06/05/2009
Vous meublez très bien nos Délices, Monsieur
Allez, à la va-vite, avant de partir en visite, juste pour la route, un SMS type de Volti...
« A Jean-Robert Tronchin, banquier, Port Saint-Clair à Lyon
Vous meublez très bien nos Délices, Monsieur, je n’avais point l’idée du mérite de la moquette avant d’avoir reçu celle que vous nous envoyez : cela est beau comme du velours à ramage ; nous en sommes si enchantés que nous lui donnons la préférence sur le velours d’Utrecht. Ainsi, Monsieur, si les vingt-deux aunes de ce velours de Lille surnommé d’Utrecht ne sont pas parties nous vous prions de nous vouloir bien envoyer la même quantité de moquette à grandes fleurs cramoisies qui puisse convenir à une tapisserie de damas cramoisi : cela fera un meuble bien agréable, très bon pour la campagne, et du double moins cher que l’Utrecht. Mais si ledit velours est parti, il sera très bien reçu et nous renoncerons à notre belle moquette.
Nous ne cessons ici de vous bénir : vous nous meublez, vous nous peignez, vous nous abreuvez, vous nous sucrez, et nous espérons encore que vous nous huilerez, et que dans l’occasion quand vous trouverez un bon petit baril d’huile bien verte et bien sentant l’olive, vous nous en ferez part pour manger les truites et les perches de ce beau lac.
Je suis si honteux, Monsieur, des peines que je vous donne que je n’oserai plus vous présenter de requêtes. Mme Denis est plus hardie que moi : elle prétend que M. Mallet était l’homme de Genève qui avait le plus de chaises et le moins de fauteuils ; et malgré la quantité de fauteuils qu’elle fait venir de Paris, elle vous supplie de vouloir bien lui dépêcher douze petits fauteuils de canne dont quatre bergères, et douze fauteuils de paille dont quatre autres bergères ; somme totale huit bergères et seize fauteuils . On dit qu’on les fait à Lyon très élégamment. Nous nous apercevons tous les jours qu’il faut les faire venir de chez vous.
Il ne faut pas manquer de vous remercier de la semence de soie : je l’ai fait placer dans des vases. Vous nous filez des jours d’or et de soie ; le docteur Tronchin me les file de casse et de manne : j’ai de tout hors la santé. Mme Denis me console et vous aussi, Monsieur, dont les bontés me sont bien chères.
Votre très humble et très obéissant serviteur.
Voltaire
Aux Délices près de Genève 6 mai 1755. »
A tout', bloggers ....
13:55 | Lien permanent | Commentaires (1)
05/05/2009
quatre jours à vivre : est-ce auprès des rois qu’il faut les passer ?
Ce soir, sauf erreur de ma part, un grand petit - petit grand lancera (jusqu'où ?) la conquête des places dorées au parlement européen . Fera-t-il miroiter sous nos yeux le très vif intérêt que nous aurons à nous engager (-engagez-vous, rengagez-vous-) sous la houlette (qui est plus proche de la férule, ou même parfois de la schlague !) d'un parti qui lui est cher ?
Je dois avouer que je ne voterai pas, le coup de pied au cul (pas occulte, ni au culte !) qu'il soit de droite ou de gauche est toujours aussi vexant et je n'ai pas de préférence, sinon l'abstention...
Autre sujet terriblement sérieux : peut-on autoriser "l'Ignoble Dieudonné", l'anti-sioniste de service (ce que l'on traduit hativement par antisémite ; amis, prenez vite votre dico pour établir la différence !), à présenter un parti sous sa bannière ? Je vais faire comme Volti, une prière "mon Dieu, rendez mes ennemis bien ridicules", et souhaitons comme lui encore "et j'ai été exaucé". Dieudonné, je te mets dans le même sac que tes adversaires, vous êtes pétris d'intolérance ! Passez votre chemin, je vais du mien , je ne vous écoute pas . Brouhaha, bouillie pour les chats (les pauvres, ils n'ont rien fait pour mériter chat ça!).
Qu'ils apprennent cette leçon :"Je vous dis qu'il faut regarder tous les hommes comme nos frères . -Quoi ! Mon frère le Turc ? mon frère le Chinois ? le Juif ? le Siamois ? - Oui, sans doute ; ne sommes nous pas tous enfants du même père, et créatures du même Dieu ? "
Je vous l'accorde , nous ne croyons pas tous au grand et céleste barbu (poilu, vêtu de peaux de bêtes... ça y-est, je dérape et vous cite une chanson de Ricet-Barrier http://fr.lyrics-copy.com/ricet-barrier/la-java-des-gaulo... ).
Nous n'avons pas tous le même père me dites-vous ?
D'abord qui est sur de connaitre le père, comme disait l'innocente Marie ?
Stop, vil blogger impie, tu vas choquer des pupilles naïves ! J'arrête, je sens que je m'enfonce sans espoir de pardon (péché suprême) ! Eh bien tant pis ... Dieu y pourvoira !...
En cadeau, la trombine d'un septuagénaire de talent au grand coeur .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental
Mon cher ange, le roi de Prusse, tout roi et tout grand homme qu’il est, ne diminue point le regret que j’ai de vous avoir perdu. Chaque jour augmente ces regrets. Ils sont bien justes, j’ai quitté la plus belle âme du monde et le chef de mon conseil, mon ami, ma consolation. On a quatre jours à vivre ; est-ce auprès des rois qu’il faut les passer ? J’ai fait un crime envers l’amitié. Jamais on n’a été plus coupable. Mais, mon cher ange, encore une fois daignez entrer dans les raisons de votre esclave fugitif. Était-il bien doux d’être écrasé par ceux qui se disent rivaux, d’être sans considération auprès de ceux qui se disent puissants, et d’avoir toujours des dévots à craindre ? ai-je fort à me louer de vos confrères du parlement ? ai-je de grandes obligations aux ministres ? et qu’est-ce qu’un public bizarre, qui approuve et qui condamne tout de travers ? et qu’est-ce qu’une cour qui préfère Bellecour à Lekain, Coypel à Van Loo, Royer à Rameau ? n’est-il pas permis de quitter tout cela pour un roi aimable qui se bat comme César, qui pense comme Julien, et qui me donne vingt mille livres de rente et des honneurs pour souper avec lui ? [V* s’est réconcilié avec Frederic le 5 ou 6 mars ; le 24 avril il écrit : « Je soupe avec le premier des hommes quand j’ai un peu de santé, je reste chez moi quand je souffre »] .A Paris je dépendrais d’un lieutenant de police ; à Versailles je serais dans l’antichambre de M. Mesnard. Malgré tout cela, mon cœur me ramènera toujours vers vous, mais il faut que vous ayez la bonté de me préparer les voies. J’avoue que si je suis pour vous une maîtresse tendre et sensible, je suis une coquette pour le public, et je voudrais être un peu désiré. Je ne vous parlerai point d’une certaine tragédie d’Oreste plus faite pour les Grecs que pour les Français ; mais il me semble qu’on pourrait reprendre cette Sémiramis que vous aimiez, et dont l’abbé de Chauvelin était si content. Puisque j’ai tant fait que de courir la carrière épineuse du théâtre, n’est-il pas pardonnable que de chercher à y faire reparaître ce que vous avez approuvé ? Les spectacles contribuent plus que toute autre chose, et surtout plus que du mérite à ramener le public, du moins la sorte de public qui crie. J’espère que Le Siècle de Louis XIV ramènera les gens sérieux, et n’éloignera pas de moi ceux qui aiment les arts et leur patrie. Je suis si occupé de ce Siècle que j’ai renoncé aux vers, et à tout commerce excepté vous et Mme Denis. Quand je dis que j’ai renoncé aux vers, ce n’est qu’après avoir refait une oreille à Zulime et à Adélaïde ? Savez-vous bien que mon Siècle est presque fait, et que lorsque j’en aurai fait transcrire deux bonnes copies, je revolerai vers vous ? C’est, ne vous déplaise, un ouvrage immense. Je le reverrai avec des yeux sévères, je m’étudierai surtout à ne rendre jamais la vérité odieuse et dangereuse. Après mon Siècle il me faut mon ange. Il me reverra plus digne de lui. Mes tendres respects à la Porte-Maillot. Voyez-vous quelquefois M. de Mairan, voulez-vous bien le faire souvenir de moi ? Son ennemi est un homme un peu dur [Maupertuis], médiocrement sociable, et assez baissé. Mais point de vérité odieuse.
Valete o cari.
Voltaire
4 mai 1751. »
Une dédicace particulière, que certains sauront attibuer : http://www.musicspot.fr/artiste/ricet-barrier-10110796/vi...
17:48 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, argental, denis, frederic, maupertuis, zulime
fort reconnaissant de la permission que j’ai de passer en Angleterre,

Oh ! joie !!
Oh, merveille de la bonté incommensurable de la république française !
Un ministre, plein de louables intentions ( ?), envisage la construction et mise à disposition de douches pour les exilés, expatriés, déracinés qui croupissent dans la zone de Calais. Où est-il aller chercher un tel projet ? Quelle audace, braver la loi qui interdit l’aide à ces tramps ! Quel engagement, me direz-vous !
Attendez la suite …
Le local des douches est actuellement prévu à 10 kilomètres de Calais !
N’oublie pas ton savon, camarade, sinon tu es bon pour 20 bornes de plus !
Nous sommes en train de créer une équipe de marcheurs qui pourraient défendre les couleurs de la France, qui sait ?
Pauvre France! comme disait ma défunte belle-maman !
Ce sujet tombe à merveille pour moi, qui commémore ce jour, proche du départ de Volti, émigré « volontaire » en Angleterre, en 1726 (à 32 ans).
« A René Hérault
J’arrive à Calais, Monsieur, fort reconnaissant de la permission que j’ai de passer en Angleterre, [suite à la bastonnade reçue sur les ordres du chevalier de Rohan, un duel refusé par celui-ci, un passage à la Bastille le 17 avril, « la permission d’aller incessamment en Angleterre » demandée à Maurepas] très respectueusement affligé d’être exilé à cinquante lieues de la cour. D’ailleurs pénétré de vos bontés et comptant toujours sur votre équité.
Je suis obligé, Monsieur, de vous dire que je n’irai à Londres que lorsque j’aurai rétabli ma santé assez altérée par les justes chagrins que j’ai eus. Quand même je serais en état de partir, je me donnerais bien garde de le faire en présence d’un exempt, [Hérault avait écrit au gouverneur de la Bastille de « faire sortir le sieur Voltaire » en précisant que « l’intention du roi et de S.A. Mgr le duc est qu’il soit conduis en Angleterre. Ainsi le sieur Condé l’accompagnera jusqu’à Calais et le verra embarquer et partir de ce port »] afin de ne pas donner lieu à mes ennemis de publier que je suis banni du royaume. J’ai la permission et non pas l’ordre, d’en sortir. Et j’ose vous dire qu’il ne serait point de l’équité du roi de bannir un homme de sa patrie, pour avoir été assassiné [la bastonnade de V* avait eu lieu au cours d’un guet-apens à la porte de l’hôtel de Sully ; les amis titrés de V* n’avaient pas osé le défendre ouvertement, la famille de Rohan étant très puissante, même s’il le défendaient en privé] . Si vous le voulez, Monsieur, je vous notifierai mon départ lorsque je pourrai aller en Angleterre. D’ailleurs les ordres du roi qui me sont toujours respectables me deviendront chers quand ils passeront par vos mains. Je vous supplie d’être persuadé du respectueux attachement, avec lequel je suis, indépendamment de tout cela, votre très humble et très obéissant serviteur.
Voltaire
Ce 5ème mai 1726 à Calais à neuf heures du matin chez monsieur Dunoquet, trésorier des troupes. »
Références René Hérault :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_H%C3%A9rault

16:16 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, calais, hérault, banni, exilé, rohan