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15/10/2021

Je me laisse si peu abattre que je prendrai probablement le parti d’aller finir mes jours dans un pays où je pourrai faire du bien. Je ne serai pas le seul

... Qui dit mieux ?

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

Aux eaux de Rolle en Suisse, par Genève, 21 juillet 1766 1

Je ne me laisse point abattre, mon cher frère ; mais ma douleur, ma colère, et mon indignation, redoublent à chaque instant. Je me laisse si peu abattre que je prendrai probablement le parti d’aller finir mes jours dans un pays 2 où je pourrai faire du bien. Je ne serai pas le seul. Il se peut faire que le règne de la raison et de la vraie religion s’établisse bientôt, et qu’il fasse taire l’iniquité et la démence. Je suis persuadé que le prince qui favorisera cette entreprise vous ferait un sort agréable si vous vouliez être de la partie. Une lettre de Protagoras pourrait y servir beaucoup. Je sais que vous avez assez de courage pour me suivre ; mais vous avez probablement des liens que vous ne pourrez rompre.

J’ai commencé déjà à prendre des mesures ; si vous me secondez, je ne balancerai pas. En attendant, je vous conjure de prendre au moins, chez M. de Beaumont[2] , le précis de la consultation, avec les noms des juges. Je n’ai vu personne qui ne soit entré en fureur au récit de cette abomination.

Comme je serai encore quelque temps aux eaux de Suisse, je vous prie d’adresser vos lettres à M. Boursier, chez M. Souchay, à Genève, au Lion d’or.

Mon cher frère, que les hommes sont méchants, et que j’ai besoin de vous voir ! »

1 Copie contemporaine Darmstadt B. ; l'édition Correspondance littéraire d'après laquelle est faite la copie, ne porte pas le destinataire, comme chaque fois qu'il s'agit de Damilavile .

2 Le pays de Clèves ; voir la lettre de la mi-juillet 1766 de Frédéric II à V* : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6409

Les cris ne sont pas inutiles, ils effrayent les animaux carnassiers, au moins pour quelque temps

... Aussi ne cessons pas de crier et éliminer ces tueurs, et leurs complices, qui décapitent des professeurs : https://fr.news.yahoo.com/assassinat-samuel-paty-o%C3%B9-... 

Honneur à Samuel Paty .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

19 juillet 1766

Ce petit billet ouvert que je vous envoie 1, mon cher frère, pour Protagoras, est pour vous comme pour lui . Il est écrit dans l’amertume de mon cœur. Je crains que Protagoras ne soit trop gai au milieu des horreurs qui nous environnent. Le rôle de Démocrite est fort bon quand il ne s’agit que des folies humaines ; mais les barbaries font des Héraclites. Je ne crois pas que je puisse rire de longtemps. Je vous répète toujours la même chose, je vous fais toujours la même prière. La consultation en faveur de ces malheureux jeunes gens, et le mémoire des Sirven, ce sont là mes deux pôles. On m’assure que celui qui est mort n’avait pas dix-sept ans ; cela redouble encore l’horreur.

C’est aujourd’hui le jour où j’attends une de vos lettres. Si je n’en ai point, mon affliction sera bien cruelle ; mais si j’ai la consultation des avocats, je recevrai au moins quelque consolation ; je sais que c’est après la mort le médecin , mais cela peut du moins sauver la vie à d’autres. L’assassinat juridique des Calas a rendu le parlement de Toulouse plus circonspect . Les cris ne sont pas inutiles, ils effrayent les animaux carnassiers, au moins pour quelque temps.

Adieu, mon cher frère ; je vous embrasse toujours avec autant de douleur que de tendresse. »

C’était bien là le cas au moins de faire des représentations à ceux qui en font tous les jours de si violentes pour des sujets bien moins intéressants

... Poutou vs Darmanin ? Mélenchon vs tous ceux qui ne disent pas comme lui ? Chaque candidat LR contre tout concurrent du même parti ? Etc., etc., etc. Inintéressants, ça oui .

 

 

« A Philippe-Charles-François-Joseph de Pavée, marquis de Villevielle

18è juillet 1766

En vérité, monsieur, vous avez adouci mes maux et prolongé ma vie en me gratifiant de ces dix paquets de la poudre des chartreux 1. Je n’ai qu’une seule prise de la poudre des pilules de Prusse 2.

Oui, sans doute, il faut faire une seconde édition de cet ouvrage, et il y en aura plus d’une. L’avant-propos est violent : cet avant-propos est du roi : il n’y a qu’une seule faute, mais elle est grave, et sera relevée par les ennemis de la raison. Il y parle d’une falsification d’un passage dans l’évangile de Jean. L’on prétend que ce n’est point ce passage de l’évangile qui a été falsifié, mais bien deux endroits d’une épître 3. Le corps de l’histoire est de l’abbé de Prades ; il a besoin de beaucoup de corrections et d’additions. On m’a parlé de quelques autres ouvrages qui paraissent. Je remercie ceux qui nous éclairent ; mais je tremble pour eux, à moins qu’ils ne soient des rois de Prusse. La relation 4 que je vous envoie vous fera frémir comme moi : l’inquisition aurait été moins barbare.

La postérité ne concevra pas comment les gentilshommes d’une province ont laissé immoler d’autres gentilshommes par des bourreaux, sur un arrêt de vingt-cinq bourreaux en robe, à la pluralité de quinze voix contre dix. C’était bien là le cas au moins de faire des représentations à ceux qui en font tous les jours de si violentes pour des sujets bien moins intéressants.

Je souhaite passionnément, monsieur, d’avoir l’honneur de vous revoir. Je crois avoir retrouvé en vous un autre marquis de Vauvenargues. Vous me consolerez de sa perte, et des atrocités religieuses qu’on commet encore dans un siècle qui n’était pas digne 5 de lui. Je vous attends, monsieur, avec l’attachement le plus tendre et le plus respectueux. »

2 Les pilules de Prusse sont l’Abrégé de l’Histoire ecclésiastique (voir lettre du 1er février 1766 à Frédéric II : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/05/18/sans-justesse-il-n-y-a-ni-esprit-ni-talent-6316581.html).

Quant à la poudre des chartreux (dont il est déjà parlé dans la lettre du 2 juin 1766), je ne sais ce que ce peut être. (Beuchot )

5 Mot manquant dans la copie et ajouté par l'édition .