26/04/2024
Il faut une religion au peuple, mon ami ; mais il la faut plus pure et plus dépendante de l’autorité civile...Tout cela n’empêche pas qu’on ne doive être sage
... " pure et plus dépendante de l'autorité civile", entendez-vous bien fanatiques religieux de tout poil jusques et y compris les dits libres penseurs intolérants . Le laïcisme public est-il si difficile à concilier avec la religion privée, ou plutôt la religion avec le civisme ?
A ce propos, voir https://www.toupie.org/Citations/Civisme.htm avec une attention particulière pour une citation de Simone Veil à propos de Poutine, en 2008 : "Quand on cherche à séduire Poutine, on lui décerne volontiers des brevets de civisme, passant sous silence ses manquements aux sacro-saints droits de l'Homme." Nous sommes loin des déclarations d'amour d'une Marine Le Pen pour le dictateur , et le nez dans notre puante hypocrisie diplomatique pour sauver la livraison de gaz et pétrole ; pas de quoi être fiers .
« A Sébastien Dupont
Avocat au Conseil souverain à Colmar
Au château de Ferney, 15 octobre.
Je crois bien, mon cher ami, que les chiens qu’on a fessés aboient ; mais je vous assure que tous les honnêtes gens en rient, à commencer par ceux qui composent le Conseil du roi, et par le roi lui-même ; je pourrais vous en dire des nouvelles. Soyez sûr que d’un bout de l’Europe à l’autre il s’est fait depuis quelque temps dans les esprits une révolution qui n’est ignorée peut-être que des capucins de Colmar et des chanoines de Porrentruy 1. Le gendre du premier ministre d’Espagne 2, qui est venu chez moi, m’a appris qu’on venait de limer les dents et de couper les griffes à l’Inquisition . On lui a ôté jusqu’au privilège de juger les livres et d’empêcher les Espagnols de lire. Ce qui se passe en Italie doit vous faire voir combien les temps sont changés. On débite actuellement dans Rome la cinquième édition della Riforma d’Italia, livre dans lequel il est démontré qu’il faut très peu de prêtres et point de moines, et où les moines ne sont jamais traités que de canaille. Il faut une religion au peuple, mon ami ; mais il la faut plus pure et plus dépendante de l’autorité civile 3. C’est à quoi l’on travaille doucement dans tous les États. Il n’y a presque aucun prince qui ne soit convaincu de cette vérité, il y en a quelques-uns qui vont bien plus loin. Tout cela n’empêche pas qu’on ne doive être sage ; il ne faut triompher que quand la victoire sera complète. Les chiens qui jappent encore pourraient mordre. J’aurais plus d’une chose à vous dire si j’avais le bonheur de vous voir dans mon heureuse retraite avec celle que j’en ai fait la souveraine. Faites comme vous voudrez ; mais je ne veux point mourir sans vous avoir embrassé. En attendant, je vous prie, mon cher ami, de contribuer à me faire vivre, en voulant bien recommander à M. Rosé de me payer le quartier qu’il me doit . J’ai trente personnes à nourrir, et trente mille francs à donner par an à ma famille . Vous concevez bien qu’il faut que M. Rosé m’aide.
Je vous embrasse le plus tendrement du monde.
V. »
1 Écrit Porentrou dans le manuscrit ; c'est sans doute ainsi que le prononçait V*.
2 Le marquis de Mora , gendre du ministre Aranda .
3 On a dit que V* ne semblait pas voir que livrer entièrement le clergé et les dogmes à l'autorité civile aboutirait à une sorte de totalitarisme . N'oublions pas : « Le droit de dire et d'imprimer ce que nous pensons est le droit de tout homme libre, dont on ne saurait le priver sans exercer la tyrannie la plus odieuse. »[Questions sur les miracles]
Pour savoir de quoi on parle , voir : https://www.toupie.org/Dictionnaire/Totalitarisme.htm
12:16 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.