai pas un ami . » . Voir : https://books.google.ht/books?id=JAxbAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

Il en paraît tous les mois quelqu’un de cette espèce... chaque secte a ses fanatiques

... Désagréable, mais vrai .

La secte des adorateurs de volailles - Photos Humour

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet , comtesse d'Argental

22è octobre 1766

Mes divins anges, si mon état continue, adieu les tragédies. J’ai été vivement secoué, et j’ai la mine d’aller trouver Sophocle avant de faire, comme lui, des tragédies à quatre-vingts ans. Cependant je me sens un peu mieux, quand je songe que ma petite Durancy 1 est devenue une Clairon. J’eus très grande opinion d’elle lorsque je la vis débuter sur des tréteaux en Savoie, aux portes de Genève, et je vous prie, quand vous la verrez, de la faire souvenir de mes prophéties ; mais je vous avoue que je suis étonné qu’elle ait pris Pulchérie pour se faire valoir ; c’est ressusciter un mort après quatre-vingt-dix ans : Pulchérie est, à mon gré, un des plus mauvais ouvrages de Corneille. Je sens bien qu’elle a voulu prendre un rôle tout neuf ; mais quand on prend un habit neuf, il ne faut pas le prendre de bure.

Nous venons de perdre un homme bien médiocre à l’Académie française 2. On dit qu’il sera remplacé par Thomas 3; il aura besoin de toute son éloquence pour faire l’éloge d’un homme si mince.

Ne pourrais-je pas vous envoyer le Commentaire sur les Délits et les Peines 4 par la voie de M. Marin ? L’enveloppe de M. de Sartine n’est-elle pas, dans ces cas-là, une sauvegarde assurée ? On suppose alors, avec raison, que ces livres envoyés au secrétaire de la librairie lui sont adressés pour savoir si on en permettra l’introduction en France. Je ferai ce que vous me prescrirez. Je pourrais me servir de la voie de M. le chevalier de Beauteville, mais je ne l’emploierai qu’en cas que vous trouviez qu’il n’y a point d’inconvénient.

Le livre de Fréret 5 fait beaucoup de bruit. Il en paraît tous les mois quelqu’un de cette espèce. Il y a des gens acharnés contre les préjugés : on ne leur fera pas lâcher prise , chaque secte a ses fanatiques. Je n’ai pas, Dieu merci, ce zèle emporté ; j’attends paisiblement la mort entre mes montagnes, et je n’ai nulle envie de mourir martyr. Je ne veux pas non plus finir comme un citoyen de Genève, extrêmement riche, qui vient de se jeter dans le Rhône parce qu’avec son argent il n’avait pu acheter la santé . Je sais souffrir, et je n’irai dans le Rhône qu’à la dernière extrémité. Je suis assez de l’avis de Mécène 6, qui disait qu’un malade devait se trouver heureux d’être en vie.

Portez-vous bien, mes adorables anges ; il n’y a que cela de bon, parce que cela fait trouver tout bon.

Je voudrais bien savoir ce qu’on dit dans le public de la charlatanerie de Jean-Jacques ; j’ai vu un Thomas 7 sur le Pont-Neuf qui valait beaucoup mieux que lui, et dont on parlait moins. Ne m’oubliez pas, je vous en prie, auprès de M. de Chauvelin, quand vous le verrez.

Recevez mon tendre respect. »

1 Magdeleine-Céleste Fieuzal de Frossac, nommée Mlle Durancy, a fait ses débuts en 1759, est passée par l'Opéra, puis revenue à la Comédie quand Mlle Clairon se retira .

Voir : https://data.bnf.fr/atelier/14817975/magdelaine-celeste_fieuzal_de_frossac/

et : http://siefar.org/dictionnaire/fr/Madeleine-C%C3%A9leste_Fieuzal

5 L’Examen critique des Apologistes : voyez lettre du 1er avril 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/07/06/m-6325583.html

7 C’était un célèbre et remarquable arracheur de dents, fin du XVIIe siècle et surtout XVIIIè  : https://www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_1936_num_24_96_11433