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31/01/2009

travailler pour des rois? Rois de quoi ?

Ce dernier jour du premier mois de cette année 2009 de l’ère du fox à poils durs, je vous livre tout brut le credo d’un Volti* surbooké et survolté dans un exercice qu’il déteste, créer un spectacle de commande qu’on nommerait aujourd’hui comédie musicale .

A bientôt cher amis, je cours me défouler sur un trispot ( les archers me comprendront). !

 

 

 

 

« A Pierre-Robert Le Cornier de Cideville

 

Mon aimable ami, je suis un barbare qui n’écrit point ou qui n’écris qu’en vile prose .Vos vers font mon plaisir et ma confusion. Mais ne plaindrez-vous pas un pauvre diable qui est bouffon du roi à cinquante ans [ il écrit la Princesse de Navarre ], et qui est plus embarrassé avec les musiciens, les décorateurs, les comédiens, les comédiennes, les chanteurs, les danseurs, que ne le seront les huit ou neuf électeurs pour se faire un César allemand [ Charles VII empereur est mort le 20 janvier]? Je cours de Paris à Versailles, je fais des vers en chaise de poste . Il faut louer le roi hautement, Mme la dauphine finement, la famille royale tout doucement, contenter la cour, ne pas déplaire à la ville .

        

Oh qu’il est plus doux mille fois

De consacrer son harmonie

A la tendre amitié dont le saint nœud nous lie !

Qu’il vaut mieux obéir aux lois

De son cœur et de son génie

Que de travailler pour des rois !

 

                   Bonjour mon cher ami, je cours à Paris pour une répétition, je reviens pour une décoration [ La Princesse de Navarre sera représentée le 23 février ]. Je vous attends pour me consoler et pour me juger . Que n’êtes-vous venu pour m’aider ! Adieu, je vous aime autant que j’écris peu .

 

                            Voltaire

                            A Versailles, 31 janvier 1745. »

 

 

 

Moi aussi, j'écris "PEU" !

29/01/2009

Je n’ai point d’admirateurs, je n’en veux point : je veux des amis

Avant de venir au travail, j'ai eu le temps (bref) d'écouter deux dinosaures de la presse : Cavanna et Delfeil de Ton, piliers de Hara Kiri puis de Charlie Hebdo . En hommage à leur humour je n'ai pas résisté à la tentation, et j'ai eu la chance de trouver cette lettre de Volti* datée du jour, il y a 253 ans, où l'on voit qu'il est au sommet de son art de dire du bien en se moquant proprement de l'interlocuteur et ses colègues (pasteurs protestants ). Pour ceux qui ont l'ego exacerbé et un sens de l'humour atrophié, vous pourrez, si vous prenez tout au premier degré, lancer une fatwa et une "terrible" excommunication sur Volti* (ça ne lui fera ni chaud ni froid !) et sur moi qui rit à ces écrits :"cent mille Arabes qui ont été engloutis sous terre : cela peut servir merveilleusement votre éloquence chrétienne, d’autant plus que ces pauvres diables étaient des infidèles"

 

 

harakiri.jpg

 

 

« A Jacob Vernes

 

                            Il est vrai, mon cher Monsieur, que vous m’avez envoyé des vers, mais j’aime bien mieux votre prose. Je n’ai point d’admirateurs, je n’en veux point : je veux des amis, et surtout des amis comme vous.

 

                            On dit que vous avez prononcé un discours admirable sur le malheur de Lisbonne, [? ? :le Discours Philosophique sur ces Paroles de M. Pope : Tout ce qui est, est bien ] et qu’on ne voudrait pas que cette ville eût été sauvée, tant votre discours a paru beau. Vous avez encore Méquinez, et quelque cent mille Arabes qui ont été engloutis sous terre : cela peut servir merveilleusement votre éloquence chrétienne, d’autant plus que ces pauvres diables étaient des infidèles.

 

                            Tous ces désastres ont privé Lausanne de la comédie. On a joué Nanine à Berne ; mais pour expier ce crime affreux, on a indiqué un jour de jeûne. Mme Denis, qui ne jeûne point, a été très fâchée qu’on ne bâtît point un théâtre à Lausanne, mais cela ne l’a point brouillée avec les ministres. Il en vient quelques uns dans mon petit ermitage à Montriond. Ils sont tous fort aimables et très instruits. Il faut avouer qu’il y a plus d’esprit et de connaissance dans cette profession que dans aucune autre. Il est vrai que je n’entends point leurs sermons, mais quand leur conversation ressemble à la vôtre, je vous assure qu’ils me plaisent beaucoup plus.

 

                            Mille compliments à toute votre famille, et à M. et Mme de Labat.[Jean-Louis Labat, baron de Grandcour ]

 

                            Adieu, je vous embrasse de tout mon cœur, sans cérémonie.

 

                   Voltaire

                   A Montriond, 29 janvier 1756. »

 

 

Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacob_Vernes

 

a lento risu

Non, non  merci, point de grève pour moi ! J'ai déjà donné et ça n'a rien donné . Mon goût pour l'inutile se limite désormais à la balade en montagne et au tir à l'arc, à la contemplation -que vous devinez béate !- des programmes télévisés. La seule grève qui me tente est bien sûr celle qui s'étend le long de flots (bleus) avec du sable (blond, quoique je préfère les brunes qui ne comptent par pour des ...) et un alizé coquin qui joue avec les survivants de mon caillou. plage-moorea.jpgPas en grève, mais en plein délire sous le brouillard ( le stratus comme disent nos météorologues hélvètes ), avec des idées à la limite de la lisibilité .Comme dit Volti*, je suis dans de beaux draps !!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« A Jean-Louis-Vincent Capperonnier de Gauffecourt

 

 

                    J’ai payé, mon cher philosophe, a lento risu [avec un tranquille sourire ; -Horace] l’argent que vous m’avez ordonné de payer pour vos beaux grands draps sans couture. Je n’ai pu avoir votre reçu parce que M. Grand [ Isaac Jean Georges Grand, banquier de Lausanne ] est toujours à la chasse, et tire plus de lièvres que de lettres de change. Mais vous êtes couché sur son grand livre, et j’espère que j’aurai un reçu dans quelques mois. Vous aurez avant ce temps là le catéchisme de la ste religion naturelle [Poême sur la religion naturelle ou sur la loi naturelle : une version 1751-1752 en Prusse et à Bareuth, l’autre en avril-mai 1753 à Gotha ].

 

                    Je vous supplie d’adresser l’incluse à Mme de L’Épinay, chez qui Liébault a récité le  catéchisme [ Nicolas Liébault a lu la première version dédiée à Frederic II, obtenue par le secrétaire de la margravine, le marquis d’Adhémar ]. Obtenez de Mme de L’Épinay qu’elle mette son honneur à faire rendre cette lettre. Je prierai Dieu pour le salut de votre âme.

 

                    Mme Denis vous baise des deux côtés. Ne nous oubliez pas auprès de vos amis ; et n’oubliez pas Marc. Je vous embrasse philosophiquement.

 

                    Voltaire

                    Montriond, le 29 janvier 1756. »

 

Voir : pour Jean Louis Vincent Capperonnier de Gauffecourt

 

http://translate.google.fr/translate?hl=fr&sl=en&...

 

28/01/2009

S’il y a quelque sottise nouvelle...

« A Frederic II, roi de Prusse

 

                            Sire,

                           

                   Je mets aux pieds de Votre Majesté un ouvrage [ Le Siècle de Louis XIV  ] que j’ai composé en partie dans votre maison . Et je lui en présente les prémices longtemps avant qu’il soit publié . Votre Majesté est bien persuadée que dès que ma malheureuse santé pourra me le permettre je viendrai à Potsdam sous son bon plaisir .

 

                   Je suis bien loin d’être dans le cas d’un de vos bons mots : qu’on vous demande la permission d’être malade. J’aspire à la seule permission de vous voir et de vous entendre . Vous savez que c’est ma seule consolation et le seul motif qui m’a fait renoncer à ma patrie, à mon roi, à mes charges, à ma famille, à des amis de quarante années ; je ne me suis laissé de ressource que dans vos promesses sacrées qui me soutiennent contre la crainte de vous déplaire.

                   Comme on a mandé à Paris que j’étais dans votre disgrâce, j’ose vous supplier très instamment de daigner me dire si je vous ai déplu en quelque chose [ V. avait fait des « tracasseries » à propos d’ « éditions subreptices » du Siècle de Louis XIV ce qui fâcha le roi ]. Je peux faire des fautes ou par ignorance ou par trop d’empressement . Mais mon cœur n’en fera jamais . Je vis dans la plus profonde retraite, donnant à l’étude le temps que les maladies cruelles peuvent me laisser . Je n’écris qu’à ma nièce, ma famille, et mes amis ne se rassurant contre les prédictions qu’ils m’ont faites que par les assurances respectables que vous leur avez données [ Mme Denis et les d’Argental entre autres ]. Je ne lui  parle que de vos bontés, de mon admiration pour votre génie, du bonheur de vivre auprès de vous [ c’est ce qu’il fait dans les lettres aux correspondants autres que sa nièce ]. Si je lui envoie quelques vers où mes sentiments pour vous sont exprimés, je lui recommande même de n’en jamais tirer de copie et elle est d’une fidélité exacte.

                   Il est bien cruel que tout ce qu’on m’a mandé à Paris la détourne de venir s’établir ici avec moi et d’y recueillir mes derniers soupirs . Encore une fois, Sire, daignez m’avertir s’il y a quelque chose à reprendre dans ma conduite. Je mettrai cette bonté au rang de vos plus grande faveurs . Je la mérite m’étant  donné à vous sans réserve ; le bonheur de me sentir moins indigne de vous  me fera soutenir patiemment les maux dont je suis accablé .

 

                            V.

                            27 janvier 1752. »

 

 

Un bon résumé de la volonté de Volti* :"...celui qui rit de toutes les sottises qui sont frivoles, et qui tâche de réparer celles qui sont barbares ". Humoristes de tous temps et optimistes de tout poil, Hommes de bonne volonté , je vous le dis, je trouve que c'est une bonne attitude .

 

« A Jean Ribote-Charron, à Montauban

 

                   D’une main on donne le fouet aux parlements, et de l’autre on les caresse ; on déclare que les commandants n’ont fait qu’obéir aux ordres supérieurs, et on les rappelle [ allusion au duc de Fitz-James qui ayant fait arrêter des membres du parlement de Toulouse qui refusaient d’appliquer les édits du roi, fut relevé de ses fonctions par le roi après libération des parlementaires décembre 1763 ]. On chasse les jésuites, et on en garde quatorze à la cour qui confessent, ou font semblant de confesser. On est irrité des remontrances, et on invite à en faire ; ce monde est gouverné par des contradictions . Nous verrons quelle contradiction résultera du procès des Calas qui est actuellement sur le bureau . Est-il vrai que votre parlement s’est avisé de casser l’arrêt de celui de Paris, qui cassait le décret d’appréhension au corps du duc commandant de la province [ duc de Fitz-James ]?

                   S’il y a quelque sottise nouvelle, Monsieur Ribote est prié d’en faire part à celui qui rit de toutes les sottises qui sont frivoles, et qui tâche de réparer celles qui sont barbares .

 

                   Voltaire

                   Le 27 janvier 1764. »

 

                              

 

 

25/01/2009

l’avidité du public malin ...!

Qui emploie sa journée fait bien des choses, j'ajouterai, mérite un bon repos !

Volti n'aurait rien à changer dans sa manière de décrire le "public malin" (inspiré par le malin, ce fichu diable que certains tirent par la queue !) ; les revues people , le fameux "poids des mots" (poids plume, alourdi par un cadre publicitaire envahissant) et "choc des photos" ont un avenir radieux, la richesse des uns ébahissant la pauvreté des autres . "Les amateurs, un jour..." : mais quel jour et combien d'amateurs ?

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental

 

                Mon cher ange, vous avez été bien étonné du dernier paquet de Zulime ; mais qui emploie sa journée fait bien des choses. Je travaille, mais guidez –moi.

 

                Primo, je persiste dans l’idée de faire un procès criminel à l’abbé Desfontaines. Je n’ai rien à craindre du Préservatif. L’auteur s’en déclare [Mouhy, V. écrit, les 19 et 20 février, « Le chevalier de Mouhy… avoue Le Préservatif »] preservatif.jpgJe n’ai rien à craindre non plus des Lettres philosophiques ; j’ai désavoué le livre. Il n’y a aucune preuve, aucun écrit de ma main.

 

                2° Je vous envoie les lettres pour M. l’avocat général, et pour M. le chancelier.

 

                3° J’ai écrit à M. Hérault aux étrennes, avec beaucoup de zèle et d’attachement.

 

                4° J’ai écrit à M. de Maurepas en général sur le même ton, mais encore plus vivement.

 

                5° Autant à M. d’Argenson – réponse affectueuse des trois.

 

                6° J’ai envoyé à M. d’Argenson mon dernier mémoire [ contre Desfontaines ], mais je ne compte le faire imprimer qu’avec permission tacite dans un recueil à la tête duquel on mettra les deux premiers chapitres de l’Histoire de Louis XIV, un écrit sur la manière de faire les journaux, les épîtres corrigées [ Discours sur l’Homme ], et quelques autres pièces. Mais alors, il me semble qu’il sera très convenable de laisser dans mon mémoire justificatif tout ce qui est littéraire, car si l’avidité du public malin ne désire actuellement que du personnel, les amateurs un jour préféreront beaucoup le littéraire. J’ai fait cet ouvrage dans le goût de Pellisson et peut-être de Cicéron. Je serais confondu si ce style était mauvais. Je vous demande en grâce de faire transcrire plusieurs copies de la lettre de Mme de Bernières, afin qu’elles soient montrées à M. le chancelier, à MM. d’Aguesseau, à M. d’Argenson, à M. Hérault. Il ne faut transcrire que jusqu’à l’article où elle demande le secret. Je vous prie aussi de m’en envoyer une copie. Je compte que vous en mettrez copie dans mes lettres que je vous renvoie.

 

                Mme du Châtelet rendra service à Linant, et moi aussi. Je ne sais pourquoi il ne m’écrit point ; Prault devait lui donner de l’argent de ma part, et il devait m’envoyer sa pièce.

 

                Qu’est devenu L’Envieux, qu’est devenu l’Œdipe ?

 

                Si vous voyez Prault, ordonnez-lui donc d’être plus exact.

 

                Adieu, mon cher ange gardien, le temps presse, adieu, je suis pénétré.

 

                V.

                Ce 26 (janvier 1739)

 

                Je vous envoie une lettre que je reçois dans ce moment ; elle vous fera voir encore ce que c’est que l’abbé Desfontaines.

                Je vous enverrai par le premier ordinaire une lettre pour M. Hérault si vous le trouvez bon. »

 

Je préviens tout de suite les malotrous qui feront les gorges chaudes en lisant "adieu, je suis pénétré "que le signataire, tout comme moi est pénétré d'innocence ! Honni soit qui mal y pense, quoi que ...

Ou les hommes deviendront entièrement fous, ou ...

Mon menteur préféré, correspondant recherché des têtes couronnées, je le prends encore la main dans le sac à malices .

 

« A Catherine II, impératrice de Russie

 

 

                        Madame,

 

                        La lettre dont Votre Majesté impériale m’honore m’a tourné la tête ; elle m’a donné des patentes de prophète. Je ne me doutais pas que l’archevêque de Novgorod se fût en effet déclaré contre le système absurde des deux puissances ? J’avais raison sans le savoir,[dans son Mandement du Révérendissime père en Dieu Alexis, réplique aux Actes de l’assemblée générale du clergé de France de septembre 1765 ] , ce qui est encore un caractère de prophétie. Les incrédules pourront m’objecter que cet archevêque ne s’appelle pas Alexis, mais Demetri. Je pourrais répondre avec tous les commentateurs qu’il faut de l’obscurité dans les prophéties, et que cette obscurité rend toujours la vérité plus claire. J’ajouterai qu’il n’y a qu’à changer Alex en Deme, et is en tri, pour avoir le véritable nom de l’archevêque. Il n’y aura certainement que les impies qui  puissent ne se pas rendre à des preuves si évidentes.catherine II.jpg

 

                Je suis si bien prophète que je prédis hardiment à Votre Majesté la plus grande gloire et le plus grand bonheur. Ou les hommes deviendront entièrement fous, ou ils admireront tout ce que vous faites de grand et d’utile ; cette prédiction même vient un peu comme les autres après l’évènement.

               

                Il me semble que si cet autre grand homme, Pierre Ier, s’était établi dans un climat plus doux que sur le lac Ladoga, s’il avait choisi Kiovie ou quelque autre terrain plus méridional, je serais actuellement à vos pieds en dépit de mon âge. Il est triste de mourir sans avoir admiré de près celle qui préfère le nom de Catherine aux noms des divinités de l’ancien temps et qui le rendra préférable [il lui avait cependant écrit en novembre qu’il était un peu fâché qu’elle s’appellât Catherine, ce à quoi elle avait répondu qu’il correspondait exactement à sa « tête si peu docile, si peu flexible » ]. Je n’ai jamais voulu aller à Rome, j’ai senti toujours de la répugnance à voir des moines dans le Capitole et les tombeaux des Scipions foulés aux pieds des prêtres ; mais je meurs de regret de ne point voir les déserts changés en villes superbes, et deux mille lieues de pays civilisées par des héroïnes. L’histoire du monde entier n’a rien de semblable, c’est la plus belle et la plus grande des révolutions ; mon cœur est comme l’aimant, il se tourne vers le nord. D’Alembert a bien tort de ne pas avoir fait le voyage, lui qui est encore jeune. Il a été piqué de la petite injustice qu’on lui faisait, mais l’objet, qui est fort mince, ne troublait point sa philosophie [ difficultés à recevoir la pension de feu Clairaut ]. Tout cela est réparé aujourd’hui. Je crois que l’Encyclopédie est en chemin pour aller demander une place dans la bibliothèque de votre palais.

 

                Que Votre Majesté Impériale daigne recevoir avec bonté ma reconnaissance, mon admiration, mon profond respect.

 

                Feu l’Abbé Bazin

                24 janvier 1766. »

 Pourquoi Abbé Bazin ? Wait and see :

http://books.google.fr/books?id=FrATAAAAQAAJ&dq=volta...

 

Une Sandwich pour Thiriot ! Avec ou sans beurre ?

Ah! AH! Ah! Voltaire ne sait plus écrire, Voltaire ne connait plus le genre des mots ; une "sandwich", et puis quoi encore ? Eh bien lisez et vous croirez mes frères !

Juste une remarque d'humour à une roupie, vous allez voir que le Grand Turc "MAHMUT Ier" était un goinfre imprévoyant que ses copains nommaient "MATMUT au Tiers limité" . Bon, oui, pour un dimanche matin ça suffira . That's all, folks !!

 

« A Nicolas-Claude Thiriot

 

                    Le Grand Turc [ Mahmut Ier, mort le 13 décembre 1754 ], notre ambassadeur de la Porte ottomane      [Roland Puchot des Alleurs, mort le 23 novembre 1754 ], et Royer [ musicien mort le 11 janvier 1755 ] sont donc morts d’une indigestion. Je suis très fâché pour M. des Alleurs que j’aimais, mais je me console de la perte de Royer et du Grand Turc. Puissent les lois de la mécanique qui gouvernent ce monde faire durer la machine de Mme de Sandwich [ qui versa une pension à Thiriot et mourut le 27 juillet 1757 ] et que son corps soit aussi vigoureux que son âme laquelle est douée de la fermeté anglaise, et de la douceur française.

 

                    Vous voyez, mon ami, que Dieu est juste : Royer est mort parce qu’il avait fait accroire à Sireuil que c’était moi qui l’étais. Il faut enterrer avec lui son opéra [ Pandore , « vieil opéra » de Voltaire, texte remanié par Sireuil à la demande de Royer ] qui aurait été enterré sans lui. Royer avait engagé ce Sireuil dans la plus méchante action du monde, c’est-à-dire à faire des mauvais vers, car assurément on n’en peut pas faire de bons sur des canevas de musiciens. C’est une méthode très impertinente qui ne sert qu’à rendre notre poésie ridicule, et à montrer la stérilité de nos ménétriers. Ce n’est point ainsi qu’en usent les Italiens nos maîtres. Metastasio et Vinci [ Vinci  compositeur, collabora avec Métastase ] ne se gênaient point ainsi l’un l’autre ; aussi Dieu merci, on se moque de nous par toute l’Europe. Je vous prie, mon ancien ami, d’engager M. Sireuil à ne plus troubler son repos et le mien par un mauvais opéra. C’est un honnête homme, doux et modeste ; de quoi s’avise–t-il d’aller se fourrer dans cette bagarre ? Donnez-lui un bon conseil, et inspirez –lui le courage de le suivre.

 

                    Avez-vous sérieusement envie de venir à Prangins, mon ancien ami ? Arrangez-vous de bonne heure avec Mme de Fontaine et le maître de la maison. Vous trouverez la plus belle situation de la terre, un château magnifique, des truites qui pèsent dix livres, et moi qui n’en pèse guère davantage, attendu que je suis plus squelette et plus moribond que jamais. J’ai passé ma vie à mourir ; mais ceci devient sérieux ; je ne peux plus écrire de ma main. Cette main peut pourtant encore griffonner que mon cœur est à vous.

 

             VoltairePrangins.jpg

             A Prangins

             23 janvier 1755

             Pays de Vaud. »

 

http://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas-Claude_Thieriot