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24/11/2013

on ne peut servir deux maîtres , j'en veux avoir quatre pour n'en avoir point du tout et pour jouir pleinement du plus bel apanage de la nature humaine qu'on nomme liberté

... Peut-être est-ce pour ça que les musulmans autorisent quatre femmes pour un mari , quatre maitresses se neutralisant seraient sensées donner la liberté que une, deux ou trois n'octroieraient jamais ? Une autre solution plus simple, pour le mâle s'entend, serait de n'avoir aucune épouse .

Pour la liberté féminine, de toute éternité on les a contraintes, et de toute éternité elles ont réussi à briser leurs chaines ; que les hommes ne crient pas victoire, celle-ci n'est qu'illusion et ils paieront , à juste titre, le prix de leur injustice .

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« A Charles de BROSSES , baron de Montfalcon 1

Aux Délices, 21 octobre [1758].

Eh bien ! monsieur, vous donnerez donc la préférence à M. de Fautrière, quid tum si fuscus Amintas? 2 Si je n'ai pas Tournay, je serai au moins votre voisin, car il faut bien que je vous sois quelque chose. Mais si vous concluez avec M. de Fautrière, je ne vous serai plus rien. Vous ne viendrez plus dans votre grand bailliage de Gex vous ne me montrerez point votre Salluste. Je serai privé du bonheur de vous entendre. Ce sera donc M. de Fautrière qui sera mon voisin. Je suis bien trompé, ou il possède moins bien que vous ses auteurs latins, italiens et anglais et, quelque mérite qu'il puisse avoir, je vous jure que vous serez très-regretté. Je persiste toujours dans le dessein d'avoir des possessions en France, en Suisse, à Genève, et même en Savoie. On dit, je ne sais où, qu'on ne peut servir deux maîtres 3 j'en veux avoir quatre pour n'en avoir point du tout et pour jouir pleinement du plus bel apanage de la nature humaine qu'on nomme liberté. J'ai toujours un très-grand regret à Tournay. Tout ce que je désire, si vous ne me le donnez pas, c'est que vous l'aimiez et que vous ne le donniez point à d'autres.

Je voudrais que vous pussiez vous plaire à l'embellir, que vous y bâtissiez, que vous y vinssiez tous les ans; mais vous n'en ferez rien. Nous avons ici le président de Ruffey 4, et madame sa femme 5. Nous avons un jeune M. de Bussy 6, qui vient de nous donner une comédie de sa façon sur notre théâtre, auprès de Genève. Vous voyez que nous devons nos plaisirs aux Dijonnais. C'est d'ailleurs une belle révolution dans les mœurs que des comédies, des danses et de la musique, et surtout de la philosophie, dans le pays où ce brigand de Calvin fit brûler ce fou de Servet au sujet de l'homoousios.

Revenons à Tournay; si vous ne vous accommodez pas avec M. de Fautrière, ne m'oubliez pas entièrement. Comptez toujours sur la très-respectueuse estime du libre Suisse V.7 »

2  Qu'importe alors si Amyntas est basané ? Virgile, Bucoliques, vvvviii .

3    Évangile selon Matthieu, vi, 24 .

4   M. Richard de Ruffey, président à la chambre des comptes de Dijon : http://fr.wikipedia.org/wiki/Gilles_Germain_Richard_de_Ruffey

5   Anne-Claude de La Forêt de Montfort . Voir : http://www.passionchateaux.com/ch_montfort.htm

6   On pense qu'il s'agit de Dagonneau de Bussy, dont on ne connait pas de pièce de théâtre, au moins publiée . Il est mort ruiné . Il possédait un hôtel à Dijon, rue Chabot Charny, situé sur l'emplacement qu'avait occupé autrefois un hospice appartenant au prieuré d'Époisses( fondé en 1185 par le duc Hugues III. Voir l'abbé Claude Courtépée, Histoire du Brionnais II, 148.)

7   De Brosses répondra le 25 octobre 1758 : page 524 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411355v/f524.image

« De m. le président de BROSSES

Il n'y a, dit-on, monsieur, mal que bien n'en vienne, et parfois un plus grand bien. Je ne serai pas votre vendeur, mais je resterai votre voisin, ce qui vaut encore mieux pour moi. Je vis bien par votre seconde lettre que c'était, ainsi que vous me le disiez, une fantaisie passagère que vous aviez prise pour ce lieu, et dont on vous avait bientôt dégoûté. Pour moi, vous me trouverez probablement toujours planté là comme un piquet, toutes et quantes fois que vous voudrez goûter du denier dix (c'est la taxe apostolique des fonds perdus) et avoir une certaine quantité de bois de construction dont nous conviendrions selon le devis. Le pays m'a toujours charmé, et depuis qu'il a acquis de nouveaux agréments par votre présence, je suis moins disposé que jamais à renoncer à l'incolat, malgré la proposition d'échange que M. de Fautrière m'a fait faire par un procureur qu'il a ici, pour certaines affaires qui ne lui ont pas extrêmement bien tourné. Je ne le connais point du tout; mais ce que j'en entends dire ne me donne qu'un goût médiocre pour traiter avec lui, il est vrai qu'il y a de méchantes langues dans le monde. Bref, j'attends le détail de ce qu'il me propose, et ne puis en aucun cas m'imaginer rien d'assez séduisant pour m'éloigner de votre voisinage.

Si Mme de Brosses n'eût été en couches [naissance d'Agathe-Augustine 1758-1850], je me serais mis de la caravane pour vous aller voir avec M. et Mme de Ruffey. C'est un fort galant homme qui a bien des connaissances, et qui aime les vers avec passion, même ceux qu'il fait. Sa femme a beaucoup d'esprit et de gaieté, et une gentillesse inépuisable dans la conversation . Mais, comme elle est tout à fait timide avec les personnes qu'elle ne connait pas, il ne serait pas étonnant qu'elle n'eût rien montré de ceci, et que son génie eût tremblé devant le vôtre. Vraiment l'Hélicon de Carrouge nous a fait voir une ode de M. de Bussy du dernier pindarique, Vitreo daturus nomina ponto. Pour la comédie qu'il a donnée sur votre théâtre, je ne la connais pas. Je soupçonne seulement que sa pièce manque de conduite . Vous voyez que nous faisons nos efforts pour soutenir la réputation que vous avez bien voulu donner à notre ville d'être en possession de produire des gens célèbres. Mais, après tout, nous ne pouvons pas toujours vous offrir des Bossuets, des Saumaises, des Rameaux, des Crébillons et des Buffons.

Voulez-vous donc toujours garder nos comédiens, et ne pas nous les renvoyer cet hiver? Un théâtre est en effet bien comique sur la place où fut brûlé Servet. J'ai dans mon vieux château un vieux fauteuil dans lequel Calvin, qui avait là sa petite maison de campagne, avait coutume de faire publiquement le prêche. J'en veux faire un regalo aux comédiens pour qu'il leur serve à dire Prends un siège, Cinna. Savez-vous que l'observation plaisante que vous faisiez là-dessus m'a trouvé au beau milieu du livre et de l'enthousiasme de Jean-Jacques qui se tue à faire le plus grand abus possible de l'esprit, et à s'époumoner en paradoxes. Par bonheur que ce n'est pas de bonne foi

Nihilo plus agit

Quam si det operam, ut cum ratione insaniat.

Mais voici bien d'autres tragédies. Que dites-vous, monsieur, de la manière légère dont on se met à manier les souverains de l'Europe? Ce sont ces fripons de jansénistes qui auront fait le coup de Lisbonne s pour en jeter le chat aux jambes aux jésuites du Paraguai. J'aimerais mieux que ce fût l'affaire d'Oporto. Cela ferait exemple. Et le roi de Suède , est-il bien vrai que le sénat l'ait déposé? Et le roi d'Espagne , a-t-il tout de bon perdu la raison? Ma foi, le métier ne vaut plus rien. J'y renonce pour ma part, et vous prie de ne plus dire Le royaume de Tournay. Parlons-en pourtant toujours autant qu'il vous plaira; nous ne conclurons rien, n'importe, cela me servira de texte pour entretenir la conversation avec vous. Rien ne peut m'être plus agréable que ce commerce, à vos moments perdus; et rien n'égale les sentiments que je vous ai voués. Ils sont tels que vous les méritez. Toute autre expression ne les rendrait que faiblement. »



























 

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