23/01/2009
Manu, Carole, frère et soeur de coeur
Hier soir, j’ai échappé aux séries plus ou moins policières, plus ou moins « gore » (souvent plus que moins d’ailleurs ) et j’ai vu qu’il y avait encore quelques espoirs à avoir dans l’humanité . Il est vrai que j’ai encore eu les boules en voyant le reportage sur la guerre de la bande de Gaza ; triste spectacle que celui d’humains fous : de peur, de colère, d’incompréhension . Puis zapping aidant, j’ai vu les Français qui se débrouillent avec des revenus très modestes ( ce n’est pas rassurant dans ce cas de se sentir concerné ) : système D, utilisation du réseau social, bon cœur, bon courage . Carole Bouquet, femme somptueusement belle, a montré aussi qu’elle n’est pas seulement du monde « paillettes » et « bling bling » et qu’elle peut s’engager dans la défense des sans abris, n’hésitant pas à faire jouer ses relations, tout comme Voltaire le faisait dans la défense des victimes d’injustice et le « piston » pour ceux qu’il voulait aider . Des âmes « bien pensantes » , puisque de droite majoritaire, se sont visiblement émues d’une telle démarche qu’ils mettent au rang de publicité personnelle de star en mal de reconnaissance ! Messieurs, je ne vous salue pas, je vous déteste, vous qui , il n’y a pas si longtemps , faisiez des courbettes et du lèche-bottes à vos électeurs , promettant à tour de bras ce que vous seriez incapables de donner, frileux de vous engager dans une politique qui réduise la misère ! Restez dans vos bureaux douillets, nourris par les impôts que vous décidez de faire payer à ce peuple que vous ne voyez même pas .
Ensuite, joie et tristesse se sont mêlées au reportage sur Manu ( de la République, la place )et sa compagne ; émotion de voir les duretés des jetés à la rue et l’amour qui arrive et qui fait espèrer un avenir meilleur . Manu, tu as fait des « co… », tu le sais, tu le regrettes, ; tu es meilleur que ceux qui vont s’étonner que Benoit lève l’excommunication des évêques à deux sous intégristes et meilleur que les intégristes qui d’un seul coup vont perdre un statut de martyrs de la foi à courte vue .
Voltaire qui a beaucoup fréquenté le clergé se serait encore réjouit.
« A Pierre-Joseph Thoulier, Abbé d’Olivet, de l’Académie Française, à Paris
Mon cher Cicéron, qui ne vivez pas dans le siècle des Cicéron, n’allez pas faire comme l’abbé Sallier [ mort le 9 janvier ], et l’abbé de Saint-Cyr [ mort le 14 janvier ]; vivez pour empêcher que la langue et le goût ne se corrompent de plus en plus ; vivez et aimez moi. Je vous prie d’avoir la bonté de me recommander de temps en temps à l’Académie, comme un membre encore plus attaché à son corps qu’il n’en est éloigné ; dites-lui que je respecterai, et que j’aimerai jusqu’au dernier moment de ma vie ce corps, dont la gloire m’intéresse. Tâchez, mon cher maître, de nous donner un véritable académicien, à la place de l’abbé de Saint-Cyr, et un véritable savant à la place de l’abbé Sallier. Pourquoi n’aurions –nous pas cette fois M. Diderot ? Vous savez qu’il ne faut pas que l’Académie soit un séminaire et qu’elle ne doit pas être la cour des pairs. Quelques ornements d’or à notre lyre sont convenables ; mais il faut que les cordes soient à boyau, et qu’elles soient sonores.
On m’a mandé que vous aviez été à une représentation de Tancrède. Vous ne dûtes pas y reconnaître ma versification ; je ne l’ai pas reconnue non plus . Les comédiens qui en savent plus que moi, avaient mis beaucoup de vers de leur façon dans la pièce. Ils auront à la reprise la modestie de jouer ma tragédie telle que je l’ai faite.
Je ne peux m’empêcher de vous dire ici que je suis saisi d’une indignation académique quand je lis nos nouveaux livres. J’y vois qu’une chose est au parfait, pour dire qu’elle est bien faite. J’y vois qu’on a des intérêts à démêler vis-à-vis de ses voisins, au lieu d’avec ses voisins ; et ce malheureux mot de vis-à-vis employé à tort et à travers.
On m’envoya il y a quelque temps une brochure, dans laquelle une fille était bien éduquée, au lieu de bien élevé. Je parcours un roman du citoyen de Genève moitié galant, moitié moral, où il n’y a ni galanterie, ni vraie morale, ni goût ; et dans lequel il n’y a d'autre mérite que celui de dire des injures à notre nation . L’auteur dit qu’à la comédie les Parisiens calquent les modes françaises sur l’habit romain. Tout le livre est écrit ainsi ; et à la honte du siècle, il réussira peut-être.[ Voltaire est en train d’écrire les Lettres de M. de Voltaire sur la Nouvelle Héloïse, qui paraitront sous le nom de Ximenes ]
Mon cher doyen, le siècle passé a été le précepteur de celui-ci ; mais il a fait des écoliers bien ridicules. Combattez pour le bon goût. Mais voudrez-vous combattre pour les morts ?
Adieu, je voudrais que vous fussiez ici, vous m’aideriez à rendre Mlle Corneille digne de lire les trois quarts de Cinna, et presque tout le rôle de Chimène et de Cornélie ; je dis presque tout, et non tout, car je ne connais aucun grand ouvrage parfait ; et je crois même que la chose est impossible.
Le Suisse V.
Au château de Ferney 22 janvier 1761 »
18:19 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, manu, carole
21/01/2009
Hosannah Obama, Koh Lanta et coetera !
Je n’ai pas regardé, je n’ai pas été ému par les cérémonies d’accession à la présidence de M. Obama . J’ai eu seulement le temps et l’immense joie, avant de zapper sur TF1 pour voir Koh Lanta (avouez qu’il y a des priorités dans la vie d’un homme normalement constitué ! ), d’admirer (sic) le chapeau kitsch ( à mi-chemin entre la patisserie décorative pour gogos et la bouse de vache enrubannée !) d’une chanteuse dont je vais m’enquérir, bien que le ridicule ne tue plus de nos jours ( Aretha Franklin ? may be ?! Oh my God, it’s so funny brothers bloggers and sisters too !!)
Après ça, revenons à la dure réalité : baston en Guyane . Moundir, gros tas de muscles aussi excité qu’une puce sur un fourneau, grand cœur primaire et courte compréhension, quand ce n’est pas court de souffle, carrosserie de poids lourd, moteur de cinque cento s’est heureusement fait éjecter . Sa nouvelle copine (ce qui pourrait expliquer la hargne de Moundir ; non, réflexion faite elle me semble être terriblement quotidienne chez lui ) Christelle a malheureusement été sur le siège éjectable . Bye bye Guyane et caïmans, épreuves de oufs, Brogniard and Co !
Reprise du courrier .
«
« A Jean-Robert Tronchin
Mon cher correspondant, j’ai voulu voir une fois en ma vie comment on nourrit (non pas cinq mille gredins avec cinq pains d’orge et trois poissons) mais cent cinquante personnes de ce siècle-ci avec rien du tout.
Il y a un mois que je suis absolument sans un sou ; et encore ais-je acheté des prés, car j’aime mieux les prés que l’argent. Mon miracle est fort beau, mais il faut être sobre sur les miracles, sans quoi on les décrédite. Je vous demande donc cinq cents louis pour établir mon crédit. Je compte encore ce crédit au rang des prodiges. Je suis né assez pauvre, j’ai fait toute ma vie un métier de gueux, celui de barbouilleur de papier, celui de Jean-Jacques Rousseau, et cependant me voilà avec deux châteaux, deux jolies maisons, 70 000 livres de rente, deux cent mille livres d’argent comptant et quelques feuilles de chêne en effets royaux [ sans valeur ] que je me donne garde de compter .
Savez-vous bien qu’en outre j’ai environ cent mille francs placés dans ce petit territoire où j’ai fixé mes tabernacles ? Quelquefois je prends toute ma félicité pour un rêve. J’aurais bien de la peine à vous dire comment j’ai fait pour me rendre le plus heureux de tous les hommes . Je m’en tiens au fait tout simplement sans raisonner. Je plains le roi mon maître dont les finances n’ont pas été si bien administrées que les miennes, je plains Marie-Thérèse et le roi de Prusse, et encore plus leurs sujets. Pour accroître mon bonheur, il vient à votre adresse un pâté de perdrix aux truffes d’Angoulême que je voudrais manger avec vous, mais que je vous supplie de m’envoyer aux Délices où nous sommes pour quelque temps parce que vos chiens de gypsiers de Genève ont fait à Ferney des cheminées qui fument. Mme Denis, Mlle Corneille et moi vous embrassons tendrement, vous et les vôtres.
M. le marquis de Chimène [ le baron de Ximenès qui lui a volé en 1755 un manuscrit de La Guerre de 1741 et dont Voltaire s'est cruellement moqué ] n’est-il pas venu prendre langue chez vous pour arriver aux Délices ?
Votre très humble et très obéissant serviteur.
V.
1761, 21 janvier, Délices. »
Bien que j'aie mangé à ma faim l'évocation d'un paté de perdrix me fait encore saliver . Et aux truffes en plus . Quel régal pour ce célèbre édenté !
15:22 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, obama, délices, francs, miracle, ecus, roi
20/01/2009
L'illusion du spectateur, et le comédien
"Le costume ajoute beaucoup à l'illusion du spectateur, et le comédien prend plus aisément le ton de son rôle " (Claire de La Tude Clairon)
« A Claire-Josèphe-Hippolyte Léris de Latude Clairon
Vous avez dû recevoir, Mademoiselle, un changement très léger, mais qui est très important. Je ne crois pas m’aveugler ; je vois que tous les véritables gens de lettres rendent justice à cet ouvrage, comme on la rend à vos talents. Ce n’est que par un examen continuel et sévère de moi-même, ce n’est que par une extrême docilité pour de sages conseils, que je parviens chaque jour à rendre la pièce moins indigne des charmes que vous lui prêtez.
Si vous aviez le quart de la docilité dont je fais gloire, vous ajouteriez des perfections bien singulières à celles dont vous ornez votre rôle. Vous vous diriez à vous-même quel effet prodigieux font les contrastes, les inflexions de voix, les passages du débit rapide à la déclamation douloureuse, les silences après la rapidité, l’abattement morne et s’exprimant d’une voix basse, après les éclats que donne l’espérance, ou qu’a fournis l’emportement. Vous auriez l’air abattu, consterné, les bras collés, la tête un peu baissée, la parole basse, sombre, entrecoupée. Quand Iphise vous dit :
Pammène nous conjure
De ne point approcher de sa retraite obscure ;
Il y va de ses jours…
Vous lui répondriez, non pas avec un ton ordinaire, mais avec tous ces symptômes du découragement, après un ah très douloureux,
Ah !... que m’avez-vous dit ?
Vous vous êtes trompé …
En observant tous ces petits artifices de l’art, en parlant quelquefois sans déclamer, en nuançant ainsi les belles couleurs que vous jetez sur le personnage d’Électre, vous arriveriez à cette perfection à laquelle vous touchez, et qui doit être l’objet d’une âme noble et sensible. La mienne se sent faite pour vous admirer et pour vous conseiller ; mais, si vous voulez être parfaite, songez que personne ne l’a jamais été sans écouter des avis, et qu’on doit être docile à proportion de ses grands talents.
Voltaire
Vers le 20 janvier 1750. »
Voltaire, directeur d’acteurs, metteur en scène, auteur pinailleur pour ses créations, sait prendre ses interprètes dans le sens du poil, y met les formes avec quand même , - le naturel revient au galop et il a déjà assez souffert de l’indiscipline des acteurs -, la phrase qui booste et qui remet les pendules à l’heure : « si vous voulez être parfaite, songez que personne ne l’a jamais été sans écouter des avis, et qu’on doit être docile à proportion de ses grands talents. »
Quelle star du show biz serait capable d’appliquer cela ?
19:02 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, clairon, docilité, conseils, rôle, talent
Nous autres Français respectons le droit des gens, surtout avec les Turcs.!
Ce jour, dit historique, -que je juge quasi hystérique,- qui voit à la présidence des USA un homme de couleur sombre ( comme diraient quelques mieux -disant culturels ! ), aux idées lumineuses pour ceux qui espèrent voir la fin de la crise ( avant de l'avoir prise en pleine figure! ), la fin de guerres inutiles ( utiles pour l'industrie via l'armement ! ), un mieux dans leur vie de tous les jours, du boulot, des dollars, un pays respecté ( sinon respectable ! ), une belle voiture, des enfants obéissants et studieux, une femme fidèle , des maris-amants ( ou aimants pour les romantiques ! ), et un raton-laveur ... Les Etats-Uniens me semblent être le peuple dit élu qui marchait dans le désert attendant la manne céleste et l'eau qui jaillit des rochers . Pour l'instant, beaucoup ont les mains sales, font tomber des bombes et jaillir des larmes . Out Bush ! Good luck M . Obama !
Mais soyons optimistes, retrouvons un petit nombre d’élus, serviteurs d’Apollon et du plaisir !
« A Pierre-Robert Le Cornier de Cideville
Le plus ambulant de vos amis, le plus écrivain, et le moins écrivant, se jette au pied de l’autel de l’amitié et avoue d’un cœur contrit sa misérable paresse. J’aurais dû vous écrire de Paris et de Cirey, mon aimable Cideville. Fallait-il attendre que je fusse en Franche-Comté ? Nous en partons d’aujourd’hui en huit, nous retournons à Cirey passer quelques jours, et de là nous faisons un petit tour à Paris. Nous y logerons dans la maison de Mme la comtesse d’Autrey, près du Palais –Royal, qui appartient à la dame de la ville de Gray où nous sommes actuellement. Je ne sais si Mme du Châtelet vous a fait tout ce détail dans sa lettre, mais je vous dois cette ample instruction de mes marches, pour avoir sûrement quelque lettre de vous à mon arrivée à Paris.
Ne serez-vous point homme à passer dans cette grande capitale des bagatelles une partie du saint temps de carême ? N’ai-je pas entendu dire que le philosophe Fromont y doit venir ? Il serait très doux, mon cher ami, de nous rassembler un petit nombre d’élus, serviteurs d’Apollon et du plaisir. Je ne sais pas trop comment vont les spectacles ; voilà ce qui m’intéresse, car pour le spectacle de l’Europe, les armées d’Allemagne et la comédie de Francfort, je n’y jette qu’un coup d’œil. Je paie mon dixième pour être un moment debout au parterre, et je n’y pense plus. Mais nous manquons d’acteurs à la Comédie française, c’est là l’objet intéressant. J’ai plus besoin de voir Dufresne remplacé que de voir Maximilien de Bavière sur le trône de Charles VI. Un grand comédien d’Allemagne, nommé le roi de Prusse, m’a mandé qu’il aurait La Noue. D’un autre côté on se flattait de l’avoir à Paris, et je voudrais bien que La Noue fit comme moi, qu’il quittât les rois pour ses amis. Je ferai jouer Mahomet s’il vient dans la troupe, supposé, s’entend, que j’ai retaillé, recoupé, relimé, raboté, rebrodé, le tout pour vous plaire, car il faut commencer par vous, et je serai sûr du public. J’aurai encore le temps d’attendre que l’ambassadeur turc soit parti, car en vérité il ne serait pas honnête de dénigrer le prophète pendant qu’on nourrit l’ambassadeur, et de se moquer de sa chapelle sur notre théâtre. Nous autres Français respectons le droit des gens, surtout avec les Turcs.
Mon Dieu, mon cher ami, que je voudrais vous retrouver à Paris pendant notre ramasan ! Car que je fasse jouer ou non mon fripon, je n’y resterai pas longtemps. Il faut encore aller boire à Bruxelles la lie du calice de la chicane, et végéter deux ans dans le pays de l’insipidité. Quelques étincelles de votre imagination, et quelques jours de votre présence me serviraient d’antidote. Je cours grand risque de rester encore deux ans au moins chez les barbares. Ne pourrai-je avoir la consolation de vous voir deux jours ? Adieu, mon cher ami, à qui mon cœur est uni pour toute ma vie. Je vous embrasse bien tendrement.
V.
Ce 19 janvier 1742, à Gray en Franche-Comté. »
Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Robert_Le_Cornier_de_Cideville
15:50 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, turc, damilaville, comédie, careme
18/01/2009
vi baccio teneramente ...!
Voltaire amoureux, encore ! , je dirai même touché par le démon de midi, puisqu’il fréquente ( avec un succès dont je vous laisse juges ) sa nièce Marie-Louise depuis environ quatre ans ; cette jeune et accorte veuve ( ce n’est plus une oie blanche depuis longtemps ) a un tempérament qui la porte à éviter la solitude et qui saura choisir le meilleur parti .
« A Marie-Louise Denis
Votre lettre du 13, mon cher cœur, est de la plus grande philosophe du monde. Vous méprisez des avantages que je ne saurais vous conseiller de mépriser. C’est à vous à choisir entre les préjugés du monde et votre sagesse, c’est à vous de décider [ elle avait un projet de mariage avec M. de La Caseique, et V. lui avait répondu « plus je vous aime, plus je vous conjure de me percer le cœur en acceptant la proposition » ]. Pour moi je ne peux que vous aimer, vous admirer et attendre votre décision. Tout ce que je sais, c’est que nous ne délogeons point et que mon seul bonheur serait de loger avec vous.
Que voulez-vous dire avec les petites fantaisies, etc. que vous prétendez qui gouvernent ma vie ? Ne vous ai-je pas ouvert mon cœur, ne savez-vous pas que j’ai cru devoir au public de ne point faire un éclat qu’il tournerait en ridicule ? [ quitter Mme du Châtelet pour Mme Denis ] que j’ai cru devoir marcher toujours sur la même ligne, respecter une liaison de vingt années, et trouver même dans la cour de Lorraine et dans la solitude où je suis à présent un abri contre les persécutions dont je suis continuellement menacé ? Je suis très instruit que si j’avais été à Paris ce mois-ci on m’aurait mis très mal dans l’esprit de Mme de P., et dans celui du roi. On m’a fait d’étranges niches [ Mme de Pompadour protégeait Crébillon et son Catilina dont Voltaire disait le plus grand mal ] . Je vous en dirai de bonnes à mon retour [ allusion à la grossesse de Mme du Châtelet ?]. Il y a encore bien loin d’ici à cet heureux moment. Ce ne sera que pour la fin du mois. Il est nécessaire que j’arrive tard et que je ne donne aucun prétexte à ceux qui voudraient me faire parler [ contre Crébillon]. Je continuerai assurément mon épître puisque le commencement vous plaît . Je rapetasse actuellement Sémiramis dont j’espère que vous serez plus contente que des premières leçons. Vous la lirez et vous me ferez lire la Femme à la mode [ pièce de Mme Denis qui deviendra La coquette punie ]. Il n’y a que mon rêve qui puisse me faire autant de plaisir que vos ouvrages. Mais je voudrais bien venir vite veiller avec vous comme je rêve ! Hélas, en suis-je digne ? Je compte sur vos bontés au moins.
Ma chère enfant, vous devez par ma dernière savoir ce que je pense de l’affaire à proposer à M. de Richelieu. Ce que j’ai appris depuis me fait croire qu’elle réussira. Nous en raisonnerons le 30 janvier. Eh ! bien Catilina va toujours, on en dit bien du mal. Mais le plus grand mal est de courir à une mauvaise pièce. Vi baccio teneramente, e l’anima mia baccia anche la vostra [ je vous baise tendrement, et mon âme baise encore la vôtre ].
Voltaire
A Cirey, le 18 janvier 1749. »
Ici, ce jour il pleut et les patinoires naturelles des chemins du château font de beaux ruisseaux , grande lessive bienvenue pour une fois .
A ce propos, je me permets une critique : pourquoi ces tonnerres de Brest* d’employés de la voirie n’ont –ils pas passé un coup de lame (=chasse-neige, je précise pour les pauvres gens qui ne connaissent pas la neige et le gel , et qui sont les doigts de pieds en éventail sur des plages de sable blond . Ah ! quelles images, quelle audace dans les termes !!!) dans l’allée qui mène au château ? C’était un véritable repoussoir à touristes bien intentionnés . L’hiver n’est pas achevé . Je leur accorde une deuxième chance ( ils ont eu la chance au grattage, échec ! !) .
Blogueuse ( et dans blogueuse il y a … !) curieuse, moi aussi, en toute amitié « Vi baccio teneramente »…
18:30 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, denis, baise, coeur, aimer
17/01/2009
trop forts ces jeux du XIXème !
Dans le domaine, « je cause dans le poste et je ne sais plus où j’en suis », ce matin, lors d’un reportage au musée suisse du jouet, la conservatrice a eu le malheur de se mélanger un peu les pinceaux . Au sujet des jouets à la mode au XIXème siècle, elle a dit que ceux-ci étaient très orientés vers des sujets historiques et qu’ils se calquaient sur les grandes guerres du XIXème et XXème siécles (sic). Nos jeux sur consoles n’ont donc rien inventé ! Le jeu permet d’avoir une longueur d’avance et de décrire les évenements futurs ! Trop forts ces jeux du XIXème !!
Revenons à Volti, presque père de famille, éducateur en tout cas .
« A Charles du Molard-Bert
Mon cher ami, nous ne montrons encore que le français à Cornélie [ Marie-Françoise, arrière petite nièce de Corneille ]. Si vous étiez ici, vous lui apprendriez le grec . Nous ne cessons jusqu’à présent de remercier M. Titon et M. Le Brun de nous avoir procuré le trésor que nous possédons. Le cœur parait excellent, et nous avons tout sujet d’espérer que si nous n’en faisons point une savante, elle deviendra une personne très aimable qui aura toutes les vertus, les grâces et le naturel qui font le charme de la société . Ce qui me plait surtout en elle, c’est son attachement pour son père, sa reconnaissance pour Le Brun , pour M. Titon , et pour toutes les personnes dont elle doit se souvenir . Elle a été un peu malade. Vous pouvez juger si Mme Denis en a pris soin. Elle est très bien servie. On lui a assigné une femme de chambre qui est enchantée d’être auprès d’elle. Elle est aimée de tous les domestiques. Chacun se dispute l’honneur de faire ses petites volontés et assurément ces volontés ne sont pas difficiles. Nous avons cessé nos lectures depuis qu’un rhume violent l’a réduite au régime et à la cessation de tout travail. Elle commence à être mieux. Nous allons reprendre nos leçons d’orthographe. Le premier soin doit être de lui faire parler sa langue avec simplicité et avec noblesse. Nous la faisons écrire tous les jours. Elle m’envoie un petit billet et je la corrige. Elle me rend compte de ses lectures. Il n’est pas encore temps de lui donner des maîtres. Elle n’en a point d’autres que ma nièce et moi. Nous ne lui passons ni les mauvais termes, ni prononciations vicieuses. L’usage amène tout. Nous n’oublions pas les petits ouvrages de la main. Il y a des heures pour la lecture, des heures pour les tapisseries de petit point. Je vous rends un compte exact de tout. Je ne dois point omettre que je la conduis moi-même à la messe de paroisse. Nous devons l’exemple, et nous le donnons. Je crois que M. Titon et M. Le Brun ne dédaigneront point ces petits détails, et qu’ils verront avec un sensible plaisir que leurs soins n’ont pas été infructueux. Je souhaite à M. Titon ce qu’on lui a sans doute tant souhaité : les années du mari de l’Aurore [ Tithon, mari de l’Aurore était doté de l’immortalité ]. Dites, je vous en prie à M. Le Brun que personne ne lui, est plus obligé que moi .On dit que son ode a encore un nouveau mérite auprès du public par les impertinences de ce malheureux Fréron [ Fréron est outré qu’on ait confié Mlle Corneille à Voltaire, et celui-ci porte plainte pour diffamation ] . Il est pourtant honteux qu’on laisse aboyer ce chien. Il semble qu’en bonne police on devrait étouffer ceux qui sont attaqués par la rage. Voici un petit billet de Cornélie en réponse à votre lettre. Elle l’a écrit seule, sans aucun secours et je n’y ai corrigé que peu de fautes. Je vous embrasse de tout mon cœur.
….. « Je vous prie si vous voyez mon père, de lui dire que j’ai du regret d’être heureuse loin de lui… »
Voltaire
A Ferney en Bourgogne par Genève
15 janvier 1761. »
J’en connais qui vont sauter au plafond en voyant Ferney situé en Bourgogne, les Pégans vont vite rappeler à Voltaire que la frontière de la « Bargogne » est sur la Valserine .
16:32 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, corneille, titon, bargogne, pégan
15/01/2009
gratior est pulchro veniens in corpore virtus !
Je dois d’abord présenter mes plates excuses car hier, après avoir râlé contre une énième coupure de réseau, j’ai eu la flemme de réécrire la totalité de ma note et me suis contenté de transcrire la lettre du jour .
Assez de paroles, aux actes citoyens ! Tous aux claviers, chers bloggers !
« A Claude-Adrien Helvétius
Mon cher ami, toutes lettres écrites, tous mémoires brochés, toute réflexion faite, voici à quoi je m’arrête . Je vous prends pour avocat et pour juge.
Thiriot avait oublié que l’abbé Desfontaines l’avait traité de colporteur et de faquin dans son Dictionnaire néologique ; il avait peut être aussi oublié un peu les marques de mon amitié ; il avait surtout oublié que j’avais dix lettres de lui par lesquelles il me mandait autrefois que Desfontaines est un monstre qu’à peine sauvé de Bicêtre par mon secours, il fit un libelle contre moi intitulé Apologie, qu’il le lui, montra, etc. . Thiriot ayant donc oublié tant de choses, et le vin de Champagne de La Popelinière lui ayant servi de fleuve Léthé, il se tenait coi et tranquille, faisait le petit important, le petit ministre avec Mme du Châtelet, s’avisait d’écrire des lettres équivoques, ostensibles qu’on ne lui demandait pas, au lieu de venger son ami, et soi-même, de soutenir la vérité, de publier par écrit que La Voltairomanie est un tissu de calomnies, enfin au lieu de remplir les devoirs les plus sacrés, il buvait, se taisait, et ne m’écrivait point . Mme de Bernières mon ancienne amie, outrée du libelle, m’écrit il y a huit jours un lettre pleine de cette amitié vigoureuse, dont votre cœur est si capable, une lettre où elle avoue hautement tout ce que j’ai fait, tout ce que j’ai payé entre ses mains pour Thiriot même, tous les services que j’ai rendus à Desfontaines ; la lettre est si forte , si terrible que je la lui ai renvoyée ne voulant point la commettre . J’en attends une plus modéré, plus simple, un petit mot qui ne servira qu’à détruire par son témoignage les calomnies du libelle, sans nommer et sans offenser personne .
Que Thiriot en fasse autant, qu’il ait seulement le courage d’écrire dix lignes par lesquelles il avoue que depuis vingt ans qu’il me connait, il ne m’a connu qu’honnête homme et bienfaisant, que tout ce qui est dans le libelle et en particulier ce qui le regarde est faux et calomnieux, qu’il est très loin d’avoir pu désavouer ce que j’ai jamais avancé etc.
Voilà tout ce que je veux. Je vous prie de l’engager à envoyer cet écrit à peu près dans cette forme. Quand même cela ne servirait pas, au moins cela ne pourrait nuire et en vérité dans ces circonstances, Thiriot me doit 10 lignes au moins. S’il veut faire mieux, à lui permis. C’est une chose honteuse que son silence .Vous devriez en parler fortement à M. de La Popelinière qui a du pouvoir sur cette âme molle et qui a quelque intérêt que la mollesse n’aille point jusqu’à l’ingratitude.
De quoi Thiriot s’avise-t-il de négocier, de tergiverser, de parler du Préservatif ? [ Voltaire le renie allègrement, et l’attribue à un nommé La Touche] Il n’est pas question de cela, il est question de savoir si je suis un imposteur ou non, si Thiriot m’a écrit ou non en 1726 que l’abbé Desfontaines avait fait pour récompense de mes bienfaits un libelle contre moi, si M. et Mme de Bernières m’ont logé par charité, si je ne leur ai pas payé ma pension, et celle de Thiriot, etc. Voila les faits ; il faut les avouer ou l’on est indigne de vivre.
Belle âme, je vous embrasse, gratior est pulchro veniens in corpore virtus . [ le mérite est plus agréable quand il se présente dans un beau corps : Enéide de Virgile ]
Je suis à vous pour ma vie.
Voltaire
15 janvier 1739 »
"le mérite est plus agréable quand il se présente dans un beau corps"
D'accord ou pas d'accord ? Soyons francs, que je le sois aussi : Voltaire et Virgile OK
Oui, je sais , vous attendiez sans aucun doute une autre illustration pour le beau corps : un corps de maison , un corps d'armée ( ça ne manque pas ces temps - ci ), un corps d'athlète ( pour vous mesdames, la vue, et ne soyons pas sectaires pour vous messieurs le modèle ), un corps à corps, un corps nu ?
12:53 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, thiriot, mérite, corps, beau