Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08/09/2017

Mes chers frères, continuez à éclairer le monde, que vous devez tant mépriser. Que de bien on ferait, si on s’entendait !

... Il est difficile de dire le contraire !

Du bien, et de l'union, il en faudra pour réparer  les énormes dégâts causés par Irma .

Irma La Douce Street Chic

Irma la douce, il t'était si facile de faire du bien, impossible de semer la terreur .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

10 octobre [1762] 1

Mes frères et maîtres 2 ont donc envoyé leur réponse à M. de Schovalof. Il est plaisant qu’un Russe favorise des philosophes français, et il est bien horrible que des Français persécutent ces philosophes. J’avais déjà assuré la cour russe de la reconnaissance [et] des refus de nos sages 3.

Mes chers frères, continuez à éclairer le monde, que vous devez tant mépriser. Que de bien on ferait, si on s’entendait ! Jean-Jacques eût été un Paul, s’il n’avait pas mieux aimé être un Judas. Helvétius a eu le malheur d’avouer un livre 4 qui l’empêchera d’en faire d’utiles . Mais j’en reviens toujours à Jean Meslier. Je ne crois pas que rien puisse jamais faire plus d’effet que le testament d’un prêtre qui demande pardon à Dieu, en mourant, d’avoir trompé les hommes. Son écrit est trop long, trop ennuyeux, et même trop révoltant ; mais l’extrait est court, et contient tout ce qui mérite d’être lu dans l’original.

Le Sermon des Cinquante, attribué à La Mettrie, à Dumarsais, à un grand prince, est tout à fait édifiant. Il y a vingt exemplaires de ces deux opuscules dans le coin du monde que j’habite. Ils ont fait beaucoup de fruit. Les sages prêtent l’Évangile aux sages ; les jeunes gens se forment, les esprits s’éclairent. Quatre ou cinq personnes à Versailles ont de ces exemplaires sacrés. J’en ai attrapé deux pour ma part, et j’en suis tout à fait édifié. Pourquoi la lampe reste-t-elle sous le boisseau 5 à Paris ? Mes frères, in hoc non laudo 6. Le brave libraire qui imprime des factums en faveur de l’innocence 7 ne pourrait-il pas aussi imprimer en faveur de la vérité ?

Quoi ! la Gazette ecclésiastique 8 s’imprimera hardiment, et on ne trouvera personne qui se charge de Meslier ? J’ai vu Woolston, à Londres, vendre chez lui vingt mille exemplaires de son livre contre les miracles 9. Les Anglais, vainqueurs dans les quatre parties du monde, sont encore les vainqueurs des préjugés . Et nous, nous ne chassons que des jésuites, et ne chassons point les erreurs. Qu’importe d’être empoisonné par frère Berthier ou par un janséniste ? Mes frères, écrasez cette canaille. Nous n’avons pas la marine des Anglais, ayons du moins leur raison. Mes chers frères, c’est à vous à donner cette raison à nos pauvres Français.

Thieriot est parti pour embrasser nos frères. Ne pourrais-je pas rendre quelque service à ce bon libraire Martin ou Merlin ? car je n’ai pu lire son nom.

J’embrasse mes frères en Confucius, en Platon, etc.

Ah ! l’infâme !

Je prie mon très cher frère de vouloir bien m'envoyer au plus vite le Dictionnaire des hérésies en deux volumes in-douze 10.

Je voudrais bien savoir ce que je lui dois .

Voici une lettre importante pour M. d'Alembert 11 sur laquelle il confèrera avec mon cher frère . »



1 Les trois derniers paragraphes de la copie Beaumarchais suivie par toutes les éditions sont remplacés par la lettre du 25 octobre 1762 à Damilaville : «Je voudrais [...] la grâce tire parti de tout . » ; voir dans : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/05/correspondance-annee-1762-partie-28.html

2 D'Alembert et Diderot .

3 Diderot écrit à V* le 29 septembre 1762 : « Non, très cher et très illustre frère, nous n'irons ni à Berlin ni à Petersbourg achever l'Encyclopédie ; et la raison, c'est qu'au moment où je vous parle, on l'imprime ici et que j'en ai des épreuves sous les yeux ; mais chut ! Assurément c'est un énorme soufflet pour nos ennemis que la proposition de l'impératrice de Russie ; mais croyez-vous que ce soit le premier de cette espèce que les maroufles aient reçu ? Oh que non ! Il y a plus de deux ans que le roi de Prusse qui pense comme nous […] leur en avait appliqué un tout pareil . Si vous avez la bonté décrire un mot en mon nom à M. de Schouvalov, comme je vous en supplie, vous ne manquerez pas de faire valoir cette conformité de vues entre la princesse régnante, et le plus grand monarque qui soit . […] Par les offres qu'on nous fait, je vois qu'on ignore que le manuscrit de l'Encyclopédie ne nous appartient pas, qu'il est en la possession de libraires qui l'ont acquis à des frais exorbitants et que nous n'en pouvons distraire un feuillet sans infidélité .[...] »

D'Alembert écrit le 2 octobre 1762 : « Oui, mon cher et illustre maître, j'ai reçu l’invitation de M. de Schouvalow, et j'y ai répondu comme vous vous y attendiez . […] je ne désire, même dans mon propre pays, ni place ni honneurs ; jugez si j'en irai chercher à 800 lieues ; mais je suis d'ailleurs de votre avis, il faut faire servir les offres qu'on nous fait à l'humiliation de la superstition et de la sottise ; il faut que toute l'Europe sache que la vérité persécutée par les bourgeois de Paris, trouve un asile chez des souverains qui auraient dû l'y venir chercher [...] »

4 De l'esprit .

5 Évangile de Matthieu , V, 15 : https://www.info-bible.org/lsg/40.Matthieu.html#5

6 En cela je ne vous loue pas .

7 Les mémorandums des avocats avaient été publiés par Le Breton ; ceux de Voltaire sont sans nom de libraire . Ils avaient apparemment été distribués par Joseph Merlin, qui semble avoir eu du goût pour les écrits séditieux ; voir : http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.1998.oferret&part=4831

8 Journal janséniste qui s'imprimait clandestinement .

10 François-André-Adrien Pluquet : Mémoires pour servir à l'histoire des égarements de l'esprit humain par rapport à la religion chrétienne ou Dictionnaire des hérésies, des erreurs et des schismes, 1762 ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois-Andr%C3%A9-Adrien_Pluquet

et : http://data.bnf.fr/12176450/francois-andre-adrien_pluquet/

 

et https://books.google.fr/books?id=a6Ysua72iugC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

et : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2098659

11Voir lettre du 12 octobre 1762 malgré la date donnée .

Les commentaires sont fermés.