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22/12/2023

Elle étonne l'Europe et ses sujets la bénissent

... Marine Le Pen bien entendu !

Devant elle, le grand lèche-bottes Bardella , fort de son score aux sondages .

Leurs inepties ont encore le vent en poupe, les Français sont spécialement doués pour rejouer Trafalgar , un Napoléon n'a pas suffi pour nos experts en naufrages ; la devise est de plus en plus fluctuat et cito fluit .

 

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https://www.lopinion.fr/de-qui-se-moque-t-on/dessin-jordan-bardella-lheritier-rassemblement-national-le-pen-fils-fille

 

 

« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck

Au château de Ferney par Genève 19è avril 1768 1

J'ai toujours eu l'honneur, madame, de vous répondre très exactement quand vous m'avez fait celui de m’écrire de l'abominable château que vous habitiez . Vous voilà maintenant à Hambourg où vous ne resterez peut-être pas longtemps . Quand vous voudrez habiter un château où il y a des portes et des fenêtres comme dans celui du baron de Tonder Thentronck j'en ai un à votre service où vous serez la maîtresse absolue, et tant que je vivrai il sera à votre service . J'ai couru comme vous le monde, et je  me suis enfin bien trouvé de m'être fixé . Vous ne trouveriez nulle part une plus belle vue, ni des promenades plus agréables, ni plus de liberté ; et vous auriez de la société quand vous en voudriez . Mais je crains bien que vous ne regardiez mon château comme un château en Espagne .

Vous avez une héroïne par-delà Hambourg en tirant droit vers le nord qui pourrait bien avoir la préférence sur moi . Elle étonne l'Europe et ses sujets la bénissent . Mais peut-être êtes-vous dégoûtée des impératrices .

Quand vous n'aurez rien à faire, souvenez-vous d'un ancien ami qui vous sera attaché avec le plus tendre respect jusqu'au dernier moment de sa vie . Je vous promets que quand je mourrai ( ce qui arrivera bientôt ) je vous donnerai la préférence sur tous les curés et sur tous les prédicants du voisinage .

N. B. – Je vous avertis, madame, que le château de Ferney est pendant l’été un des plus beaux de la nature . Je vous défie d'avoir sur l'Elbe une aussi jolie maison.

Agréez encore une fois mon respect et mes regrets . 

V.»

1 Cette lettre de V* répond à une lettre très mélancolique de la comtesse, laquelle avait appris par un correspondant que V* s'était séparé de Mme Denis . Voici sa lettre :

« Hambourg le 28 mars 1768

Après plus de trois années d'oubli et de silence, à peine peut-être vous rappelez-vous de mon nom . Je fais encore une tentative, monsieur, pour essayer de réveiller chez vous cette bienveillance, cette amitié si chère, si flatteuse pour moi, qui avait résisté aux vicissitudes du temps ; au tourbillon des cours ; à l'absence ; au peu que je pouvais mériter ; et qui tout à coup a paru s'éteindre et s'anéantir, par un effet si triste pour moi, dont la cause m'est toujours restée inconnue.

Dussiez-vous vous impatienter contre une importunité que le sentiment seul a pu vous attirer ; dussiez-vous le garder encore ce silence qui m'afflige, qui me désole, il ne s'agit point de vanité ici, il s'agit d'amitié, d'estime, de vénération, enfin de tout ce que le cœur peut ressentir de plus intéressant . L'ami , le bienfaiteur de l'humanité serait-il insensible à la sincérité d'une des personnes du monde qui l'a de toute sa vie le plus sincèrement admiré ? dont l'hommage ne saurait lui être suspect d'aucun des faux jours qui déshonorent ceux que la fraude, la légèreté, l'intérêt, ou quelque autre mauvais motif peut arracher ? Je vais m'émanciper à vous parler un moment de moi, de ma présente situation comme si vous daigniez encore vous y intéresser . Vous verrez que c'est le cœur seul qui me fait parler ; et peut-être serez-vous touché du sentiment qui m'anime , peut-être aurai-je la douceur de vous retrouver le même pour moi .

Les dernières lettres que j'ai eu l'honneur de vous écrire, il y a près de trois ans du vieux château de Jever, et auxquelles je n'ai eu aucune réponse vous ont dit que j'y passais des jours assez doux, à cause du voisinage de ma bonne vieille mère ; mais du reste assez triste par le mauvais air, et le manque total de la moindre société .

Nos santés respectives s'en sont cruellement ressenties . Ma mère pouvait encore s’aérer et se refaire quelquefois, à son château ; mais j'ai si bien avalé les exhalaisons de ces marais croupissants que je suis presque aux abois . J'avais trois nièces charmantes qui faisaient la douceur de ma vie . Deux ont été placées à des cours, où elles ne sont point heureuses ; et la troisième, la plus aimable, est morte entre mes bras de la petite vérole . Les veilles, la douleur m'ont mises à deux doigts de la mort . J'ai eu deux ou trois maladies mortelles . Je ne me suis plus traînée pendant toute une année qu'à l'aide d'un bâton .

Enfin tant de peines, et d'autres inconvénients ; ce château quasi insoutenable en hiver, et qu'il ne dépendait pas de moi de faire réparer, m'a obligée de choisir un autre séjour l'année passée . Je verrai […] ma bonne mère à Brême, un couple de mois, et je passe le reste du temps à Hambourg . J'y ai une parente, des liaisons et assez de liberté . Ma santé ruinée me prive presque de tout . Je suis plus souvent au lit qu'ailleurs . Enfin je ne crois pas que je la ferai longue, ni que j'attendrai comme ma mère les quatre-vingt-onze ans, qu'elle porte plus lestement que moi mes cinquante . Me laisserez-vous mourir, monsieur, sans me donner encore une seule marque d’amitié ? Une ligne qui me dise que vous rendez justice à l'extrême attachement qui n'a jamais varié, jamais diminué pour vous, depuis que vous-même, avant de me connaître, m'aviez appris à essayer au moins de penser ?

Oui, monsieur, je ne sais si je souffrirai encore longtemps les maux physiques, et les dégoûts moraux de la vie, mais je sais bien que ce que j'ambitionne le plus , c'est d'obtenir encore un sentiment de bonté, un retour de souvenir de votre part .

Ce n'est point votre célébrité, l’orgueil de recevoir des lettres de l'homme du siècle qui me donne ce désir si vif . J'ai connu il y a trente ans peut-être cette vanité . Elle est morte en moi, comme la plupart des passions . L'attendrissement que m'inspire le bienfaiteur du genre humain, celui qui a passé sa glorieuse et utile vie à détruire les préjugés, qui seul m'a enseigné à les connaître, à m'en défier, qui m'a fait aimer la justice, la vérité et la vertu ; le grand homme à qui les Calas, les Sirven ont dû leur salut, celui qui mérite l'hommage, l'éternelle gratitude des protestants, de l'innocence opprimée le noble ennemi des erreurs, le bienfaiteur de tous mes contemporains et le mien, cet attendrissement si juste et si tendre que lui seul peut inspirer à de tels titres, voilà monsieur le mouvement qui me guide . On m'a dit l'autre jour que vous étiez malade², que vous aviez des chagrins ; mon cœur s'est senti déchiré , j'ai cru sentir tout cela moi-même pour vous . Eh bon Dieu qui est-ce donc qui doive aspirer au bonheur , si le ciel peut permettre qu'il manque quelque chose au vôtre ? Votre respectable vieillesse est l'objet qui doit intéresser tout le genre humain . C'est le père de l'humanité qu’elle doit honorer en vous . Chaque être pensant vous doit tout . Que la terre entière l'oublie, je ne l'oublierai jamais . Dédaignez, négligez-moi, si vous le pouvez, si vous le voulez . Refusez-moi l'unique consolation que je vous demande . Ce sera un tort, un tort unique que vous aurez, il m'affligera extrêmement ; mais il ne me paraîtra à moi-même qu'un point , qu'un atome, qui disparaîtra dans l’immensité de vos bienfaits, et qui ne m’ôtera rien de cet attachement, de cette vénération intime, qui vous appartient et que je compte d’emporter au tombeau, et peut-être au-delà, si vous me fâchez . Ah monsieur, que quelques lignes me feraient plaisir ; et voudriez-vous contre moi seule vous refuser au charme de faire des heureux ?

Comtesse de Bentinck née d'Altenburg.

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