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14/07/2018

vous serez amusé, et un ministre a souvent besoin de l'être

... lui qui n'amuse guère ses concitoyens ne peut guère attendre que ceux-ci le mettent en joie . Pour le consoler, le choix des distractions ne manque pas ce jour, avec le défilé des Champs Elysées, le Tour de France et tout ce que permet le beau temps . Haut les coeurs !

 

 

« A César-Gabriel de Choiseul, duc de Praslin

[vers le 27 juillet 1763] 1

[…] A propos, monseigneur, ceci n'est pas une dépêche de Rome moderne, ce n'est pas un mémoire sur les diètes de Pologne, ce ne sont pas des nouvelles des deux frères qui se disputent la Perse, ce n'est pas un détail des sottises de ce pauvre Grand Mogol, c'est votre conjuration, ce sont vos roués, c'est une attrape qui vous amusera . Je ne vous dirai point que cela fera fondre en larmes, je mentirais ; mais cela peut attacher, cela fera raisonner, et vous serez amusé, et un ministre a souvent besoin de l'être .

Vous pèserez, quand il en sera temps, l'importance extrême dont il est, de mettre la conspiration sous le nom d'un jeune novice jésuite, qui, grâce à la bonté du parlement , est rentré dans le monde, et qui comme Colletet et tant d'autres, attend son dîner du succès de son ouvrage . Je m'imagine que les girouettes françaises tournent actuellement du côté des jésuites ; on commence à les plaindre ; les jansénistes ne font point de pièces de théâtre, ils sont durs, ils sont fanatiques, ils seront persécuteurs, on les détestera, on aimera passionnément un pauvre petit diable de jésuite, qui donnera l'expérience d’être un jour un Lemière, un Colardeau, un Doriat . Je persisterai toujours à croire qu'il faut donner un nom à ce jeune jésuite ; le public aime à se fixer . Si on ne nomme personne, on me nominera, et tout sera perdu .

Mais pourquoi ne faites-vous pas faire une tragédie à M. Thomas? Quel homme a écrit avec plus de force que lui ? Quel homme a plus d'idées ? Il est jeune, et j'ai besoin d'un coadjuteur .

Enfin , monseigneur, vous ne nous abandonnerez pas, Mme Denis et moi, dans notre querelle avec la sainte Église . Nous espérons que vous voudrez bien vous damner pour nous, rien n'est plus beau que d'aller au diable pour faire du bien aux gens qu'on protège .

Agréez, je vous en conjure, mon attachement, ma reconnaissance, et mon profond respect .

Le vieux de la montagne . »

1 L'édition Vie privée donne un texte très corrompu daté de décembre . Moland place la lettre à la fin de 1764 . Tel que le texte se présente dans les éditions, ces deux dates sont impossibles pour de nombreuses raisons . Mais en fait, ce texte s'avère résulter d'un amalgame de trois lettres fragmentaires : la présente lettre, celle du 21 août 1763 généralement donnée comme adressée au duc de Richelieu mais dont le destinataire est Praslin, et la lettre du 17 octobre 1763 .