29/10/2013
on dit que l'artillerie prussienne porte jusqu'à Paris, où elle estropie la main droite de nos payeurs des rentes
... Voila une bien belle excuse pour la réduction des rentes de retraites !
J'en ai entendu de meilleures, mais jamais dites avec autant de mauvaise foi que celles qu'on nous sert de nos jours . Nous ferait-on croire qu'on entend encore le tonnerre de la Grosse Bertha ? Ou de la terrible Angela ?
Artillerie prussienne avec munition de gros calibre ! Achtung !!
« A Nicolas-Claude THIERIOT
Aux Délices, 17 septembre [1758]
Il faut reprendre où nous en étions, mon ancien ami. J'ai été un peu de temps par monts et par vaux me voilà rendu à ma famille et à mes amis, dans mes chères Délices. Que faites-vous? où êtes-vous? avez-vous reçu un manuscrit concernant la Russie, que M. l'abbé Menet doit vous avoir remis ? Il y a un domestique de Mme de Fontaine qui repartira bientôt pour notre lac je vous serai très-obligé d'envoyer le manuscrit chez elle. Je suppose que vous êtes toujours chez Mme de Montmorency, et que votre vie est douce et tranquille, j'en connais qui ne le sont pas. Je n'ai pas été précisément aux champs de Mars mais j'étais assez près de ces vilains champs, quand les Hanovriens battaient une aile de notre armée, prenaient Dusseldorf, et repassaient le Rhin à leur aise. Mes chers Russes sont venus depuis d'Arkhangel et d'Astrakan pour se faire égorger à Custrin. Nous sommes malheureux sur terre et sur mer, et on dit que l'artillerie prussienne porte jusqu'à Paris, où elle estropie la main droite de nos payeurs des rentes. Je suis honteux d'être chez moi, en paix et aise 1, et d'avoir quelquefois vingt personnes à dîner, quand les trois quarts de l'Europe souffrent.
J'avais lu dans un journal que M. Helvétius a fait un livre sur l'Esprit, comme un seigneur qui chasse sur ses terres un livre très-bon, plein de littérature et de philosophie, approuvé par un premier commis 2 des affaires étrangères et j'apprends aujourd'hui qu'on a condamné ce livre, et qu'il le désavoue comme un ouvrage dicté par le diable. Je voudrais bien lire ce livre, pour le condamner aussi 3. Tâchez de me le procurer. Vous voyez, sans doute, quelquefois cet infernal Helvétius demandez-lui son livre pour moi, Mais vous êtes un paresseux, un perdi giorno 4; vous n'en ferez rien. Je vous connais, allons, courage remuez-vous un peu. Je suis aussi paresseux que vous, et je viens de faire trois cents lieues. On dit que cela est fort sain cependant je ne m'en porte pas mieux. Une de vos lettres me fera probablement beaucoup de bien. Je suis toujours tout ébaubi d'être venu à mon âge avec une santé si maudite. Vous qui êtes, à peu de chose près, mon contemporain, et qui êtes gras comme un moine, n'oubliez pas le plus maigre des Suisses, qui vous aime de tout son cœur.
V.
P. S. Qu'est-ce qu'un livre de Jean-Jacques contre la comédie 5? Jean-Jacques est-il devenu Père de l'Église? »
1 Cette expression familière est bien connue (on la trouve par exemple dans les comédies de Marivaux) et ne doit pas être corrigée comme le pense Besterman.
2 Jean-Pierre Tercier, le privilège accordé le 12 mai pour l'impression de ce livre avait été révoqué le 10 août. Jean-Pierre Tercier (né en 1704, mort en 1767) qui avait donné son approbation comme censeur, non-seulement fut obligé de donner sa démission, mais il fut privé de sa place de premier commis au ministère des affaires étrangères. (Beuchot.) . Voir aussi la lettre du 3 septembre à Mme du Boccage : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/10/15/on-n-entend-point-a-cent-lieues-le-petit-bruit-des-louanges.html
3 V* en critiquera plusieurs passages, voir page 23 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113355/f26.image ;et page 321 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411336j/f324.image
mais prendra la défense d'Helvétius . : page 375 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113355/f378.image
et page 474 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113410/f477.image
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