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23/06/2022

les préjugés sont si forts, la faiblesse si grande, l’ignorance si commune, le fanatisme si aveugle et si insolent, qu’on ne peut trop estimer ceux qui ont assez de courage pour secouer un joug si odieux et si déshonorant pour la nature humaine

... Mais sur combien de Voltaire peut-on compter aujourd'hui ?

 

 

« Au chevalier François-Jean de Chastellux 1

11è février 1767

Je vous devais déjà, monsieur, beaucoup de reconnaissance pour les efforts généreux que vous aviez faits auprès d’un homme respectable qui, cette fois, a été seul de son avis pour n’avoir pas été du vôtre. Je suis encore plus reconnaissant de la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire, et des sentiments que vous y témoignez. Il y a si peu de personnes qui cherchent à s’instruire de ce qui mérite le plus l’attention de tous les hommes ; les préjugés sont si forts, la faiblesse si grande, l’ignorance si commune, le fanatisme si aveugle et si insolent, qu’on ne peut trop estimer ceux qui ont assez de courage pour secouer un joug si odieux et si déshonorant pour la nature humaine. Cette vraie philosophie, qu’on cherche à décrier, élève le courage, et rend le cœur compatissant. J’ai trouvé souvent l’humanité parmi les officiers, et la barbarie parmi les gens de robe. Je suis persuadé qu’un conseil de guerre aurait mis en prison pour un an le chevalier de La Barre, coupable d’une très grande indécence ; mais que ceux qui hasardent leur vie pour le service du roi et de l’État n’auraient point fait donner la question à un enfant, et ne l’auraient point condamné à un supplice horrible. La jurisprudence du fanatisme est quelque chose d’exécrable : c’est une fureur monstrueuse. Tandis que d’un côté la raison adoucit les mœurs, et que les lumières s’étendent, les ténèbres s’épaississent de l’autre, et la superstition endurcit les âmes.

Continuez, monsieur, à prendre le parti de l’humanité. L’exemple d’un homme de votre nom et de votre mérite pourra beaucoup. Mon âge et mes maladies ne me permettent pas d’espérer de longues années ; je mourrai consolé en laissant au monde des hommes tels que vous. Je vous supplie d’agréer mon sincère et respectueux attachement. »

1 François-Jean, chevalier, puis marquis de Chastellux, né en 1734, mort en 1788, auteur de plusieurs ouvrages, et entre autres d’un traité De la Félicité publique, sur la seconde édition duquel Voltaire fournit un extrait dans le Journal de politique et de littérature ;

voir : https://www.academie-francaise.fr/les-immortels/francois-jean-de-chastellux

voir : https://www.jstor.org/stable/20846674

et : https://dictionnaire-journaux.gazettes18e.fr/journal/0684-journal-de-politique-et-de-litterature

et : https://c18.net/vll/vll_pages.php

Ce qu’il y aurait de mieux à faire, à mon avis

... Autant d'avis que de partis . Les grenouilles se croyant boeufs du RN et de NUPES coassent à en perdre la voix , réclamant des postes prestigieux ( et rémunérateurs, bien entendu ) . Et dire qu'il va falloir les supporter cinq ans !

 

 

 

« A Charles Bordes

A Ferney, 11è février 1767

Vous m’aviez ordonné, monsieur, de vous renvoyer par le coche les deux mauvais ouvrages jésuitiques, dans lesquels il y a des anecdotes curieuses, et qui fournissent beaucoup à l’art de profiter des mauvais livres . Mais il n’y a plus de coche, plus de voitures de Genève à Lyon, plus de communication. Ce qu’il y aurait de mieux à faire, à mon avis, serait d’acheter le nouvel exemplaire qu’on vous propose pour le rendre à votre dévote, je le paierai très volontiers, à la faveur d’une lettre de change que j’ai sur M. Scherer 1 pour le payement des Rois.

L'anecdote qu'on vous a contée sur ce malheureux Jean-Jacques est très vraie . Le malheureux a laissé mourir ses enfants à l'hôpital, malgré la pitié d’une personne compatissante qui voulait les secourir . Comptez que Rousseau est un monstre d’orgueil, de bassesse, d'atrocité, et de contradictions 2.

Je crois que vous jugez très bien M. Thomas en lui accordant de grandes idées et de grandes expressions.

Les troubles de Genève, les mesures que le gouvernement à prises, l’interruption de tout commerce, la rigueur intolérable de l’hiver, la disette où notre petit pays est réduit, m’ont rendu Ferney moins agréable qu’il n’était. J’espère, si je suis encore en vie l’hiver prochain, le passer à Lyon auprès de vous, et ce sera pour moi une grande consolation. Je vous embrasse de tout mon cœur, mon cher confrère. 

V.»

1 Première référence au banquier lyonnais dont il sera beaucoup question par la suite .