05/10/2023
Les lois de la société sont austères
... Et c'est heureux quand il s'agit de lutter contre des mouvements quasi sectaires, appelant à la violence, comme Civitas ; ses membres ne sont catholiques que de nom, ils puent la haine , il est juste qu'on dissolve leur association et ce n'est pas trop tôt : https://www.francetvinfo.fr/societe/le-conseil-des-minist...
Débiles dangereux
« A Jean Le Rond d'Alembert
22è février 1768 à Ferney 1
J'ai balancé longtemps, mon cher philosophe, si je vous écrirais touchant M. de La Harpe, et je crois enfin qu'il faut que je vous écrive parce que vous l’aimez, et que je l'aime .
Il vous a donné le second chant de La guerre de Genève, et il l'a donné à d'autres . Il n'en devait pas disposer ; je ne le lui avais point confié, il n'était point achevé ; je ne l'avais donné à personne ; je l'avais refusé à des princes ; j'avais mille raison pour qu’il ne parût point . Il était enfermé dans un portefeuille sur une table dans ma bibliothèque, et M. de La Harpe était parfaitement informé que je ne voulais pas qu'il parût .
Lorsqu'à son retour à Ferney j'appris que ce manuscrit était public, il dit qu'il ne l'avait répandu que parce qu’il y en avait dans Paris des copies trop fautives . Il m'a même assuré qu'il ne vous l'avait donné qu'attendu que la copie que vous aviez depuis longtemps était très infidèle . Quelques jours après il m'a dit qu'il tenait ce manuscrit d'un jeune homme nommé Antoine, son voisin, sculpteur, demeurant dans la rue Hautefeuille .
Enfin pendant les trois mois de son séjour à Paris, quoiqu’il me mandât toutes les nouvelles de la littérature, il ne m'avait jamais écrit celle-là qui était pour moi très intéressante . Il m'envoyait son épigramme contre Dorat et celle contre Fréron qui couraient sous mon nom, mais pas un mot de La Guerre de Genève ; je lui pardonne de tout mon cœur cette petite légèreté dont il ne pouvait sentir comme moi les conséquences . L'amitié ne doit point être difficile et sévère . Je lui ai rendu et je lui rendrai tous les services qui seront en mon pouvoir . Je suis même occupé actuellement du soin de lui assurer une petite fortune, et j'espère y réussir dans quelques mois, comme j'ai réussi à lui obtenir une pension de M. le duc de Choiseul.
Je vous prie de le gronder paternellement . Il faut qu'il soit de l'Académie française, et pour y parvenir il est nécessaire qu'il n’ait, ni avec M. Dorat ni avec personne des démêles qui pourraient lui faire tort . Il a plus besoin de continuer à faire de bons ouvrages que d'avoir des querelles qui ôtent toute considération . Les lois de la société sont austères, qu'il se garde bien de semer d'épines le chemin de sa fortune . Parlez-lui, mon cher ami, comme vous savez parler, et aimez-moi . Tout ceci demeurera entre vous et lui . Vous pouvez lui montrer ma lettre .
P. S. Je cherche tout ce que vous demandez . Vous ne sauriez croire combien ces bagatelles sont rares. »
1 Copie Beaumarchais-Kehl ; mais cette lettre ne paraît pas dans l’édition de Kehl ; ni les suivantes .
00:05 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.