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16/10/2022

Plus la rage du fanatisme exhale de poison, plus elle rend service à la vérité. Rien n’est plus heureux que de réduire ses ennemis à mentir

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« A Philippe-Antoine de Claris, marquis de Florian

Le 16 Avril [1767]

En réponse à la lettre du 3 d’avril du cher grand-écuyer, je dirai à toute la famille que mon voyage à Montbéliard est absolument nécessaire ; mais je ne le ferai que dans la saison la plus favorable.

Le succès de l’affaire des Sirven me paraît infaillible, quoi qu’en dise Fréron. La calomnie absurde contre cette pauvre servante des Calas ne peut servir qu’à indigner tout le conseil, que cette calomnie attaquait vivement, en supposant qu’il avait protégé des coupables contre un parlement équitable et judicieux. Plus la rage du fanatisme exhale de poison, plus elle rend service à la vérité. Rien n’est plus heureux que de réduire ses ennemis à mentir.

Le prince au service duquel est Morival m’a mandé 1 qu’il l’avait fait enseigne, et qu’il aurait soin de lui. Il est aussi indigné que moi de cette abominable aventure, que j’ai toujours sur le cœur.

Nous sommes embarrassés de toutes les façons à Ferney. Vous pensez bien, messieurs, que les commis condamnés à restituer les cinquante louis d’or 2 cherchent à les regagner par toutes les vexations de leur métier. Nous sommes en pays ennemi. Il est triste de batailler continuellement avec les fermiers-généraux. Notre position, qui était si heureuse, est devenue tout à fait désagréable : il faut quelquefois savoir boire la lie de son vin. Nous serons plus heureux quand vous pourrez venir passer quelques mois chez nous. Notre transplantation à Hornoy est actuellement de toute impossibilité.

J’aurais souhaité que Tronchin eût été plus médecin que politique, qu’il se fût moins occupé des tracasseries d’une ville qu’il a abandonnée. S’il a pris parti dans ces troubles, il devait me connaître assez pour savoir que je me moque de tous les partis. Quoi qu’il en soit, il est plaisant que Tronchin soit à Paris, et moi aux portes de Genève, Rousseau en Angleterre, et l’abbé de Caveyrac 3 à Rome. Voilà comme la fortune ballotte le genre humain.

Je demande à M. le grand-Turc pourquoi son baron de Tott4 est à Neuchâtel. Dites-moi, je vous prie, mon Turc, si ce Turc de Tott vous a donné de bons mémoires sur le gouvernement de ses Turcs. N’êtes-vous pas bien fâché qu’Athènes et Corinthe soient sous les lois d’un bacha ou d’un pacha ?

Mille amitiés à tous. Le Turc est prié d’écrire un mot. »

1 Dans une lettre reproduite à propos de la lettre de V* à Frédéric II du 5 avril 1767 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/09/22/il-faut-attaquer-le-monstre-par-les-oreilles-comme-a-la-gorg-6402425.html

2 Dans l’affaire Le Jeune. (G.Avenel.)

3 Apologiste de la révocation de l’édit de Nantes et de la Saint-Barthélemy. (G.Avenel.)

4Voir lettre du 11 avril 1767 à la marquise de Florian : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/09/29/on-ne-sait-plus-ou-se-fourrer-pour-etre-bien-je-sais-qu-il-f-6403824.html

V* a peut-être écrit à Tott car le 18 avril 1767, celui-ci lui envoya une lettre de Neuchâtel dont on sait seulement qu'elle contenait des détails sur les Turcs .

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