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06/07/2021

Je crois que nous ne nous entendons pas sur l’article du peuple, que vous croyez digne d’être instruit. J’entends par peuple la populace, qui n’a que ses bras pour vivre

... J'ai longtemps hésité avant de choisir ce titre, mais il y a ce que dit Voltaire et ce qu'il fait . Certains le disent un ignoble richard qui méprise le peuple, ne connaissent que partiellement ses écrits et ignorent ses oeuvres matérielles à Ferney . Cette populace , il la connait, il lui fournit du travail, il la fait vivre . Soit ! il préfère avoir de bons laboureurs que des philosophes, mais outre le soutien inaltérable qu'il apporte aux paysans, aux artisans, il créera  une école ! Cet homme n'est pas simple, il est humain , il est du monde des idées, et fraternel au quotidien .

"... tout vieux et infirme que je suis, je planterai aujourd'hui, sûr de mourir demain . Les autres en jouiront ."  Voltaire à François Moreau, le 1er juin 1767 .

Que ceux qui se bornent à le critiquer passent leur chemin , ils perdent l'essentiel .

Le généticien Axel Kahn, président de la Ligue contre le cancer.

Un salut particulier pour Axel Kahn qui donna jusqu'au bout de la qualité à sa vie et celle de ses contemporains, tout à fait voltairien selon moi  :  https://www.20minutes.fr/sante/3078219-20210706-axel-kahn-geneticien-ancien-president-ligue-contre-cancer-mort

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

1er avril 1766 1

Le Philosophe sans le savoir, mon cher ami, n’est pas à la vérité une pièce faite pour être relue, mais bien pour être rejouée. Jamais pièce, à mon gré, n’a dû favoriser davantage le jeu des acteurs ; et il faut que l’auteur ait une parfaite connaissance de ce qui doit plaire sur le théâtre ; mais on ne relit que les ouvrages remplis de belles tirades, de sentences ingénieuses et vraies, en un mot des choses éloquentes et intéressantes.

Je crois que nous ne nous entendons pas sur l’article du peuple, que vous croyez digne d’être instruit. J’entends par peuple la populace, qui n’a que ses bras pour vivre. Je doute que cet ordre de citoyens ait jamais le temps ni la capacité de s’instruire ; ils mourraient de faim avant de devenir philosophes ; il me paraît essentiel qu’il y ait des gueux ignorants. Si vous faisiez valoir comme moi une terre, et si vous aviez des charrues, vous seriez bien de mon avis, ce n’est pas le manœuvre qu’il faut instruire, c’est le bon bourgeois, c’est l’habitant des villes ; cette entreprise est assez forte et assez grande. Il est vrai que Confucius a dit qu’il avait connu des gens incapables de sciences, mais aucun incapable de vertu ; aussi doit-on prêcher la vertu au plus bas peuple ; mais il ne doit pas perdre son temps à examiner qui avait raison de Nestorius ou de Cyrille, d’Eusèbe ou d’Athanase, de Jansénius ou de Molina, de Zwingle ou d’Œcolampade. et plût à Dieu qu’il n’y eût jamais eu de bon bourgeois infatué de ces disputes , nous n’aurions jamais eu de guerres de religion, nous n’aurions jamais eu de Saint-Barthélemy, toutes les querelles de cette espèce ont commencé par des gens oisifs et qui étaient à leur aise ; quand la populace se mêle de raisonner, tout est perdu. Je suis de l’avis de ceux qui veulent faire de bons laboureurs 2 des enfants trouvés, au lieu d’en faire des théologiens ; au reste, il faudrait un livre pour approfondir cette question, et j’ai à peine le temps, mon cher ami, de vous écrire une petite lettre.

Je vous prie de vouloir bien me faire un plaisir, c’est d’envoyer l’édition complète de Cramer à M. de La Harpe ; ce n’est pas qu’assurément je prétende lui donner des modèles de tragédies ; mais je suis bien aise de lui montrer quelques petites attentions dans son malheur 3 en cas que je ne lui aie pas déjà fait ce présent, car il me vient un scrupule en vous écrivant ; gardez donc l'exemplaire , mon cher ami, jusqu'à ce que je sois instruit s'il en a eu de ma part .

Je suis beaucoup plus inquiet du mémoire pour les Sirven, je vous supplie de m'en dire des nouvelles . Je vais faire retirer les lettres pour M. d'Alembert, qui probablement ne pourront partir que vendredi prochain 4 avril . J'ai été si malade que je n'ai pu vous écrire la poste dernière..

Je n’ai point reçu le panégyrique fait par M. Thomas 4. Sûrement on fait examiner secrètement le Dictionnaire des sciences 5, puisqu’il n’est pas encore délivré aux souscripteurs. Mais qui sont les examinateurs en état d’en rendre un compte fidèle ? Faudrait-il qu’un scrupule mal fondé, ou la malignité d’un pédant, fit perdre aux souscripteurs leur argent, et aux libraires leurs avances ? J’aimerais autant refuser le payement d’une lettre de change, sous prétexte qu’on en pourrait abuser.

J'attends toujours quelque chose de Fréret 6. On dit que ma nièce de Florian passera son temps bien agréablement à Hornoy ; vous irez la voir, elle est bien heureuse . Adieu, mon très cher ami .

Je vous prie de me dire s’il y a eu en effet une troisième remontrance du parlement de Paris sur les affaires du parlement de Bretagne 7 ; je ne le crois pas, cela serait bien peu convenable. »

2 Cela semble être l’idée du physiocrate Moreau de La Rochette exposée dans un de ses ouvrages ( V* lui adressera une lettre le 1er juin 1767) . Voir : http://www.inrp.fr/edition-electronique/lodel/dictionnaire-ferdinand-buisson/document.php?id=3230

et : https://fr.wikisource.org/w/index.php?title=Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome45.djvu/290&action=edit&redlink=1

3 Le Gustave Vasa de La Harpe a été joué sans succès le 3 mars 1766 .

5 L’Encyclopédie .

6 Examen des apologistes de la religion chrétienne. Ce livre, publié sous le nom de Fréret, 1766, in-8°, est de Lévesque de Burigny. Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k845348.image

et : https://www.honorechampion.com/fr/champion/5842-book-08530371-9782745303714.html

 

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