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26/12/2021

Consolons-nous, mon cher frère, dans l’amour de la raison et de la vertu . Comptez que l’une et l’autre font de grands progrès. Saluez, de ma part, nos frères Barnabé, Thaddée, et Timothée

... Honneur à vous Desmond Tutu .

https://fr.wikipedia.org/wiki/Desmond_Tutu

Desmond Tutu hospitalisé

A l'écoute des opprimés

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

19 septembre 1766

Tout ce qui est à Ferney, mon cher frère, doit vous être très-obligé de la lettre pathétique et convaincante que vous nous avez envoyée 1 Nous pensons tous qu’il n’y a d’autre parti à prendre, après une pareille lettre, que de demander pardon à celui qui l’a écrite. Mais j’avais proposé aux juges de Calas de s’immortaliser en demandant pardon aux Calas, la bourse à la main , ils ne l’ont pas fait.

Je vous ai déjà parlé de la bonté de M. le duc de Choiseul, et de la noblesse de son âme : je vous ai dit avec quel zèle il daigne demander M. Chardon pour rapporteur des Sirven ; il sera notre juge comme il l’a été des Calas . Soyez très sûr qu’il met sa gloire à être juste et bienfaisant.

Votre attestation, mon cher frère, celle de M. Marin, celle de M. Deodati, me sont d’une nécessité absolue. M. le prince de Soubise a un bibliothécaire qui ramasse toutes les pièces curieuses imprimées en Hollande . Ce malheureux recueil de mes prétendues lettres sera sans doute dans sa bibliothèque, s’il n’y est déjà. M. le prince de Soubise le verra, et l’a peut-être vu : un homme de cet état n’a pas le temps d’examiner, de confronter ; il verra les justes éloges que je lui ai donnés tournés en infâmes satires ; il se sentira 2 outragé, et le contre-coup en retombera infailliblement sur moi. Ce n’est point Blin de Sainmore qui est l’éditeur de ce libelle ; c’est certainement celui qui a fait imprimer mes lettres secrètes . Les trois lettres sur le gouvernement en général, imprimées au devant du recueil, sont d’un style dur, cynique, et plus insolent que vigoureux, affecté depuis peu par de petits imitateurs. Ce n’est point là le style de Blin de Sainmore. On a accusé Robinet 3 ; je ne l’accuse ni ne l’accuserai : je me contenterai de réprimer la calomnie dans les journaux étrangers. Cette démarche est d’autant plus nécessaire que le livre est répandu partout, hors à Paris. Il est heureux du moins de pouvoir détruire si aisément la calomnie.

Les protestants se plaignent beaucoup de notre ami M. de Beaumont 4, qui réclame en sa faveur les lois rigoureuses sur les protestants, contre lesquelles il semble s’être élevé dans l’affaire des Calas. J’aurais voulu qu’il eût insisté davantage sur la lésion dont il se plaint justement, et qu’il eût fait sentir adroitement combien il en coûtait à son cœur d’invoquer des lois si cruelles. J’ai peur que son factum pour lui-même ne nuise à son factum pour les Sirven, et ne refroidisse beaucoup ; mais enfin tout mon désir est qu’il réussisse dans les deux affaires auxquelles je prends un égal intérêt.

Je ne sais comment vous êtes avec Thieriot ; je ne sais où il demeure ; je crois qu’il passe sa vie, comme moi, à être malade et à faire des remèdes ; cela le rend un peu inégal dans les devoirs de l’amitié ; mais il faut user d’indulgence envers les faibles. Je vous prie de lui faire passer ce petit billet 5.

Vous aurez incessamment quelque chose ; mais vous savez combien il est dangereux d’envoyer par les postes étrangères des brochures de Hollande. Nous recevons des livres de France, mais nous n’en envoyons pas. Tous les paquets qui contiennent des imprimés étrangers sont saisis, et vous savez qu’on fait très bien, attendu l’extrême impertinence des presses bataves.

J’ai chez moi M. de La Borde, qui met Pandore en musique . Je suis étonné de son talent. Nous nous attendions, Mme Denis et moi, à de la musique de cour 6, et nous avons trouvé des morceaux dignes de Rameau. Tout cela n’empêche pas que je n’aie Belleval et Broutet 7 extrêmement sur le cœur. Consolons-nous, mon cher frère, dans l’amour de la raison et de la vertu . Comptez que l’une et l’autre font de grands progrès. Saluez, de ma part, nos frères Barnabé, Thaddée, et Timothée. »

2 La copie Beaumarchais et toutes les éditions mettent trouvera .

6 J.-B. de La Borde était valet de chambre du roi.

7 L’un dénonciateur, l’autre juge du chevalier de La Barre ; voir https://fr.wikisource.org/wiki/Relation_de_la_mort_du_chevalier_de_La_Barre

et la lettre du 9 septembre 1766 de d'Alembert : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6494

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