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12/06/2009

Il faut amorcer le lecteur par des choses intéressantes, sans quoi on ne tient rien

Volti offrait son aide, des diamants, de l'argent, des médailles, son temps, des bols de lait  ...

Permettez-moi de vous offrir une simple fleur ...

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Quelques conseils d'un expert dans l'art d'écrire et de captiver .

 

 

 

«  A François-Louis-Claude Marin

 

 

                   J’ai le capitaine Lawrence [Les mémoires du colonel Laurence, 1766, qui sont dans sa bibliothèque ; Lawrence a quitté l’Inde en 1759]. Ce n’est pas là ce qu’il me faut. Personne ne lit les détails des combats et des sièges ; rien n’est plus ennuyeux que la droite et la gauche, les bastions et la contrescarpe. J’ai de meilleurs mémoires que toutes ces minuties des horreurs de la guerre. Il faut amorcer le lecteur par des choses intéressantes, sans quoi on ne tient rien. [V* travaille sur Fragments historiques sur l’Inde où il mettra les mémoires concernant Lally Tollendal].

 

                   J’ai un Holwel [J. Z. Holwell , Interesting Historical Events, relative to the Provinces of Bengal, and the Empire of Indostan, 1766-1777] , un Scrafton [Luke Scrafton, Reflections on the Government of Indostan, 1763]. Il s’agit de faire un ouvrage attachant, une histoire qui ait l’air simple et qui touche le cœur ; point de partialité, mais beaucoup de vérité. On est perdu pour peu que l’ouvrage ait la moindre ressemblance avec un factum d’avocat [factum en faveur de Lally]. Une pareille histoire d’ailleurs doit être courte, quoique pleine ; elle doit avoir, comme une tragédie, exposition, nœud et dénouement, avec épisode agréable.

 

                   Je finirai par vous dire, mon cher correspondant : si vous voulez voir un beau tour, faites-le ; mais si vous ne le faites pas, je le ferai.

 

                   Je trouve le jugement de M. de Morangiés absurde, mais que diable allait-il faire dans cette galère ? Quelque parti qu’on prît, il semble qu’il n’y a que Dieu seul qui pût juger ce procès.

 

                   Voltaire

                   A Ferney, 12 juin 1773. »

28/04/2009

Ce sera une consolation pour moi que mon dernier travail soit pour la défense de la vérité

Je satisfais à la fois mon goût pour le chocolat et celui pour la vie de Volti. Preuve illustrée :

 

lally-tollendal1.jpg

Faute de vous régaler du chocolat, régalez-vous du texte ci-dessous ...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Au chevalier Trophime-Gérard de Lally-Tollendal

[fils naturel de Lally-Tollendal condamné]

 

                            J’avais eu l’honneur, Monsieur, de connaitre particulièrement M. de Lally, et de travailler avec lui sous les yeux de M. le maréchal de Richelieu à une entreprise dans laquelle il déployait tout son zèle pour le Roi et pour la France [V* et Lally-Tollendal de 1744 à 1746 militaient pour Charles-Edouard Stuart et étaient favorables à un débarquement en Angleterre avec richelieu] .Je lus avec attention tous les mémoires qui parurent au temps de sa malheureuse catastrophe [Lally-Tollendal est exécuté le 9 mai 1766]. Son innocence me parut démontrée . On ne pouvait lui reprocher que son humeur aigrie par tous les contretemps qu’on lui fit essuyer. Il fut persécuté par plusieurs membres de la Compagnie des Indes, et sacrifié par le parlement.

 

                            Ces deux compagnies ne subsistent plus. Ainsi le temps parait favorable. Mais il me parait absolument nécessaire de ne faire aucune démarche sans l’aveu, et sans la protection de M. le Chancelier.

 

                            Peut-être ne vous sera-t-il pas difficile, Monsieur, de produire des pièces qui exigeront la révision du procès. Peut-être obtiendrez-vous d’ailleurs la communication de la procédure. Une permission secrète au greffier criminel pourrait suffire. Il me semble que M. de Saint-Priest, conseiller d’État, peut vous aider beaucoup dans cette affaire. Ce fut lui qui ayant examiné les papiers de M. de Lally, et étant convaincu non seulement de son innocence, mais de la réalité de ses services, lui conseilla de se remettre entre les mains de l’ancien parlement. Ainsi la cause de M. de Lally est la sienne, aussi bien que la vôtre. Il doit se joindre à vous dans cette affaire si juste et si délicate.

 

                            Pour moi, je m’offre à être votre secrétaire malgré mon âge de quatre-vingts ans et malgré les suites très douloureuses d’une maladie qui m’a mis au bord du tombeau. Ce sera une consolation pour moi que mon dernier travail soit pour la défense de la vérité.[sans doute la dernière lettre connue actuellement de V* est un billet au chevalier]

 

                            Je ne sais s’il est convenable de faire imprimer le manuscrit que vous m’avez envoyé ; je doute qu’il puisse servir, et je crains qu’il ne puisse nuire. Il ne faut dans une pareille affaire que des démonstrations fondées sur les procédures mêmes. Une réponse à un petit libelle inconnu ne ferait aucune sensation dans Paris. De plus, on serait en droit de vous demander des preuves des discours que vous faites tenir à un président du parlement, à un avocat général, au rapporteur, à des officiers ; et si ces discours n’étaient pas avoués par ceux à qui vous les attribuez, on vous ferai les mêmes reproches que vous faites à l’auteur du libelle . Cette observation me parait très essentielle.

 

                            D’ailleurs, ce libelle m’est absolument inconnu, et aucun de mes amis ne m’en a jamais parlé. Il serait bon, Monsieur, que vous eussiez la bonté de me l’envoyer par M. Marin qui voudrait bien s’en charger.

 

                            Souffrez que ma lettre soit pour Mme la comtesse de Laheuze [cousine du chevalier] comme pour vous. Ma faiblesse et mes souffrances présentes ne me permettent pas d’entrer dans de grands détails. Je lui écris simplement pour l’assurer de l’intérêt que je prends à la mémoire de M. de Lally. Je vous prie l’un et l’autre d’en être persuadés.

 

                            J’ai l’honneur d’être avec tous les sentiments que je vous dois, Monsieur, votre très …

 

 

                            Voltaire

                            A Ferney 28 avril 1773. »