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21/05/2018

Il y aurait peut-être une autre tournure à prendre : ce serait de ne plaider nulle part, et d’abandonner ses droits pour être plus tranquille

... Ce qui n'est pas du tout le sentiment des fonctionnaires qui vont se mettre en grève, juste comme ça, au cas où . Pour un bon nombre d'entre eux, on ne fera pas de différence entre leur activité et leur inactivité , tant leurs retards et absentéisme sont ordinaires .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

23 mai [1763] aux Délices

Il faut que je vous dise, mes chers anges, que j’ai de la peine à croire que les Observations succinctes soient du président de M. 1, qui m’avait autrefois paru modéré et philosophe. Je vous avoue que ces observations sont un monument rare de l’esprit de parti, qui attache de l’importance à de bien petites choses. Mais les préjugés des autres ne servent qu’à me faire aimer davantage votre raison, et tout augmente la reconnaissance que je vous dois.

L’idée de la Gazette littéraire me fait bien du plaisir, d’autant plus que je me doute que vous la protégez.

Dites-moi, je vous en prie, mes anges, qui sont ces abbés Arnaud et Suart 2 . Ce sont apparemment gens de mérite, puisqu’ils sont encouragés par M. le duc de Praslin. Il me semble qu’on pourrait se servir de cet établissement pour ruiner l’empire de l’illustre Fréron.

J’ai déjà envoyé à M. le duc de Praslin trois cahiers de notices et d’extraits d’ouvrages étrangers, dont quelques-uns ont de la réputation. J’ai eu grand soin de mettre en marge que ces esquisses informes n’étaient présentées que pour être mises en œuvre par les auteurs, et que je n’envoyais que des matériaux bruts pour leur bâtiment. J’ai fort à cœur cette entreprise. Il n’y a que ma maladie des yeux qui me fasse craindre d’être inutile ; sans cela, je pourrais dégrossir tout ce qui se ferait en Espagne, en Allemagne, en Angleterre, et en Italie. J’ai en main un homme qui m’aiderait. On pourrait aisément me faire venir tous les livres par la poste ; et alors les auteurs de cet ouvrage périodique, servis régulièrement, n’auraient plus qu’à rédiger et à embellir les extraits. J’ai proposé à M. le duc de Praslin cet arrangement, et s’il convient je m'en chargerai de grand cœur . Cet amusement convient à mon âge . Il ne demande pas de grands efforts d’imagination, et je travaillerai jusqu’à ce que je devienne tout à fait aveugle et impotent, deux bénéfices dont je pourrai bientôt être pourvu.

Comme je vous fais toujours des confessions générales, je dois vous dire que madame Denis, à qui j’ai donné Ferney, a présenté requête à M. le duc de Praslin pour avoir ses causes commises au Conseil privé . En voici le motif.

Les privilèges de la terre sont tous fondés sur les traités des rois, depuis Charles IX jusqu’à Louis XV . Les parlements s’embarrassent peu des traités. Le roi paraît le seul juge comme le seul interprète des conventions faites avec les ducs de Savoie, Berne, et Genève. Si on attaque nos droits au parlement, nous les perdrons infailliblement . Si nous plaidons au conseil, nous espérons gagner.

Il y aurait peut-être une autre tournure à prendre : ce serait de ne plaider nulle part, et d’abandonner ses droits pour être plus tranquille. C’est un parti de Bias et de Diogène 3, et je le prendrais peut-être si j’étais seul . Mais il serait triste pour madame Denis de perdre de très belles prérogatives, et le plus clair revenu de sa terre.

Vous ne me dites jamais rien du tripot ; pas un mot de la tragédie de Socrate 4 ; profond silence sur les trois tomes immortels du modeste Palissot 5 . Vous ne parlez ni de l’Opéra, ni des édits, ni de la Lettre de Jean-Jacques à Christophe. Les yeux me cuisent, et refusent le service à votre créature. 

V.»

1 Le président de Mesnières ; voir lettre du 28 mai 1763 à d'Argental : « Je vous envoie […] mes modestes objections , à M. le président de Mesnières . »

2 Rédacteurs de la Gazette littéraire ; Suard n'est pas abbé .

3 Bias, un des sept sages de la Grèce, prêchait le mépris des richesses . La ville de Priène ayant été prise, il partit sans rien emporter, disant qu'il portait tout avec lui ; https://fr.wikipedia.org/wiki/Bias_de_Pri%C3%A8ne

4 Sur cette pièce de Billardon de Sauvigny, voir lettre du 25 juin 1762 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/05/09/1-5942153.html

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