26/01/2015
je vais selon le temps, et ce n'est pas assurément le temps de décorer des châteaux. J'ai peur que cette année la paix ne soit un château en Espagne
... Sauf ceux de cette architecture
« A Elie BERTRAND
premier pasteur de l'Eglise
française
à Berne
22 janvier 1760
Mon cher ami, j'aurais été bien étonné si Leurs Excellences, qui pensent si noblement, et qui ont tant de sagesse, s'étaient laissé surprendre aux insinuations d'un scélérat tel que Grasset 1.
Je suis toujours enchanté des bontés inaltérables de M. de Freydenrick. Si tous les hommes d'État lui ressemblaient, les choses en iraient mieux, et maître Pangloss trouverait avec moins de peine
le meilleur des mondes possibles. Je ne sais ce que c'est que les pauvretés de Fréron, et toutes ces misérables brochures dont on est chargé, rassasié, dégoûté à l'excès, et qui tombent, au bout de
deux jours, dans l'éternel oubli qu'elles méritent. Nos affaires de France sont un objet plus intéressant ; on n'a point encore de topique pour les blessures faites à nos finances. Je me ralentis
sur mes bâtiments ; je vais selon le temps, et ce n'est pas assurément le temps de décorer des châteaux. J'ai peur que cette année la paix ne soit un château en Espagne.
A propos, je me suis mis à lire Litteras obscurorum virorum, que je n'avais daigné jamais regarder, par préjugé contre le siècle de barbarie où elles furent faites 2. Je suis émerveillé, cela vaut mieux que Rabelais. C'est dommage que notre sainte Église romaine y soit tournée en ridicule. Mais quelle naïveté ! quelle bonne plaisanterie ! je pouffe de rire. Je vois qu'à la fin du XVe siècle on savait déjà du grec en Allemagne, et rien en France.
Nous sommes venus les derniers en tout, et nous sommes actuellent ultimi hominum. Interim vale 3.
V. »
1 Voir lettre du 7 janvier 1760 à Bertrand : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/01/13/la-moitie-de-l-ouvrage-est-un-tissu-de-calomnies-mais-ce-qu-5533135.html
2 Les Epistolae obscurorum virorum (Lettres des hommes obscurs) , satire de l'ignorance monastique, avaient été publiées en 1515 ; elles étaient , au moins en partie l'oeuvre d'Ulrich van Hutten .
3 Les derniers des hommes . En attendant porte-toi bien .
09:30 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.