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28/04/2009

Ce sera une consolation pour moi que mon dernier travail soit pour la défense de la vérité

Je satisfais à la fois mon goût pour le chocolat et celui pour la vie de Volti. Preuve illustrée :

 

lally-tollendal1.jpg

Faute de vous régaler du chocolat, régalez-vous du texte ci-dessous ...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Au chevalier Trophime-Gérard de Lally-Tollendal

[fils naturel de Lally-Tollendal condamné]

 

                            J’avais eu l’honneur, Monsieur, de connaitre particulièrement M. de Lally, et de travailler avec lui sous les yeux de M. le maréchal de Richelieu à une entreprise dans laquelle il déployait tout son zèle pour le Roi et pour la France [V* et Lally-Tollendal de 1744 à 1746 militaient pour Charles-Edouard Stuart et étaient favorables à un débarquement en Angleterre avec richelieu] .Je lus avec attention tous les mémoires qui parurent au temps de sa malheureuse catastrophe [Lally-Tollendal est exécuté le 9 mai 1766]. Son innocence me parut démontrée . On ne pouvait lui reprocher que son humeur aigrie par tous les contretemps qu’on lui fit essuyer. Il fut persécuté par plusieurs membres de la Compagnie des Indes, et sacrifié par le parlement.

 

                            Ces deux compagnies ne subsistent plus. Ainsi le temps parait favorable. Mais il me parait absolument nécessaire de ne faire aucune démarche sans l’aveu, et sans la protection de M. le Chancelier.

 

                            Peut-être ne vous sera-t-il pas difficile, Monsieur, de produire des pièces qui exigeront la révision du procès. Peut-être obtiendrez-vous d’ailleurs la communication de la procédure. Une permission secrète au greffier criminel pourrait suffire. Il me semble que M. de Saint-Priest, conseiller d’État, peut vous aider beaucoup dans cette affaire. Ce fut lui qui ayant examiné les papiers de M. de Lally, et étant convaincu non seulement de son innocence, mais de la réalité de ses services, lui conseilla de se remettre entre les mains de l’ancien parlement. Ainsi la cause de M. de Lally est la sienne, aussi bien que la vôtre. Il doit se joindre à vous dans cette affaire si juste et si délicate.

 

                            Pour moi, je m’offre à être votre secrétaire malgré mon âge de quatre-vingts ans et malgré les suites très douloureuses d’une maladie qui m’a mis au bord du tombeau. Ce sera une consolation pour moi que mon dernier travail soit pour la défense de la vérité.[sans doute la dernière lettre connue actuellement de V* est un billet au chevalier]

 

                            Je ne sais s’il est convenable de faire imprimer le manuscrit que vous m’avez envoyé ; je doute qu’il puisse servir, et je crains qu’il ne puisse nuire. Il ne faut dans une pareille affaire que des démonstrations fondées sur les procédures mêmes. Une réponse à un petit libelle inconnu ne ferait aucune sensation dans Paris. De plus, on serait en droit de vous demander des preuves des discours que vous faites tenir à un président du parlement, à un avocat général, au rapporteur, à des officiers ; et si ces discours n’étaient pas avoués par ceux à qui vous les attribuez, on vous ferai les mêmes reproches que vous faites à l’auteur du libelle . Cette observation me parait très essentielle.

 

                            D’ailleurs, ce libelle m’est absolument inconnu, et aucun de mes amis ne m’en a jamais parlé. Il serait bon, Monsieur, que vous eussiez la bonté de me l’envoyer par M. Marin qui voudrait bien s’en charger.

 

                            Souffrez que ma lettre soit pour Mme la comtesse de Laheuze [cousine du chevalier] comme pour vous. Ma faiblesse et mes souffrances présentes ne me permettent pas d’entrer dans de grands détails. Je lui écris simplement pour l’assurer de l’intérêt que je prends à la mémoire de M. de Lally. Je vous prie l’un et l’autre d’en être persuadés.

 

                            J’ai l’honneur d’être avec tous les sentiments que je vous dois, Monsieur, votre très …

 

 

                            Voltaire

                            A Ferney 28 avril 1773. »

11/02/2009

Il faut que la guerre soit par elle-même quelque chose de bien vilain

Pendant un instant, « un instant seulement » comme disait le Grand Jacques, j’ai eu la sensation de lire du Proust (par sa longueur) en parcourant cette phrase sur la guerre avec une vision « philosophique ». A cette différence près, qu’en bon béotien qui persiste et signe, Proust m’a laissé froid (comme une vieille madeleine rassie dans un thé de la veille) et m’est tombé des mains alors que Volti* m’emballe !

« Il faut que la guerre soit par elle-même quelque chose de bien vilain puisque les détails en sont si ennuyeux » : doux euphémisme !! La presse d’aujourd’hui, sans doute en réponse au public, ou forçant le public (selon mon avis !), nous inonde inutilement de ces « détails… si ennuyeux ». Inutilement, oui, cent fois oui, mille fois oui !! L’ONU, « le machin » du Grand Charles, n’est pas en état de s’interposer valablement entre les belligérants, juste capable de compter les morts et les estropiés. Juste capable d’héberger certains représentants « faux-culs » défenseurs de leurs chefs d’états qui les ont nommés ; quelle indépendance d’esprit peut-on en attendre ? bien sûr, aucune ! Quel pas vers la paix ? Aucun ! « tout le monde criant la paix, la paix, et faisant la guerre à outrance » : toujours vrai ! Bla-bla et Cie !

 le machin recherché.jpg

Je passe la parole à un roi du bon sens.

 

 

 

 

 

 

 

« A Frédéric II, roi de Prusse

 

 

                Sire,

 

                Eh bien vous aurez Sémiramis [pièce de théâtre « ordonnée » pour les relevailles de la dauphine qui mourut le 21 août 1746 le jour où la pièce fût achevée]. Elle n’est pas à l’eau rose, c’est ce qui fait que je ne la donne pas à notre peuple de sybarites, mais à un roi qui pense comme on pensait en France du temps du grand Corneille et du Grand Condé, et qui veut qu’une tragédie soit tragique et une comédie comique.

 

                Dieu me préserve, Sire, de faire imprimer l’histoire de la guerre de 1741. Ce sont de ces fruits que le temps seul peut murir ; je n’ai fait assurément ni un panégyrique ni  une satire. Mais plus j’aime la vérité, et moins je dois la prodiguer. J’ai travaillé sur les mémoires et sur les lettres des généraux et des ministres .Ce sont des matériaux pour la postérité. Car sur quels fondements bâtirait-on l’histoire, si les contemporains ne laissaient pas de quoi élever l’édifice ? César écrivit ses Commentaires, et vous écrivez les vôtres [Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps], mais où sont les acteurs qui puissent ainsi rendre compte du grand rôle qu’ils ont joué ? Le maréchal de Broglie était-il homme à faire des Commentaires ? Au reste , Sire, je suis très loin d’entrer dans cet horrible et ennuyeux détail de journaux de siège, de marches, de contremarches, de tranchées relevées, et de tout ce qui fait l’entretien d’un vieux major et d’un lieutenant-colonel retiré dans sa province. Il faut que la guerre soit par elle-même quelque chose de bien vilain puisque les détails en sont si ennuyeux. J’ai tâché de considérer cette folie humaine un peu en philosophe ; j’ai représenté l’Espagne et l’Angleterre dépensant cent millions à se faire la guerre pour quatre-vingt mille livres portées en compte, les nations détruisant réciproquement le commerce pour lequel elles combattent, la guerre au sujet de la pragmatique devenue comme une maladie qui change trois ou quatre fois de caractère [ la Pragmatique Sanction signée en 1713 pour régler la succession d’Autriche ], et qui de fièvre devient paralysie, et de paralysie convulsion, Rome qui donne sa bénédiction et qui ouvre ses portes aux têtes de deux armées ennemies en un même jour [ en novembre 1744, entrée des Napolitains par une porte et sortie des Autrichiens par une autre ; « Quand le bonhomme de saint Père / Donne sa bénédiction / A plus d’une armée étrangère … »], un chaos d’intérêts divers qui se croisent à tout moment, ce qui était vrai au printemps devenu faux en automne, tout le monde criant la paix, la paix, et faisant la guerre à outrance, enfin  tous les fléaux qui fondent sur cette pauvre race humaine ; au milieu de tout cela un prince philosophe qui prend toujours bien son temps pour donner des batailles et des opéras, qui sait faire la guerre, la paix, et des vers et de la musique, qui réforme les abus de la justice, et qui est le plus bel esprit de l’Europe . Voilà à quoi je m’amuse, Sire, quand je ne meurs point, mais je me meurs fort souvent et je souffre beaucoup plus que ceux qui dans cette funeste guerre ont attrapé de grands coups de fusil.

 

                J’ai revu M. le duc de Richelieu qui est au désespoir de n’avoir pu faire sa cour [lors de sa mission à Dresde en décembre 1746] au grand homme de nos jours. Il ne s’en console point. Et moi je ne demande à la nature un ou deux mois de santé que pour voir encore une fois ce grand homme avant d’aller dans le pays où Achille et Thersite, Corneille et Danchet sont égaux ; je serai attaché à Votre Majesté jusqu’à ce beau moment où l’on va savoir à point nommé ce que c’est que l’âme, l’infini, la matière , et l’essence des choses . Et tant que je vivrai, j’admirerai et j’aimerai en vous l’honneur et l’exemple de cette pauvre espèce humaine.

 

                Voltaire

                A Paris, ce 9 février 1747. »