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31/12/2009

lui mettre d’autre sang dans les veines ; celui qu’il a est un composé de vitriol et d’arsenic

 

 arsenic1.jpgSurprise ?

http://www.youtube.com/watch?v=wrEX6nSP1-c

Je ne veux cependant pas la mort du lecteur ! A consommer avec modération ! s'il en est encore temps, méfiez vous de la galette des rois "faite maison" !.... 

 

 

 

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville  vitriol1.jpg

 

31è décembre 1764

 

                            Les gens de bien, et surtout mon cher frère, doivent savoir que Jean-Jacques a fait un gros libelle [Lettres écrites de la montagne, de JJ Rousseau en réponse aux Lettres de la campagne de Tronchin (automne 1763) ] contre la parvulissime république de Genève, dans l’intention de soulever le peuple contre les magistrats [V* en citait ce passage à François Tronchin : « Quand vous prendriez un mauvais parti, prenez-le tous ensemble, par cela seul, il deviendra le meilleur » ; V* commente : « ce qui veut dire : si vous êtes tous d’accord pour poignarder le Conseil, vous aurez raison ».]. Le Conseil de Genève est occupé à examiner le livre, et à voir quel parti il convient de prendre.

 

                            Dans ce libelle, J.-J. fâché qu’on ait brûlé Emile m’accuse d’être l’auteur du Sermon des Cinquante [qui est effectivement de V*].Ce procédé n’est pas assurément d’un philosophe ni d’un honnête homme. Je voudrais  bien savoir ce qu’en pense M. Diderot ; et s’il ne se repent pas un peu des louanges prodiguées à Jean-Jacques dans l’Encyclopédie [dans le Discours préliminaire de l’Encyclopédie]. Vous remarquerez que pendant que J.-J. faisait cette belle manœuvre à Genève, il faisait imprimer le Sermon des cinquante, et d’autres brochures, par son libraire d’Amsterdam Marc-Michel Rey, sous le titre de Collection complète des œuvres de M. de V. [V*, le 24 novembre a écrit une lettre de reniement à M.-M. Rey]. Cela peut être adroit, mais cela n’est pas honnête.

 

                            Mon cher frère avait bien raison de me dire quand Jean-Jacques maltraita si fort les philosophes dans son roman d’Emile, que cet homme était l’opprobre du parti. Je prie mon cher frère de me mander s’il a reçu le paquet du médecin anglais. Ce médecin aurait dû faire l’opération de transfusion à J.-J. et lui mettre d’autre sang dans les veines ; celui qu’il a est un composé de vitriol et d’arsenic. Je le crois un des plus malheureux hommes qui soit au monde, parce qu’il est un des plus méchants.

 

                            Omer travaille à un réquisitoire [prononcé le 9 mars 1765] pour le Dictionnaire philosophique. On continue toujours à m’attribuer cet ouvrage auquel je n’ai point de part. Je crois que mon neveu qui est conseiller au parlement, l’empêchera de ma désigner [« Mme Denis ma nièce a écrit à d’Hornoy mon neveu … et lui a insinué d’elle-même qu’il devait aller, si cela était nécessaire, parler à Omer au palais, et lui dire que s’il fait une sottise il ne doit pas au moins me nommer dans sa sottise ; qu’il offenserait … une famille nombreuse qui sert le roi dans la robe et dans l’épée ; qu’il est sûr que le Portatif n’est point de moi, et que cet ouvrage est d’une société de gens de lettres… »].

 

                            Voilà, mon cher frère, toutes les nouvelles que je sais. La philosophie est comme l’ancienne Eglise, il faut qu’elle sache souffrir pour s’affermir et pour s’étendre.

 

                            Je crois  qu’on commence aujourd’hui l’édition de la Destruction, [ouvrage de d’Alembert Sur la destruction des Jésuites en France…] c’est un livre qui ne sera point brûlé, mais qui fera autant de bien que s’il l’avait été.

 

                            J’embrasse tendrement mon cher frère, et je me recommande à ses prières dans les tribulations où les méchants m’ont mis. Les orages sont venus des quatre coins du monde, et ont fondu sur ma petite barque que j’ai bien de la peine à sauver.

 

                            Voltaire. »