05/09/2025
Les équivoques ont de tout temps fait bien du mal
... Nous sommes continuellement affrontés à ce mal, depuis les simples quidams jusqu'aux chefs de nations . Les uns tuent à coups de couteau les autres avec des missiles, juste question de moyens . S'entendre et se comprendre semble être un effort disproportionné à beaucoup trop d'humains, nos amies les bêtes, elles, heureusement ne vivent pas dans l'équivoque . Le don de la parole est un cadeau empoisonné .
Que n'est-on comme Voltaire :"Je souhaite que l'univers soit libre et que personne n'abuse de sa liberté.", qui dit mieux ?
« A Jacob Tronchin
[vers le 25 mars 1770] 1
Monsieur,
Les équivoques ont de tout temps fait bien du mal et Boileau aurait dû faire une meilleure satire contre l'équivoque 2.
L’article il qui est dans la lettre de ce Gaubiac 3 me regarde, et non pas vous . Il me promet d'écrire en ma faveur . M. Tronchin entra, et il m'assura qu'en ne venant à Genève avec permission, que pour retirer mes effets et solder mes comptes je serais aussi libre que M. le premier syndic .
Cet il c'est moi . J'ai présumé qu'un homme qui veut passer deux heures à Genève comme étranger doit y être libre comme un syndic, je le crois encore . C'est moi qui ai prononcé ces paroles pacifiques 4 . Je souhaite que l'univers soit libre et que personne n'abuse de sa liberté . J'ai donné asile à Gaubiac parce qu'il me l'a demandé . Je donnerais asile au grand Turc s'il se réfugiait chez moi . Je suis dans mon lit, j’ignore qui est premier syndic . Je suis son très humble serviteur, celui du Conseil, celui de tous les citoyens, celui de tous les Bourgeois . Je leur souhaite à tous, tranquillité, prospérité, honneurs et biens dans cette vie, et la gloire éternelle dans l'autre . Mais je suis particulièrement monsieur avec l'attachement le plus respectueux
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire,
gentilhomme ordinaire de
la chambre du roi.
À l'égard de la petite affaire dont vous m'avez chargé, je ne pourrai avoir si tôt réponse. »
1 Manuscrit olographe ; éd. Droz ; Delattre, date le lettre et identifie le destinataire .
2 Satires , XII : https://fr.wikisource.org/wiki/Boileau_-_%C5%92uvres_po%C3%A9tiques/Satires/Satire_XII
3 Pierre-Paul Gaubiac ; voir lettre du 16 mars 1770 à Choiseul : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/08/28/procurer-a-eux-et-a-leurs-camarades-toutes-les-facilites-con-6560521.html
Voir aussi : Genève, ARC, CCLXXI, 240-241, 332-333 .
4 Tout ceci est éclairé par une dépêche de Hennin à Choiseul du 30 mars : « D'abord on s'acharne parmi les Représentants à soutenir que les Natifs étaient mis en jeu par les magistrats qui ont demandé leur retraite . M. Jacob Tronchin, l'un de ces magistrats, homme d''esprit, frère de l'ancien procureur général, ayant eu le chagrin de voir que quelques uns de ses anciens confrères paraissaient lui imputer des manœuvres auxquelles il n'a jamais pensé, a été convaincu qu'on se permettait tout pour le noircir en particulier dans l'esprit du peuple . On l'accusait d'avoir dit chez M. de Voltaire à un Natif que dans deux ans il serait aussi libre dans Genève que le premier syndic, et on citait pour preuve une lettre de ce Natif à sa femme . De Luc même avait débité cette anecdote avec un air de mystère . M. Tronchin a été à la source, il a trouvé la lettre, elle dit positivement le contraire . C'est M. de Voltaire qui , au moment où M. Tronchin entrait, dit à ce Natif qui lui demandait si étant devenu sujet du Roi il pourrait aller à Genève : Vous y serez aussi en sûreté que le premier syndic. »
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