25/08/2009
Vous savez qu’il faut peu croire.
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« A Jean Le Rond d’Alembert
Connaissez-vous, mon cher philosophe, un Siméon La Valette ou Siméon Vallette ou Simon Valet [Siméon Valette, auteur de La Trigonométrie sphérique résolue par le moyen de la règle et du compas, 1757, séjournera ches V* à le fin 1759 . « La Valette » : nom du jésuite banqueroutier ]? lequel fait des lignes courbes et de petits vers. Il se renomme de vous, mais j’ai perdu sa lettre. Je ne sais où le prendre. Où est-il ? et quel homme est-ce ?
Que dites-vous de Maupertuis mort [le 27 juillet] entre deux capucins ? Il était malade depuis longtemps d’une réplétion d’orgueil, mais je ne le croyais ni hypocrite ni imbécile.
Je ne vous conseille pas d’aller jamais remplir sa place à Berlin [président de l’académie des sciences]. Vous vous en repentiriez. Je suis Astolphe qui avertit Roger de ne pas se fier à l’enchanteresse Alcine [= Frédéric ; référence au Roland furieux de l’Arioste], mais Roger ne le crut pas.
Votre livre est charmant [Mélanges de Littérature, d’histoire et de philosophie, 5 vol. 1759], il fait mes délices, au point que je vous pardonne d’avoir vu des prêtres à Genève [allusion aux conversations qu’a eues d’Alembert en août 1756 avec des pasteurs pendant son séjour à Genève, à l’article « Genève » et à la polémique qui s’ensuivit ; V* écrivit le 15 janvier 1758 à Théodore Tronchin : « Tous vos ministres… chez qui d’Alembert dinait tous les jours se sont expliqués hautement avec lui. »].
Je mène tous ces faquins là assez bon train. J’ai un château à la porte duquel il y a quatre jésuites [ceux d’Ornex]. Ils m’ont abandonné frère Berthier [ allusion ( ?) à sa « Relation de la maladie… et de l’apparition du jésuite Berthier » qui va paraitre . Berthier figurera sous le nom du pédant Bertillon dans une scène de Socrate ajoutée en 1761], je leur fais de petits plaisirs et ils me disent la messe quand je veux bien l’entendre. Mes curés reçoivent des ordres, et les prédicants genevois n’osent me regarder en face. Je brave M. Catbrée [pédant cité dans la préface de Socrate] autant que je le méprise, et je plains Diderot d’être à Paris.
Toutes les lettres de Vienne disent le marquis de Brandebourg écrasé [prise de Francfort-sur-l’Oder par les Russes et pertes subies par Frédéric à Kanersdorf le 12 août], quelques lettres de Saxe [effectivement le duc de Deux-Ponts marche sur Dresde en août] le disent vainqueur et je ne crois ni l’un ni l’autre. Vous savez qu’il faut peu croire. Soyez pourtant certain que l’oncle et la nièce vous aiment de tout leur cœur. Point de philosophie sans amitié.
V.
Aux Délices 25è août 1759. »
Votre Simon Valette, ou Valet, ou la Valette, paraît assez bon diable, mais je veux savoir qui est ce diable, où l'avez-vous connu ? qui répond de lui ? Quis, quid, ubi, quibus auxiliis, cur, quomodo, quando ? [Qui ? quoi ? avec quels moyens ? pourquoi ? comment ? quand ?]
Voltaire, à d'Alembert.
05:05 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : voltaire, alembert, valette, denis, vienne, philosophie
01/06/2009
malgré ma faiblesse,...secouer le joug
Actualité du château : ça bouge, ça remue, il se passe toujours quelque chose au domaine de Volti !! Qu'on se le dise (HautetFort, bien sûr ! )....
Comme évidemment, il faut parler des évènements importants de ce monde, je ne peux passer sous silence "l'effondrement de Nadal", vous m'en auriez voulu ! Non ? Ah bon ! Je respire...
C'est vrai que quand on pense à la super prime qui lui passe sous le nez, il a de quoi avoir les boules !
Pour le commun des mortels qui ne gagne pas des millions d'euros (même en toute une vie de travail), il reste le RSA ... qui va concerner à peu près 3 millions de foyers français . Sept millions de personnes qui disposeront de 454,63 Euros (pour une personne seule sans enfant) ou un complément de salaire pour ceux qui n'atteignent pas la barre de salaire de 880 euros mensuels.
Je vous recommande d'utiliser une raquette à grand tamis et à très petites mailles, sinon les pièces de 1 centime passent au travers ! Déjà qu'elles sont rares, n'en perdont point ...
Monsieur Nadal, laissez-moi encore pleurer sur vous et vos semblables sportifs qui ont le grand malheu-eu-eur de perdre un match, ou une course, dont le succès envisagé, outre la renommée apporte une somme ridiculement, insolemment, outrageusement élevée, un pactole !
Sponsors de tout poil, que ne faites vous votre publicité en vendant vos produits à des prix plus raisonnables, plutôt qu'en gavant quelques divas de la raquette ou de la baballe !
Fédérations de sports, arrêtez d'engraisser quelques dirigeants poussifs et que les millions libérés permettent l'accès du plus grand nombre aux sports qui ne sont accessibles actuellement qu'aux mieux lotis .
En parlant de "lotis", n'oublions pas que les beaux jours qui ne le sont pas pour tous, font refleurir les papiers bleus d'huissiers qui vous annoncent votre expulsion. Véritable temps de guerre en temps de paix, exode qui n'a pas de nom !
Madame la Ministre, qu'est devenue votre louable intention de ne déloger quelqu'un, mettre dehors une famille, expulser et briser des vies, que si on offre dans le même temps un nouvel abri digne de ce nom ? Hâtez-vous, il y a urgence !
Tous les jours voient leurs lots de pauvres jetés à la rue par des propriétaires forts de leur "bon droit" ! J'ai terriblement envie de leur faire connaître aussi ma "bonne droite" au foie ou au menton (je n'ai pas d'a priori, je peux fournir les deux, question de goût !)...
Revenons au calme... Marcher, souffler ...
Mais c'est vrai qu'il est bon de s'exprimer : "Il y a longtemps que j’ai envie de combattre ce géant" , dit Volti, et il l'a fait.
« A Jean-Baptiste-Nicolas Formont
Rempli de goût, libre d’affaire,
Formont, vous savez sagement
Suivre en paix le sentier charmant
De Chapelle et de Sablière ;
Car vous m’envoyez galamment
Des vers écrits facilement,
Dont le plaisir seul est le père,
Et quoiqu’ils soient faits doctement,
C’est pour vous un amusement.
Vous rimez pour vous satisfaire,
Tandis que le pauvre Voltaire,
Esclave maudit du parterre,
Fait sa besogne tristement.
Il barbote dans l’élément
Du vieux Danchet et de La Serre.
[censeurs royaux et auteurs]
Il rimaille éternellement,
Corrige, efface assidûment,
Et le tout, Messieurs, pour vous plaire.
Je vous soupçonne de philosopher à Canteleu avec mon cher, aimable et tendre Cideville. Vous savez combien j’ai toujours souhaité d’apporter mes folies dans le séjour de votre sagesse.
Atque utinam ex vobis unus, vestrique fuissem
Aut custos gregis, aut maturae vinitor uvae !
Hic gelidi fonts, hic mollia prata, Lycori,
Hic nemus, hic ipso tecum consumerer aevo.
[Ah si j’avais été l’un de vous, ou gardien de votre troupeau, ou vendangeur de votre raisin mûr ! Ici il y a des sources fraiches, ici il y a de moelleuses prairies, Lycoris, ici il y a un bois, ici avec toi c’est l’âge même qui me consumerait.]
Mais je suis entre Adélaïde du Guesclin, le seigneur Osiris [personnage de son opéra Tanis et Zélide] et Newton. Je viens de relire ces Lettres anglaises moitié frivoles, moitié scientifiques. En vérité, ce qu’il y a de plus passable dans ce petit ouvrage, est ce qui regarde la philosophie ; et c’est, je crois ce qui sera le moins lu. On a beau dire : le siècle est philosophe. On n’a pourtant pas vendu deux cents exemplaires du petit livre de M. de Maupertuis, où il est question de l’attraction,[Discours sur les différentes figures des astres … avec une exposition abrégée des systèmes de M. Descartes et de M. Newton, 1732] et si on montre si peu d’empressement pour un ouvrage écrit de main de maître, qu’arrivera-t-il aux faibles essais d’un écolier comme moi ? Heureusement j’ai tâché d’égayer la sécheresse de ces matières et de les assaisonner au goût de la nation. Me conseilleriez-vous d’y ajouter quelques petites réflexions détachées des Pensées de Pascal ?[25ème Lettre philosophique] Il y a longtemps que j’ai envie de combattre ce géant. Il n’y a guerrier si bien armé qu’on ne puisse percer au défaut de la cuirasse ; et je vous avoue que si malgré ma faiblesse, je pouvais porter quelques coups à ce vainqueur de tant d’esprits, et secouer le joug dont il les a affublés, j’oserais presque dire avec Lucrèce :
Quare supersticio pedibus subjecta vicissim
Obteritur, nos exaequat victoria coelo.
[Par là, la superstition est à son tour renversée et foulée aux pieds, et nous la victoire nous élève jusqu’au ciel.]
Au reste, je m’y prendrai avec précaution, et je ne critiquerai que les endroits qui ne seront point tellement liés avec notre sainte religion qu’on ne puisse déchirer la peau de Pascal sans faire saigner le christianisme. Adieu. Mandez moi ce que vous pensez des lettres imprimées et du projet sur Pascal. En attendant je retourne à Osiris. J’oubliais de vous dire que le paresseux Linant échafaude son Sabinus.[il entreprit Sabinus, « Ramessès » et fera représenter Alzaïde en décembre 1745]
Voltaire
1er juin 1733. »
16:11 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : voltaire, formont, pascal, linant, philosophie