13/09/2016
Il ne faut se refuser aucune des petites consolations qui peuvent rendre la vie plus douce à notre âge
... Lu et approuvé !
« A Marie-Ursule de Klinglin, comtesse de Lutzelbourg
Au château de Ferney par Genève 30è septembre 1761
Vous écrivez de votre main , madame, et je ne puis en faire autant . Comment n'avez-vous pas un petit secrétaire, pas plus gros que rien, qui vous amuserait, et qui me donnerait souvent de vos nouvelles ? Il ne faut se refuser aucune des petites consolations qui peuvent rendre la vie plus douce à notre âge .
Vous ne me mandez point si vous aviez votre amie 1 avec vous . Elle aura dû être bien effrayée du sacrement dont vous me parlez . Je vous crois de la pâte du cardinal de Fleury et de celle de Fontenelle . Nous avons à Genève une femme de cent trois ans 2, qui est de la meilleure compagnie du monde , et le conseil de toute sa famille . Voilà de jolis exemples à suivre . Je vous y exhorte avec le plus grand empressement .
Je vous remercie de tout mon cœur, madame, du portrait de Mme de Pompadour, que vous voulez bien m'envoyer . Je lui ai les plus grandes obligations depuis quelque temps ; elle a fait des choses charmantes pour Mlle Corneille .
Je ne suis point actuellement aux Délices . Figurez-vous que M. le duc de Villars occupe cette petite maison avec tout son train . Je la lui ai prêtée pour être plus à portée du docteur Tronchin, qui donne une santé vigoureuse à tout le monde, excepté à moi .
M. le duc de Bouillon ne vous écrit-il pas quelquefois ? Il a fait des vers pour moi, mais je le lui ai bien rendu 3.
Recevrez-vous des nouvelles de M. le prince de Bauffremont ? Je voudrais bien le rencontrer quelquefois chez vous . Il me paraît d'une singularité beaucoup plus aimable que celle de monsieur son père . Mais, madame, avec une détestable santé, et plus d'affaires qu'un commis de ministre , il faut que je renonce pour deux ans , au moins, à vous faire ma cour et si je ne vous vois pas dans trois ans, ce sera dans quatre ; je ne veux pour rien au monde renoncer à cette espérance .
J'ai actuellement chez moi le plus grand chimiste de France, qui sans doute me rajeunira , c'est M. le comte de Lauraguais 4; c'est un jeune homme qui a tous les talents et toutes les singularités possibles, avec plus d'esprit et de connaissances qu'aucun homme de sa sorte . Adieu, madame, plus je vois de gens aimables, plus je vous regrette . Mille tendres respects .
V. »
1 Mme de Brumath .
2 Mme Lullin .
3 Voir lettre du 31 juillet 1761 au duc de Bouillon : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/07/01/on-cabale-a-la-cour-a-l-eglise-a-l-armee-au-parnasse-on-se-bat-pour-un-peu.html
4 Il faut se souvenir que Louis-Félicité, duc de Brancas, comte de Lauraguais avait débarrassé la scène des petits-maîtres qui l’encombraient .
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