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24/05/2009

Que peut la calomnie contre l’innocence ? La faire brûler quelquefois

J'ai choisi un titre (extrait de la lettre suivante) qui ne sera pas sans évoquer une actualité parfois révoltante . Il n'y a malheureusement que l'embarras du choix pour trouver des motifs légitimes  d' "élever la voix".

Je persiste et signe : "Volti je t'approuve".

Je termine à peine d'écrire ces mots que je me rends compte que je suis bien niais et en train ce prendre la grosse tête : approuver Volti, comme on pouvait trouver des arguments contre les siens dans le domaine de la recherche de la justice... Je me sens un peu ridicule. Passons...

Dimanche...

 Bonne et belle journée, animée par des visiteurs agréables.

Cette modeste page, commencée ce matin, n' a pu être achevée que maintenant que le château a rerouvé le calme et moi un peu ma voix.

Pour la première fois de la saison, j'ai apprécié la fraicheur des salles, je ne suis pas encore entrainé (et ma gentille collègue non plus) aux chaleurs estivales.

 

 

 

 

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« A Jean Le Rond d’Alembert

 

 

 

                            Il y a longtemps que le vieux solitaire n’a écrit à son grand et très cher philosophe. On lui a mandé que vous vous chargiez d’embellir une nouvelle édition de l’Encyclopédie [chez Panckoucke] : voilà un travail de trois ou quatre ans. Carpent ea poma nepotes [ce sont les petits enfants qui cueilleront les fruits].

                           

                            Il est bon, mon aimable sage, que vous sachiez qu’un M. de la Bastide, l’un des enfants perdus de la philosophie, a fait à Genève le petit livre ci-joint [les Réflexions philosophiques sur la marche de nos idées], dans lequel il y a une lettre à vous adressée [Lettre d’un avocat genevois à M. d’Alembert , de Paul-Henri Mallet], lettre qui n’est pas peut-être un chef-d’œuvre d’éloquence, mais qui est un monument de liberté. On débite hardiment ce livre dans Genève, et les prêtres de Baal n’osent parler. Il n’en est pas ainsi des prêtres savoyards. Le petit fils  de mon maçon, devenu évêque d’Annecy [Jean-Pierre Biord], n’a pas, comme vous savez, le mortier liant : c’est un drôle qui joint aux fureurs du fanatisme une friponnerie consommée, avec l’imbécillité d’un théologien né pour faire des cheminées ou pour les ramoner. Il a été porte-Dieu à Paris, décrété de prise de corps , ensuite vicaire, puis évêque. Ce scélérat a mis dans sa tête de faire de moi un martyr. Vous savez qu’il écrivit contre moi au roi, l’année passée [à propos du sermon fait par V* dans l’église de Ferney à Pâques 1768] ; mais ce que vous ne savez pas, c’est qu’il écrivit au Pantalon-Rezzonico [Pape Clément XIII ],Clement_XIII.jpg

 et qu’il employa en même temps la plume d’un ex-jésuite nommé Nonnotte [Nonnotte l’avait accusé auprès du pape d’avoir menti  en soutenant que Charlemagne n’avait jamais donné Ravenne à la Papauté ]. Il y eu un bref du pape dans lequel je suis très clairement désigné [V* y est désigné et déclaré porteur de plus d’une maladie incurable et menacé de mort subite], de sorte que je fus à la fois exposé à une lettre de cachet et à une excommunication majeure ; mais que peut la calomnie contre l’innocence ? La faire brûler quelquefois, me direz-vous ; oui, il y en a des exemples dans notre sainte et raisonnable religion ; mais n’ayant pas la vocation de martyre, j’ai pris le parti de m’en tenir au rôle de confesseur, après avoir été singulièrement confessé.

 

                            Or, voyez, je vous en prie, ce que c’est que les fraudes pieuses. Je reçois dans mon lit le saint viatique que m’apporte mon curé devant tous les coqs de ma paroisse ; je déclare, ayant Dieu dans ma bouche, que l’évêque d’Annecy est un calomniateur, et j’en passe acte par devant notaire : voilà mon maçon d’Annecy furieux, désespéré comme un damné, menaçant mon bon curé, mon pieux confesseur et mon notaire. Que font-ils ? Ils s’assemblent secrètement au bout de quinze jours, et ils dressent un acte dans lequel ils assurent par serment qu’ils m’ont entendu faire une profession de foi, non pas celle du vicaire savoyard, mais celle de tous les curés de Savoie (elle est en effet du style d’un ramoneur). Ils envoient cet acte au maçon sans m’en rien dire, et viennent ensuite me conjurer de ne les  point désavouer. Ils conviennent qu’ils ont fait un faux serment pour tirer leur épingle du jeu. Je leur remontre qu’ils se damnent, je leur donne pour boire, et ils sont contents.

 

 

                            Cependant ce polisson d’évêque, à qui je n’ai pas donné pour boire, jure toujours comme un diable qu’il me fera brûler dans ce monde –ci et dans l’autre. Je mets tout cela aux pieds de mon crucifix ; et pour n’être point brûlé, je fais provision d’eau bénite. Il prétend m’accuser juridiquement d’avoir écrit deux livres brûlables, l’un qui est publiquement reconnu en Angleterre pour être de milord Bolingbroke [l’Examen important de milord Bolingbroke, publié par V* en 1767]; l’autre la Théologie portative [du baron d’Holbach] que vous connaissez, ouvrage à mon gré très plaisant, auquel je n’ai assurément nulle part , ouvrage que je serais très fâché d’avoir fait, et que je voudrais bien avoir été capable de faire .

 

                            Quoique cet énergumène soit Savoyard et moi Français, cependant il peut me nuire beaucoup, et je ne puis  que le rendre odieux et ridicule : ce n’est pas jouer à un jeu égal. Toutefois je ne perdrai pas la partie ; car heureusement nous sommes au XVIIIème siècle et le maroufle croit encore être au XIVème. Vous avez encore à Paris des gens de ce temps là ; c’est sur quoi nous gémissons. Il est dur d’être borné aux gémissements ; mais il faut au moins qu’ils se fassent entendre, et que les bœufs-tigres [comme Pasquier qui obtient des condamnations au parlement] frémissent. On ne peut élever trop haut sa voix en faveur de l’innocence opprimée.

 

                            On dit que nous aurons bientôt des choses très curieuses qui pourront faire beaucoup de bien, et auxquelles il faudra que les gens de lettres s’intéressent ; j’entends les gens de lettres qui méritent ce nom. Vous qui êtes à leur tête, mon cher ami, priez Dieu que le diable soit écrasé, et mettez, autant que la prudence le permet, votre main à ce très puissant saint œuvre.

 

                            Je vous embrasse bien tendrement et ne me console point de finir ma vie sans vous revoir.

 

 

                            Voltaire

                            24 de mai 1769. »

 

 

PS.-

Un petit salut très personnel à celle qui a eu la faiblesse gentillesse de prendre l'adresse de mon blog ! J'espère qu'il ne vous lassera point .... (à la ligne !).

Sinon dites-le moi . J'ose penser que tout n'est pas perdu et que je peux encore m'améliorer.

Commentaires

Ni faiblesse ni gentillesse,mais simplement un vif intérêt après vous avoir entendu parler avec autant de passion et de savoir du fameux "Volti" !
Je n'ai pas encore eu le temps d'explorer l'étendue de votre blog,mais ce que j'ai découvert renforce mon attrait pour le philosophe. Je vais désormais suivre vos écrits avec grande attention !
Bonne continuation.

Écrit par : La visiteuse de l'Isère | 25/05/2009

Tiens ! Vous aussi, comme notre ami Volti [ou Vovo - oui, moi je l'appelle ainsi...] avez plusieurs pseudonymes ? Mais j'aime bien : j'ai des origines grenobloises... ainsi donc, la "visiteuse de l'isère" me sied bien. :)

Merci de vos compliments mais je ne les mérite point. Je ne fais que mettre en avant notre cher ami.
Mon blog se veut neutre : Voltaire, on l'aime ou pas. Moi, inutile, je pense, de vous dire que je suis une inconditionnelle. :)

Je suis en pleine "frappe" donc il va falloir attendre quelques jours. En tout cas, merci pour vos encouragements.

Quant à moi, j'ai passé un grand moment sur votre blog, aujourd'hui, et je l'apprécie beaucoup. Vraiment.
Quel bonheur !!!

J'attends, avec impatience, la suite.

D'ailleurs, si vous voulez vous servir des lettres que je tape, il n'y a aucun problème ; dites-le moi.

A bientôt, j'espère.

LV.

Écrit par : lovevoltaire | 25/05/2009

Hum, hum ! Je souhaiterais revenir sur mon message ci-dessus et vous présenter mes excuses ainsi qu'à "la visiteuse de l'Isère"...

Par son message commençant par vos paroles, je me suis attribuée les compliments qu'elle vous destinait, ô combien mérités, d'ailleurs !

Oups, pardon ! Je n'étais pourtant sous aucune influence interdite ... J'ai cru tout simplement que j'étais sur mon blog et j'ai répondu avec la fougue qui me caractérise...

J'ai un peu honte mais, néanmoins, cela m'a fait rire.

Me pardonnez-vous ? Effacez-le, si vous voulez.

L.V

P.S : Pour me racheter, je vais jouer du piano... debout ! :)

Écrit par : lovevoltaire | 05/06/2009

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